Mille Décibels, online magazine van de Oostrand, spreekt met Minister Landuyt
Mille Decibel 21.01.2005
Interview 21.1.2005
Interview de Renaat Landuyt
Ministre fédéral de la Mobilité
Beaucoup de personnes se plaignent depuis l'introduction du plan de
dispersion. Quel message souhaitez-vous leur adresser ?
Je demande à tout le monde un peu de confiance. Je désire apaiser les choses.
Depuis le début, j'évite même de prendre position. En effet, je pense que dans
ce dossier il est plus facile de prendre une position que de prendre une
décision. Pour y parvenir, je suis en train de suivre un parcours que je me suis
fixé. Mais c'est pour le moment rendu plus compliqué à cause d'une décision de
justice (ndlr : le jugement en référé concernant la piste 02). Je n'habite pas
dans la région de l'aéroport. J'en profite pour montrer qu'il n'est pas possible
de biffer les difficultés. Les nuisances vont rester quelque part. Aussi
longtemps qu'il y aura des vols de nuit, nous aurons des problèmes liés au
bruit. Ce sera la même chose pour les vols de jour. La question est de savoir
comment faire pour que ce soit ressenti comme le plus équilibré et le plus
équitable par le plus de personnes possible. Dans ce débat, j'essaie d'écouter
non seulement ceux qui sont les plus entreprenants mais aussi ceux qui
s'expriment avec moins de force. Car dès que l'on change quelque chose d'un
côté, je sais que d'autres vont rouspéter.
N'est-ce pas dû au principe même de la dispersion ?
Le choix a été fait de disperser le bruit car il y avait un problème. Je ne
vais pas changer ce choix.
Disperser les nuisances sonores, selon vous, c'était ce qu'il
y avait de mieux à faire pour l'aéroport de Zaventem ?
Je pense que oui. La réalité est assez dure. Ce serait facile de dire
qu'il ne faut pas disperser et que l'on va solutionner les problèmes des gens
qui se plaignent. Mais on a déjà pu constater, après 30 ans, que cela n'a pas
été fait. Alors, puisqu'il y a des difficultés et des nuisances, il faut les
partager, comme un fruit.
Est-ce un principe rationnel ?
Oui, ce n'est pas amusant à dire mais c'est une question d'équité. Avant
tout, je veux dire que je suis heureux de vivre dans un pays où l'économie
fonctionne parfois aussi sans rationalité sur le plan économique. Il y a
heureusement des règles sociales et des règles écologiques. Si on suivait
uniquement la rationalité, on ne vivrait pas aussi heureux dans notre pays
aujourd'hui. Il ne faut pas non plus limiter la rationalité à son propre point
de vue. Si on avait seulement suivi la rationalité, en ce qui concerne Zaventem,
nous aurions eu le développement de DHL.
La question du caractère équitable du principe de dispersion ne semble
pourtant pas aller de soi pour beaucoup de personnalités politiques, de
riverains, de philosophes. Qu¹est ce qui fonde pour vous le caractère équitable
de la dispersion ?
Il faut être sincère envers les gens et ne pas être lâche. Ce qui est certain
c'est qu'il y a un accord de gouvernement. Et autour de la table, pendant
l'affaire DHL, il y avait un sentiment d'accord sur l'idée de disperser les
problèmes si on ne peut pas les biffer. A ceux qui me disent qu'ils sont contre
la dispersion, je répète qu'ils sont contre ce qu'ils ont eux-mêmes décidé. Au
moment de cette décision, moi je n'étais pas là. Je constate seulement que je
suis dans un gouvernement avec un accord pour le principe de dispersion.
Mais n'entend-t-on pas dire chez les partenaires francophones que la
dispersion doit tenir compte du critère de densité de population ?
Dès que l'on parle de dispersion, on parle de plus de gens que si on ne
disperse pas. C'est malheureusement la logique de la dispersion.
L'argument avancé par les partis francophones consiste à dire que dans ce cas
il n'est plus possible d'appliquer des mesures de compensations correctrices
comme l'isolation acoustique ou l'expropriation. Qu'en pensez-vous ?
Il faut être réaliste. Il faut que je sois sûr de la possibilité de faire ce
qui doit être fait en cas de non dispersion, en matière de compensation. J'ai
beaucoup lu et entendu au sujet des compensations. Et le plus j'en entends, le
moins je suis sûr. La seule possibilité réelle, c'est la dispersion des vols de
nuit. L'honnêteté me fait dire qui si des choses sont possibles aujourd'hui,
c'est par la dispersion. Si demain on me prouve qu'il y a des solutions
réalistes et faisables, on peut en discuter. Mais il faut du concret.
Au fait, pourquoi cette politique de compensation basée sur l'isolation
acoustique des maisons et l'expropriation, qui avait à l'époque été décidée par
Madame Isabelle Durant, ne s'est pas faite ?
Pour une politique de compensation, il faut être sûr que tout le monde fait
ce qu'il doit faire. Moi je ne suis pas maître de tout dans ce dossier. Il y a
beaucoup de contraintes légales. Dans une politique de compensation, il y a
beaucoup d'acteurs qui doivent suivre. Et ils n'ont pas décidé de suivre. Si on
veut isoler les maisons, faire des choses concrètes, il y a des tas d'instances
qui interviennent. En matière d'immobilier, il y a des mesures que l'on ne peut
pas prendre sans autorisations légales. C'est tellement compliqué pour mettre
tout le monde d'accord dans un dossier de compensation, pour être sûr que tout
le monde va suivre, que l'on ne peut jamais être sûr d'y arriver.
D'où viennent les incertitudes en la matière ?
Elles sont dues à la complexité du système. Il est facile de dire que l'on va
isoler les maisons. Mais la mise en pratique concrète est difficile. Chaque
maison a ses spécificités, il faut faire intervenir des experts, des architectes
... Il passera beaucoup d¹avions avant que l'on constate la réalité de ces
compensations. Moi je n'y crois pas. Honnêtement, le plus sûr est de disperser
les problèmes. Par contre, je crois qu'une solution existe sur le plan des
évolutions techniques qui permettent aux avions de faire moins de bruit et
peut-être avec une évolution du côté des règles européennes. C'est ce que j'ai
retenu de l'affaire DHL. Le problème avec DHL était qu'ils n'investissaient pas
dans les nouveautés technologiques. Moi je dis que l'évolution va montrer que
les avions feront de moins en moins de bruit. D'un autre côté, il est possible
que sur le plan européen dans quelques années il y aura des discussions au sujet
des vols de nuit. Mais on oublie qu'il y a trente ans, il y avait plus de bruit
autour de Zaventem. Il y a un aspect subjectif. Je le constate au travers des
e-mails que je reçois. Il y a des gens qui comptent tout les passages d'avions,
qui notent leurs numéros, les décibels.
A propos de la dimension psychologique dans la perception du bruit, il semble
que pour pouvoir bien supporter le bruit, il est important que ce bruit
apparaisse comme juste et rationnel. Il faut pour cela avoir confiance dans les
décideurs politiques qui imposent cette contrainte. L'ancien Ministre de la
Mobilité Bert Anciaux a focalisé sur lui le ressentiment de beaucoup d'habitants
de Bruxelles et de la périphérie est. De nombreuses personnalités politiques
francophones ont été également très critiques sur son action dans ce dossier.
Quelle méthode comptez-vous appliquer pour que la confiance se réinstalle ?
J'ai bien compris que la solution se trouve dans le fait de rétablir la
confiance. Lorsqu'une personne a le sentiment que les décisions du gouvernement
sont équitables envers lui comme envers les autres, on fait un pas en avant.
C'est pour cela que je fais tout, comme un bon diplomate, pour parvenir à un
accord. Un bon plan de dispersion doit être un accord de dispersion. C'est
pourquoi je multiplie les contacts informels avec les autres parties. Il y a des
réunions chaque semaine avec des représentants de chaque gouvernement pour
trouver un équilibre et un accord.
La Ministre Evelyne Huytebroeck explique que les normes de bruit bruxelloises
sont équivalentes, voire moins sévères, par rapport à celles pratiquées pour les
autres grandes villes en Europe ? Selon elle, les normes bruxelloises et
flamandes doivent être différentes car elles concernent des zones où la densité
de population est différente. Qu¹en pensez-vous ?
Ce n'est pas rationnel. Il ne faut pas utiliser ses compétences de la sorte
dans des combats contre d¹autres instances. C'est ce qui a été fait
explicitement avec les normes de bruit à Bruxelles. Je me rappelle très bien, à
l'époque où j'étais membre du gouvernement flamand, du moment où on a introduit
des normes à Bruxelles avec lesquelles il n'était même pas possible d'utiliser
une tondeuse à gazon ! Dans d'autres pays d¹Europe et du monde, il y a des
embouteillages d'avions au-dessus des gens. Et là, on ne rouspète pas, on est
content d'avoir beaucoup d¹activité. Il faut aller à l'étranger pour voir ce qui
se passe dans les grandes villes. On a utilisé les normes dans une discussion
entre gouvernements et donc le point de départ de la démarche n'est pas très
honnête.
La Région flamande et la Région bruxelloise semblent avoir en commun le désir
de maintenir une activité aéroportuaire diurne significative à Zaventem. En ce
qui concerne les activités nocturnes, la Région flamande apparaît de loin la
plus demanderesse des deux. On voit aussi que la Flandre adopte des mesures à ce
sujet sans concertation préalable avec les autres entités, par exemple à travers
le permis accordé par la députation permanente à la BIAC ou à travers la
confirmation du plafond des 25.000 vols de nuit par le Ministre flamand de
l'environnement. N'y a-t-il pas un aéroport de jour et un aéroport de nuit à
Zaventem, c'est-à-dire deux aéroports qui correspondent à deux logiques
politiques, économiques, sociologiques, médicales différentes ?
De temps en temps, on fonctionne entre Régions comme si on était des
étrangers l'un pour l'autre. L'aéroport de Zaventem est un aéroport en Flandre
juste à côté de Bruxelles. A Bruxelles, on prend le risque de perdre un
aéroport. En Flandre, par intérêt, on oublie de temps en temps que c'est un
aéroport qui est important pour Bruxelles.
On entend pourtant souvent, en Flandre, que la proximité de l'aéroport de
Zaventem est profitable pour Bruxelles, pas très souvent que la proximité de
Bruxelles est profitable pour l¹aéroport.
Je constate quand même que les membres du gouvernement bruxellois prennent de
grands risques en agissant comme si ce n'était par leur aéroport. Si c'était le
cas, ils auraient une politique à long terme. Je constate par contre que le
gouvernement flamand a une politique à long terme en ce qui concerne l'aéroport.
Par rapport au plafond des 25.000 vols de nuit, le gouvernement flamand a une
politique à long terme qui inclut une baisse du bruit la nuit.
Pour vous, maintenir des vols de nuit à Zaventem c'est nécessaire pour
l'aéroport ? Malgré le caractère densément peuplé des zones situées tout autour
de l'aéroport ?
On dit et redit que l'un des aspects fort de notre économie est le secteur
logistique. Ce ne serait pas intelligent de prendre le risque d'être les seuls
en Europe à supprimer les vols de nuit, parce que c'est pendant la nuit que
commencent les activités économiques de logistique.
Et délocaliser les vols de nuit dans un ou plusieurs aéroports
régionaux plus éloignés des grandes villes, cela ne vous parait pas souhaitable
?
Il n'y a pas d'argent pour le faire. Qui va payer ? Ce que je sais avec
certitude, c'est que cela coûterait mais personne ne se présente pour cela.
C'est facile de dire (ndlr : à Bruxelles) que l'on ne veut pas supporter sa part
de nuisances. Est-ce que cela veut dire aussi que l'on ne veut pas sa part de
l'investissement ?
On pourrait se demander d'abord s'il est rationnel de maintenir des vols de
nuit à Zaventem et ensuite se poser des questions sur l'équilibre des intérêts
entre Régions. N'est pas-ce pas aussi une question de faisabilité qui est posée,
pour tous les habitants quels qu'ils soient ?
Pour avoir un aéroport rentable et pour avoir une économie logistique
performante, il faut un marché. Un bon aéroport est un aéroport qui n'est pas
loin des gens. Un aéroport installé près des gens créera des problèmes de
nuisances. On aura toujours ce problème.
Aussi longtemps que le dossier des nuisances aériennes reste ouvert, avec de
grands désordres que suscitent les oppositions politiques, cela n'est pas non
plus très bon pour l'activité économique.
Je ne sous-estime pas l'importance de ce dossier. J'évite donc, dans mes
propos de porter des condamnations de quelques parties que ce soit. Je plaide
toujours, à chaque pas, pour un consensus maximal.
Votre décision d'aller en appel du jugement en référé qui a ordonné pour la
piste 02 un retour à la situation qui prévalait avant le plan de dispersion,
était-elle motivée par l'unique souci d'éviter une jurisprudence qui aurait
permis une interprétation trop extensive ? Ou est-ce que vous avez également
souhaité marquer votre exigence ferme et définitive de maintenir des
atterrissages de nuit sur cette piste ?
Je suis frustré par cette décision qui ne m'aide pas. Les demandeurs ont
présenté beaucoup d'arguments, des études, des raisonnements intellectuels
devant une instance indépendante, c'est-à-dire un juge. Et que dit le juge ? Il
dit que ces raisonnements ne sont pas importants pour lui parce qu'il part du
prémisse que cet aéroport ne peut pas se situer aussi près d¹une ville. C'est un
petit peu comme s'il disait qu'il pleut à Paris et qu'il est vraiment nécessaire
que ce soit le cas aussi à Bruxelles ! C'est son seul argument et il ne donne
aucune réponse aux questions qui lui sont posées.
Il y a beaucoup d'autres arguments qui ont été invoqués dans cette procédure.
Notamment la question du « standstill ». Guy Haarscher, spécialiste de la
philososphie du droit, évoque la notion « d'anticipation légitime » qui lui
paraît importante dans ce dossier (ndlr : voir son interview sur le site de
Mille Décibels). Il y a des gens qui se sont installé dans des quartiers où il
n'y avait pas tellement de nuisances sonores et, avec le plan de dispersion,
leur environnement s'est dégradé fortement. Le raisonnement de Guy Haarscher est
de dire qu'il faut alors que l'Etat apporte une compensation. Selon lui, cette
compensation peut se faire « en nature », selon les termes qui sont d'ailleurs
repris dans le jugement. Elle pourrait en théorie aussi se faire sous une autre
forme, par exemple par des travaux d'isolation ou des expropriations, mais la
dispersion rend impayable une politique de compensation. Que pensez-vous de
cette notion de «d'anticipation légitime» liée à celle de « standstill » dans le
cadre d'une telle réflexion ?
C'est une notion juridique qui doit être bien appliqué dans la pratique. Ce
n'est pas facile de dire pour quelle maison on pouvait être sûr qu'il ne
faudrait pas subir les nuisances d'un aéroport situé à quelques kilomètres. Le
principe juridique est correct. Mais dans la pratique, il y a des maisons dans
l'oostrand qui ont été achetées en connaissance de cause et dont on essaie
ensuite d'augmenter la valeur en faisant partir les nuisances. Il faut être
sincère. Quand on vient habiter dans cette région de Bruxelles, en sachant que
l'aéroport de Zaventem est proche, est-ce vraiment impossible d¹imaginer qu'un
aéroport peut évoluer, et que les trajectoires d'avions peuvent changer, que ce
soit le jour ou la nuit ? Est-ce qu'on doit penser qu'un aéroport n'évolue pas ?
Est-ce qu'on « peut » s'imaginer cela ?
En l'occurrence, le problème n'est pas soulevé par l'évolution de l'aéroport,
c'est-à-dire son développement, puisque d'ailleurs on constate que le trafic a
décru par rapport au volume d'activité que l'on a connu il y a plusieurs années.
Le problème vient de la dispersion, qui est une décision politique que l'on
n'observe dans aucun autre pays européen. Comment les habitants de Bruxelles ou
de l'oostrand auraient-ils pu prévoir qu'une politique de dispersion, dont on ne
connaît aucun précédent, était possible ?
Je pense que tout le monde devrait prévoir qu'il y a des évolutions possibles
dans les règles écologiques, tout comme il y en a dans les règles sociales. Dans
notre pays, une des règles de notre évolution écologique, à un certain moment, a
été que ce ne serait plus faisable sans dispersion. Selon moi, il fallait
pouvoir s'attendre à ce que les choses changent, même pour les vols de nuit.
Le citoyen devait donc prévoir la possibilité d'une dispersion ?
Oui. Habiter dans les environs d'un aéroport et penser que les routes ne vont
jamais changer, c'est toujours prendre un risque.
Quand est-ce que les dispositions seront-elles prises pour une mise en
conformité avec ce que le tribunal des référés a ordonné au sujet de la piste 02
?
La signification a été faite le 20 décembre 2004. Il y a trois mois de délai.
Donc la date de mise en application est le 20 mars 2005.
Y a-t-il eu un accord du gouvernement sur cette date ?
Je suis un homme qui suit le système de l'état de droit. S'il y a une
décision et qu'il n'y a pas de changement en appel, je suivrai cette décision.
Les membres du gouvernement sont heureux que ce soit moi qui a pris la
responsabilité d'aller en appel. Tout le monde était d¹accord sur le principe
que cette responsabilité me revenait. Pour le moment, chaque semaine, je leur
présente le rapport de l'avancement des discussions avec les autres
gouvernements. Il y aura une discussion mi-février au kern pour voir ce qu'il
faut faire s'il n'y a pas d'accord avant le 20 mars au sujet de la piste 02. Le
problème du gouvernement fédéral est que si les Régions ne prennent pas de
décision avant cette date, nous devrons décider en fonction de ce que l'on
pourra faire dans le cadre fixé par la décision de justice.
Avant même le jugement du tribunal des référés, tous les partis francophones,
sans exception, avaient déjà demandé que l'on revienne à une situation
antérieure au plan de dispersion en ce qui concerne l'utilisation de la piste
02. Est-il raisonnable, sur un plan politique, d'exiger à tout prix le maintien
des dispositions du plan de dispersion en ce qui la concerne ?
L¹utilisation de la piste 02 est un point essentiel du plan de dispersion qui
est en cours d¹évaluation.
Quand on dépasse les composantes de vent, cela implique que l'on ne peut
plus utiliser les pistes préférentielles. Quand cela se passe pendant les heures
de pointe, oui, il y a un effet sur la capacité.
Une étude menée par des experts indépendants (étude AAC) a indiqué une
augmentation du risque induite par le plan de dispersion. Malgré la caution
apportée par Belgocontrol, la population et de nombreuses personnalités
politiques ont manifesté leur inquiétude à cet égard. On a évoqué par exemple le
problème de la piste 02 qui est trop courte et en pente, les décollages en 20
qui sont faits le dimanche sur une piste raccourcie pour ne pas couper les
mouvements en 25. Qu'en pensez-vous ?
Cette étude est utilisée dans l'évaluation. Ma grande déception est que le
juge du tribunal des référés n'a pas d'opinion sur cette étude. Qui suis-je pour
dire que ce bureau n'est pas compétent. Mais il y a d'autres études qui disent
que l'on ne prend pas de risque sur le plan de la sécurité. On applique des
règles de sécurité qui sont en tout cas garanties par des instances
internationales. J'essaie d'utiliser tout ce qui aide à rationaliser le débat.
Mais il est frustrant d'être parfois bloqué parce qu'un expert dit le contraire
d'un autre expert.
A propos du cadastre du bruit, on a entendu beaucoup de critiques. Où en
sommes-nous actuellement ?
Il y a deux cadastres du bruit. Un premier cadastre théorique qui a donné des
prévisions sur les nuisances, sur base duquel on a pris la décision du plan de
dispersion. On a maintenant un autre cadastre avec une mesure du bruit réel. On
constate que le bruit mesuré et le bruit réel correspondent. Donc en ce qui
concerne le fond de la décision, ce que l'on prévoyait pour le bruit s'est
réalisé. A première vue, le cadastre du vrai réel ne contredit pas le cadastre
du bruit prévu.
Ce ne sont pas tellement les résultats du cadastre du bruit qui sont mis en
question, c'est la méthode qui a été utilisée pour réaliser à la fois le premier
cadastre théorique et le second cadastre qui est contestée. Il y a en fait deux
critiques principales qui sont formulées par beaucoup d'intervenants. Sauf
erreur, la première concerne la non prise en considération des pics de bruit
suscités par la piste 02 et la seconde concerne l'affirmation par BRUNOR que les
départ en 25R au-dessus de la zone 3 ne créent pas du tout de nuisances. Il
semble donc ne pas y avoir d'erreurs dans les résultats de ces deux cadastres,
mais plutôt des omissions. Que pensez-vous de ces critiques ?
J'ai demandé au groupe de travail de tout analyser. Mais il ne faut pas
oublier que de temps en temps on fait du sur place à cause du cadastre du bruit.
On fait de grands débats et on évite ainsi de prendre des décisions. Comment
va-t-on partager les nuisances entre nous ? De temps en temps, j'ai vraiment
l'impression qu'on discute du cadastre du bruit pour ne pas devoir discuter de
l'essentiel.
La dispersion des vols de nuit, dans une zone où résident de nombreux
habitants, ne risque-t-elle pas d'être toujours synonyme de tensions ? Le bruit
nocturne induit une souffrance chez beaucoup de gens. Leurs exigences trouveront
toujours des relais politiques. On sait aussi que le Brabant flamand est un
foyer très actif de tensions communautaires, à plus d'un égard. Le mieux pour
l'avenir économique de l'aéroport de Zaventem, pour l'emploi, peut-être pour
l'avenir de la Belgique, n'est-ce pas avant tout la paix ? Et pourra-t-on
obtenir la paix tant qu'il s'agira de vols de nuit ?
Il faut être réaliste. Aussi longtemps qu'il n¹y aura pas d'interdiction des
vols de nuit au niveau européen, nous n'allons tout de même pas faire hara-kiri
avec notre économie. Une économie qui s'est fixé sur l'ambition de se baser sur
la logistique.
Beaucoup d'observateurs du dossier pensent que c'est en grande partie à cause
du plan de dispersion que DHL n'a pu se développer à Zaventem. La direction de
DHL a fait des déclarations dans le sens d'une solution basée sur la mise en
place de mesures d'isolation comme à Bierset ou à Leipzig. Les syndicats ont
également été assez critiques par rapport au principe de dispersion. Qu'en
pensez-vous ?
On ne pouvait pas accueillir DHL à Zaventem sans faire la dispersion des vols
de nuit. Là, la dispersion devenait une nécessité. Si on veut faire grandir
l'aéroport, la dispersion est certainement nécessaire. Et je suis sûr que
l'évolution technique, avec des avions moins bruyants, va nous aider.
Pensez-vous, comme l'a exprimé Charles Picqué dans une interview récente à
notre revue, qu'il existe en Flandre des acteurs politiques qui ont voulu se
servir du dossier des nuisances aériennes à Zaventem dans le but de favoriser
l'évolution du pays vers plus de confédéralisme, voire davantage ?
Je ne gagne rien à faire ce genre d'analyse, cela ne m'intéresse pas. La
seule chose qui m'intéresse, comme optimiste, c'est que j'ai vu que tout le
monde a vraiment fait un effort. J'ai fort apprécié, pendant l¹affaire DHL,
l'attitude de Charles Picqué. Il faut le dire. C'est vraiment un homme qui
cherche à éviter les exagérations. Il a aidé à freiner les choses du côté de son
opinion. Mais je n'apprécie pas tellement quand il fait des analyses comme celle
que vous évoquez. Parce que ce sont des analyses comme celles-là qui poussent à
créer des problèmes.
Que pensez-vous de l'idée de constituer un « Groupe de réflexion éthique »,
composé de philosophes flamands et francophones, qui serait chargé de baliser la
réflexion sur le dossier des nuisances aériennes ?
Il faut être conscient du fait qu'il faut créer une atmosphère plus positive,
moins tendue, pour solutionner les problèmes. Alors je suis d¹accord avec ce
projet. Ce pourrait être une bonne méthode. C'est une solution que l'on a déjà
utilisée dans d'autres dossiers difficiles, comme le retour des réfugiés
politiques dans leurs pays d¹origine.
On met en balance emploi et santé, économie et environnement, parfois aussi
la souffrance d'un chômeur et celle d¹une personne dont le sommeil est perturbé.
Comment voyez-vous cette opposition ?
Je pense que c'est une fausse opposition. Parce qu'une économie en évolution
est celle qui tient compte de l'environnement. L'évolution progressiste d'une
société implique que, de plus en plus, on est sensible aux problèmes sociaux et
écologistes. De plus en plus, on trouve la solution dans le système lui-même.
C'est pourquoi je dis que les avions d'aujourd'hui ne sont pas les avions
d'antan et les avions d'aujourd'hui ne sont pas les avions de demain. C'est un
problème international qui va se solutionner dans l'innovation technique.
Mais aujourd'hui, que dites-vous aux gens qui parfois se réveillent la nuit à
cause des avions et qui, avant le plan Anciaux, ne se réveillaient pas à cause
de cela ?
Il y a un aspect subjectif. Je veux faire en sorte que tout le monde
comprenne pourquoi il y a du bruit. Et ensuite les gens devront faire le travail
sur eux-mêmes qui leur permettra d¹oublier le bruit.
Le bruit, quand il est perçu comme injuste, ne produit pas les mêmes effets
que lorsqu'il est considéré comme juste. N'est-ce pas notamment de là que vient
le problème suscité par le plan de dispersion ?
C'est peut-être une bonne façon pour finir cette interview de dire que je
cherche le bruit juste.
Propos recueillis par Gauthier van Outryve le 21 janvier 2005 auprès du Ministre
fédéral de la Mobilité Renaat Landuyt.
Le texte a été relu et approuvé par l¹interviewé avant publication.