Bruxelles, le 4 février 2004

 

 

   M. Romano PRODI

       Président

                                                                               Commission européenne

 

 

Monsieur le Président,

 

 

La DG Admin a porté à notre connaissance une lettre du Ministre belge des transports.

Dans cette lettre, le Ministre belge de la mobilité Bert Anciaux vous demande d’organiser une réunion avec les représentants du personnel afin que son chef de cabinet, M. Cornille puisse défendre le principe d’un plan de dispersion des vols autour de Bruxelles-National.

A l’examen des actes et déclarations du Ministre Anciaux depuis quelques mois, il apparaît qu’un grand nombre d’anomalies permettent de qualifier sa démarche de hautement suspecte car basée sur des motivations de lutte communautaire partisane.

Sa thèse d’une forme de répartition "équitable" des nuisances sonores nous paraît totalement non crédible. Le principe de dispersion conduit en effet à une multiplication des zones exposées à des nuisances sonores, notamment nocturnes, qui sont de nature à nuire à l’intégrité physique des personnes et des biens survolés. La création de nouvelles victimes du bruit n’a rien d’équitable. Sa méthode conduira à une "bruxellisation" certaine de l’espace aérien de la capitale de l’Europe.

Les méthodes du Ministre Anciaux sont perçues à juste titre comme brutales par la population habitant à l’est de Bruxelles et dans les communes de la périphérie avoisinante. Un grand nombre de fonctionnaires, souvent propriétaires de leur habitation, ont choisi de vivre dans cette zone à vocation exclusivement résidentielle qui est une des rares situées à distance raisonnable des immeubles de la Commission.

Ce plan a été conçu sans étude d’impact objective préalable diffusée, sans consultation préalable des parties concernées et notamment de la région Bruxelles-Capitale et n’a pas été précédé par un cadastre du bruit. Un grave déficit démocratique nous paraît avéré dès lors que ni l’esprit des directives européennes ni les critères fixés par la Cour Européenne des droits de l’homme n’ont été respectés.

Une décision du Conseil d’Etat a suspendu le plan Anciaux le 18/12/2003 pour des raisons notamment liées à la sécurité, à la gestion rationnelle du bruit, à la densité de population, au respect de la vocation résidentielle des quartiers concernés. Malgré cette décision, le survol nocturne des communes de Kraainem, Wezembeek-Oppem, Sterrebeek et Tervuren a été décidé et mis en application. Un nouveau plan de dispersion doit encore être mis en application fin mars 2004. Il devrait entraîner de nouvelles aggravations des nuisances. L’intervention du Conseil d’Etat permettait pourtant de neutraliser les effets pervers d’une décision de justice inadéquate prise par la Cour d’Appel flamande de Bruxelles. Décision qui devrait à terme être annulée par la Cour de Cassation selon l’avis de plusieurs personnalités politiques belges de premier plan (dont Charles Picqué qui est pressenti comme le prochain Ministre-Président de la Région Bruxelloise).

Il est évident que ces dispositions, déjà partiellement mises en application, détériorent fortement les conditions de vie de milliers de fonctionnaires et de leurs familles. Le fait que le sommeil soit empêché une partie de la nuit ou quelques jours par semaine aura des conséquences médicales parfois lourdes. La valeur des maisons et appartements appartenant à de très nombreux fonctionnaires va chuter fortement. Une étude évoque des dévaluations de minimum 30% des maisons moyennes et une perte beaucoup plus grande pour des biens de meilleure qualité. Des survols supplémentaires diurnes, eux aussi susceptibles de dégrader les conditions de vie de la population, devraient s’ajouter aux vols nocturnes.

Dans ce dossier, la vocation d’accueil de Bruxelles pour les Institutions européennes est mise à mal. Les initiatives du Ministre Anciaux nous apparaissent inhospitalières dans tous les sens du terme.

Il y a cependant plus grave. Pour des raisons d’opportunité politique qui sont pour le moins discutables, la démarche de M. Anciaux a notamment reçu le soutien implicite du Premier Ministre Guy Verhofstadt ainsi que celui du Vice-premier Ministre et Ministre des Affaires Etrangères Louis Michel. Ces deux personnalités ont-elles pris la mesure du mécontentement du personnel de la Commission envers les co-responsables de leur dégradation de vie ? Si l’une d’elle devait demain prendre en charge des responsabilités élevées au sein de la Commission, comme la Présidence ou la gestion du personnel, elles auraient à faire face à une forte défiance des syndicats, elle-même justifiée par la rancœur d’une portion très considérable du personnel.

Il y a seulement trois mois, M. Anciaux a déclaré publiquement que les fonctionnaires des Institutions européennes n’avaient pas droit à la parole en Belgique dès lors qu’ils ne sont pas des contribuables (sic !).

Le personnel de la Commission n’est en rien responsable du fait que l’aéroport de Zaventem a été développé trop près de Bruxelles et sans tenir compte des vents dominants. Vouloir y maintenir et développer des activités de nuit est tout simplement contraire au bon sens. De même, il nous paraît peu responsable que des motifs mesquins de lutte entre communautés puisse mener à prendre des décisions absurdes, sans équivalent en Europe, en ce qui concerne les nuisances aériennes causées à la Capitale de l’Europe. 

En conclusion, nous vous demandons de faire part personnellement à M. Guy Verhofstadt de la très grande méfiance du personnel à l’égard des méthodes de M. Anciaux.

En tout cas, une rencontre avec M. Anciaux nous paraîtrait totalement malvenue si celui se présentait sans disposer d’études d’impact objectives et impartiales sur les effets des nuisances dans les domaines suivants :

-                     Effets sur la santé, avec détail des pathologies et statistiques

-                     Effets sur la valeur des biens immobiliers survolés

-                     Effets concrets sur la qualité de vie

-                     Effets sur la qualité de l’air.

Dans le cas où toutes ou partie de ces études apparaîtraient peu convaincantes ou simplement manquantes, M. Anciaux devra être averti qu’elles seront réalisées par d’autres moyens plus adaptés.

Je vous prie de croire, Monsieur le Président, à l’assurance de ma très haute considération.

 

 

                                                                                              Signé

 

                                                                                  Rosario DE SIMONE

                                                                                  Secrétaire général

 

 

Copie : Membres du Collège

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             CLP

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