VOLGENS OMDUBSMAN IS PROBLEEM NACHTVLUCHTEN VERPLAATST VAN NOORD NAAR OOST

EURO-CONFERENTIE 'NOISE' dd 12-13 NOVEMBER 2003

 

La problématique du bruit autour des aéroports

 

Conférence au Parlement Européen

Les 12 et 13 novembre 2003

 

 

Les incidences environnementales

des modifications de procédures

d’atterrissage et de décollage

autour de l’Aéroport de Bruxelles-National

 

Exposé de Philippe TOUWAIDE,

Licencié en Droit Aérien et Directeur du Service Fédéral Belge

de Médiation pour l’Aéroport de Bruxelles-National

 

 

Depuis maintenant 4 ans, le dossier des procédures de vols de nuit à l’Aéroport de Bruxelles-National empoisonne la vie des divers gouvernements qui ont eu à se préoccuper de ce dossier.

 

Pourtant cela faisait très longtemps que cet aéroport fonctionnait, par habitude, avec les mêmes routes et procédures aériennes sans que rien n’avait été changé fondamentalement en matière de couloirs aériens. En 4 années, on a dénombré 8 décisions politiques concernant ce dossier, tandis que les procédures aériennes des vols de nuit ont été modifiées à 6 reprises au cours des 12 derniers mois.

 

L’autorité suprême du Ministre chargé du Transport Aérien lui permettait de tout faire sans en référer à personne. Ainsi au lendemain d’un défilé militaire, le 22 juillet 1974, le Ministre des Transports de l’époque, Jos Chabert, décida tout seul que sa propre commune située en périphérie bruxelloise ne devait plus être survolée chaque week-end, et donna les injonctions nécessaires pour que tous les avions soient déviés vers le centre urbain de Bruxelles. Cette décision, inimaginable aujourd’hui, est restée d’application pendant plus de 27 ans : un Ministre seul qui décide de dévier les routes aériennes pour éviter le survol de sa commune.

 

Même la mise en service du centre de tri d’un important opérateur de fret express, activité plus connue actuellement sous le vocable d’un centre d’intégrateurs, en juillet 1985 n’avait apporté aucune modification des procédures aériennes, on avait juste décidé de planter des arbres autour du site aéroportuaire, signe de la toute première « mesure environnementale » importante.

 

La toute première initiative en matière de modifications de couloirs aériens est à mettre au compte des riverains, qui lors d’une Table Ronde environnementale ont proposé en décembre 1992 de mettre en service une procédure spéciale de contournement de la région de Bruxelles pour les seuls avions gros porteurs et les fameux avions recertifiés, plus connus sous le nom d’Hushkittés, le « Tour du Brabant », procédure spéciale de moindre bruit était né.

 

La victoire des partis écologistes lors des élections législatives de juin 1999 amène la vague verte au pouvoir et aux responsabilités ministérielles. Des portefeuilles sensibles comme les transports, la mobilité, l’énergie ou le développement durable seront aux mains de ministres écologistes.

 

Madame Isabelle Durant accède à la tête de l’important département des Transports, et compte bien mettre en œuvre son ambitieux programme de réduction des nuisances provoquées par le développement important du trafic aérien diurne et nocturne à Bruxelles.

 

En toute légalité, la Ministre des Transports publie le 31 décembre 1999 un arrêté ministériel sur les quotas de bruit admis la nuit autour de l’aéroport, et prévoit dans son dispositif réglementaire une interdiction partielle de tous mouvements pendant une partie de la nuit.

 

Cette décision unilatérale de la Ministre, fondée sur un article du contrat de gestion de l’exploitant aéroportuaire, a provoqué un séisme politique en Belgique un jour avant le passage à l’an 2000. La Ministre s’est basée sur une disposition légale lui imposant de prendre des mesures de restriction de bruit, en fonction d’un texte publié et connu de tout le monde, dont pourtant la plupart de ses collègues avaient oublié la teneur.

 

Une crise politique agitée de 40 jours s’en suivit pour aboutir à un accord aéroportuaire global le 11 février 2000. Par cet accord, le gouvernement entendait réduire de manière méthodique le nombre de personnes qui sont exposées la nuit à des nuisances sonores, en limitant le plus possible les zones exposées au nuisances sonores.

 

La diminution de moitié du nombre de personnes exposées aux nuisances la nuit requiert une approche globale axée sur un éventail de mesures qui se complètent.  Le gouvernement avait développé  une politique fondée sur quatre piliers:

Q          Mesures visant à s'attaquer à la source des nuisances

Des mesures qui limitent la production de bruit à la source, comme la fixation de quotas en matière de nuisances sonores, l‘interdiction de vol de nuit des avions initialement certifiés chapitre II et équipés de dispositifs de réduction de bruit (hushkit) et la responsabilisation des opérateurs via une adaptation des droits d'atterrissage;

Q          Mesures technico-opérationnelles,

telles que l'adaptation des procédures aéroportuaires (corridors de vol, procédures de vol) et l'utilisation de l'aéroport (système de pistes préférentiels) ainsi que d‘infrastructures limitant le bruit (murs antibruit, hall d’essai des moteurs));

Q          Des mesures d‘aménagement,

une politique d'aménagement de l'espace cohérente et consistante, accompagnée d'une politique d'isolation ou d'expropriation pour les personnes les plus fortement exposées aux nuisances sonores.

Q          Controle central

Pour une politique efficace, il est nécessaire que toutes les données relatives au trafic aérien et à son contrôle soient centralisées auprès d’une seule instance.

 

Les mesures technico-opérationnelles nous intéressent tout particulièrement dans le cadre du présent colloque, le Gouvernement avait marqué son accord sur l’adaptation des procédures aéroportuaires et l‘utilisation de l‘aéroport

 

Les procédures aéroportuaires et l’utilisation de l‘aéroport peuvent jouer un rôle déterminant dans la lutte contre les nuisances sonores. 

 

 

 

Pour ce qui est des facteurs à prendre en considération, les procédures suivantes sont soulignées:

Q           en matière d‘approche et de départ (choix des corridors aériens…);

Q           en matière de décollage et d’atterrissage (système de pistes préférentielles, gradient de montée, utilisation des inverseurs de poussée, continuous descent approach, etc.) ;

Afin d’évaluer de manière approfondie les procédures actuelles et de les optimaliser dans la perspective d’une politique globale de lutte contre les nuisances sonores, un Groupe d’experts ( dénommé PRO-BRU ) composé de techniciens avait formulé les propositions nécessaires qui devaient viser à limiter autant que faire se peut le nombre d‘habitants dans les zones de contour.

Quelques principes importants occupaient une place centrale dans le cadre de ces réflexions :

Q           Eviter le survol, de jour comme de nuit, des zones les plus densément peuplées;

Q           Plus généralement, la gestion des flux de trafic de l’aéroport devait être optimisée en tenant compte de l’importance numérique des populations survolées aux deux extrémités de chaque piste;

Q           Enfin, le groupe d’experts avait évalué la possibilité de concentrer l’ensemble du trafic nocturne sur quelques corridors bien précis et l’opportunité d’alterner le recours à ces diverses trajectoires.  Le but est de limiter autant que possible le nombre de personnes dérangées par les nuisances sonores. 

Sur base de ces travaux, la Ministre veillera à proposer dans les meilleurs délais au Gouvernement l’adaptation des procédures et leur transposition sous forme de réglementations contraignantes et contrôlables.

Les conclusions du Groupe en la matière ont été transmises aux départements compétents au sein des Régions concernées de manière à permettre à celles-ci d’adapter en conséquences leurs politiques d’aménagement du territoire.

Une première évaluation de la mise en route de l’accord intervient le 9 février 2001, et le Gouvernement décide de supprimer la fameuse route « Chabert », de généraliser l’utilisation de la procédure « Tour du Brabant » et de mettre à l’essai cette procédure nocturne de moindre bruit chaque dimanche jusque 8 heures du matin.

 

Après deux années de travaux, les conclusions du groupe de travail PRO-BRU en matière de nuisances nocturnes, aboutissent à un premier accord de principe du 22 février 2002 relatif à une politique cohérente en matière de nuisances sonores nocturnes concernant l’aéroport de Bruxelles-National en optant pour le modèle d’utilisation des pistes « stable concentrée », aux conditions suivantes :

Q           Qu’un nombre moins important de riverains soient victimes de nuisances sonores

Q           Que d’autres riverains ne soient pas affectés par des nuisances sonores

 

Le second accord de principe du 16 juillet 2002 concrétisait une optimalisation des procédures de vol, en opérant une distinction entre les corridors de vol et l’utilisation des pistes :

Q           Les corridors de décollage standards nocturnes (SID's) étaient redéfinis pour les quatre orientations de décollage, sur la proposition du consultant hollandais Airport Aviation Consultancy.

Q           Pour ce qui est de l'utilisation des pistes, le choix des Gouvernements concernés se portait sur le modèle dit “Stable Runway Concentrated Concept”, à savoir la concentration de l’ensemble des vols de nuit au départ de la piste 25 R vers une seule zone, la périphérie nord de Bruxelles appelée « Noordrand ».

Q           Les Gouvernements concernés marquaient leur accord avec l'introduction de la nouvelle route de décollage nocturne optimalisée pour la piste 25 R en date du 31 octobre 2002, étant donné qu’il est démontré que le nombre global des personnes exposées diminuera, et ce par rapport au contour de l'année 2001.

Q           L’ensemble des vols de nuit devaient concentrés au départ d’un seul couloir aérien vers le « Noordrand » à partir de décembre 2002 et l’on ne devait plus du tout décoller la nuit depuis la piste diagonale 20.

 

Le nouveau couloir de décollages nocturnes obligatoire toutes les nuits de 23 à 06 heures l« montée optimalisée » uniquement pour les départs depuis la piste 25 droite fût mis en service le 31 octobre 2002 en remplacement de la procédure de nuit « Tour du Brabant » qui était supprimée. On ne mit en service qu’un seul nouveau couloir aérien, plus étroit qu’avant, on avait diminué uniquement la largeur de la route aérienne sans concentrer, à ce moment, l’ensemble des mouvements d’avions au départ d’une seule piste.

 

La mise en service de la nouvelle route « optimalisée » de nuit vers le Noordrand donne lieu à une opposition radicale des riverains de la périphérie nord de Bruxelles, des pétitions, des manifestations et autres actions publiques sont organisées pour réclamer la suppression du projet de concentration de tous les vols de nuit sur leur seule région.

 

Lors de la réunion de la concertation interministérielle du 29 novembre 2002, il est décidé de postposer le changement au niveau des pistes prévu pour le 26 décembre 2002, à une date ultérieure au plus tard après la disparition du dernier Boeing 727 pendant la nuit.

 

De nouvelles routes de décollage de « montée optimalisée » sont publiées en décembre 2002 pour d’éventuels décollages de nuit uniquement depuis les pistes 02 et 07 droite en fonction de la nécessité de leur utilisation pour cause de travaux, météorologiques ou autres. La route de « montée optimalisée » pour les départs depuis la piste 20 est publiée à la même date mais sa mise en application opérationnelle est reportée sine die par NOTAM, puis sera annulée sans jamais avoir été mise en service au 14 mai 2003.

 

Changement radical d’approche du problème dès le début 2003 lorsque la concertation interministérielle du 24 janvier 2003 a décidé une modification du schéma d’exploitation des vols de nuit selon une dispersion des décollages de nuit en fonction de leur balise de destination au départ des pistes 20 et 25 droite :

Q           La destination des vols a été choisie comme critère logique de dispersion

Q           Le principe de la concentration de l’ensemble des vols de nuit sur un seul couloir aérien au départ d’une seule piste est abandonné

Q           Les précédents accords sont purement et simplement annulés.

 

En fonction de la destination des avions, 6 nouvelles routes seront utilisées au décollage la nuit, certaines de ces routes ne seront utilisables uniquement que par les seuls avions qui ont un quota individuel de bruit inférieur à 4 soit principalement des Boeing 757, donc pas le Airbus 300 et les MD-11 qui ont un quota de bruit de 11 :

Q           4 routes au départ de la piste 25R vers le Noordrand pour tous les avions à destination du nord,  et pour les avions lourds à destination de l’ouest, du sud et de l’est

Q           1 route de départ de la piste 25R en survolant toute la région de Bruxelles pour les aivons légers à destination de l’ouest

Q           1 route de départ de la  piste diagonale 20 vers la périphérie Est appelée également “Oostrand” pour les avions légers à destination de l’est et du sud

 

La Ministre Fédérale de la Mobilité n’a pas accepté facilement que tout son travail des 3 années précédentes soit ainsi remis fondamentalement en cause, elle ne donne pas son aval pour que la nouvelle route de nuit traversant toute la région de Bruxelles-Capitale soit mise en service sans étude d’impact en matière de sécurité aérienne. En effet, le tracé de la route survole un terminal gazier.

 

La Ministre souhaite des rapports d’expertise complets quant au risque éventuel du phénomène « BLEVE » d’évaporation de gaz liquide de ces terminaux, et ne veut donc pas signer la publication d’une route qu’elle juge dangereuse.

 

Par contre, elle ordonne la publication des autres nouvelles routes de nuit, lesquelles entreront en service le 15 mai 2003, soit 3 jours avant les élections fédérales. Face à son refus de publier la route au-dessus de Bruxelles, le Premier Ministre donne des instructions pour la publication de cette route, instructions immédiatement contestées puis annulées par la Ministre des Transports.

 

Face à un tel blocage, le Conseil des Ministres se réunit en réunion de crise le dimanche 4 mai 2003 et décide de retirer temporairement les attributions de la Mobilité et des Transports à Madame Isabelle Durant afin de légalement pouvoir faire publier la nouvelle route de nuit légèrement rectifiée afin de ne plus survoler le site gazier. La Ministre n’accepte pas de se faire retirer ses attributions, même temporairement, et démissionne ainsi que l’ensemble du parti ECOLO du Gouvernement à deux semaines des élections.

 

La Ministre de l’Emploi et du Travail est chargée de la « Mobilité et des Transports » jusqu’à la composition d’un nouveau Gouvernement, et fait publier la nouvelle route de nuit au-dessus de Bruxelles, laquelle sera d’application dès le 12 juin 2003.

 

Un nouveau Gouvernement est formé le samedi 12 juillet 2003, et conformément à l'accord gouvernemental du 10 juillet 2003, le nouveau Ministre de la Mobilité ordonne que tous les avions en direction de la balise d'Huldenberg avec un quota individuel de bruit compris entre 4 et 12 décollent temporairement, sans exception, toutes les nuits depuis la piste 20 au lieu de la piste 25 droite, ce qui modifie fondamentalement la répartition des vols de nuit entre ces deux pistes.


De ce fait, depuis le 22 juillet 2003, la piste 20 est utilisée pour tous les décollages de nuit en direction de la balise d'Huldenberg. Dès lors, une route de nuit via le Noordrand est mise hors service à la même date. 

 

L’accord gouvernemental du 10 juillet 2003, mentionne également une adaptation d’une autre route de nuit, laquelle sera adaptée à partir du 2 octobre 2003, afin de suivre le trajet le plus proche du Ring.

 

Le nouveau Ministre de la Mobilité présente le 30 septembre 2003 son propre « Plan » de dispersion des trajectoires des vols de jour et de nuit autour de l’Aéroport de Bruxelles-National.

 

Ce plan, qui n’a pas encore fait l’objet d’un accord formel au sein du Gouvernement, prévoit la définition de 6 zones de survols autour de l’aéroport, une rotation de l’utilisation des pistes chaque samedi et chaque dimanche, ainsi que certaines nuits de la semaine. De nombreuses nouvelles procédures de vols seraient mises en service tant pour le jour que pour la nuit, toutes les routes « concentrées » de l’expert hollandais seraient supprimées et les zones d’interdiction de survol, dont celle frappant le Palais Royal de Laeken, seraient annulées.

 

Le Ministre ambitionne de mettre son « Plan » en service en deux phases, les 22 janvier 2004 et 18 mars 2004 ; toutefois le Conseil des Ministres restreint du 5 novembre 2003 lui aurait signalé que son « Plan » n’aurait pas fait l’objet d’un accord formel de la part du Conseil des Ministres et que le préalable indispensable à toute négociation politique manquerait toujours, soit un cadastre de bruit commune par commune, ou quartier de commune par quartier de commune basé sur des relevés faits par un réseau de sonomètres, et non un cadastre établi sur un modèle mathématique.

 

Ce « Plan » fait l’objet d’une contestation importante, cette fois dans la périphérie « Est » de Bruxelles, après le Noordrand qui s’opposait aux routes concentrées, c’est l’Oostrand qui réagit face aux routes dispersées.

 

 

La Médiation

 

 

En tant que Directeur du Service Fédéral de Médiation pour l’Aéroport de Bruxelles-National, la succession rapprochée de décisions politiques parfois contradictoires est de plus en plus difficile à faire accepter par les riverains et les autorités communales. Dès que l’on modifie ou l’on touche à une route aérienne, des régions ou des quartiers qui ne sont pas survolés aujourd’hui risquent de l’être prochainement et inversement.

 

En 17 mois d’activité, j’ai traité plus de 3.400 plaintes de riverains, et paradoxalement le trafic à Bruxelles-National est en baisse constante et les avions utilisés sont beaucoup moins bruyants qu’avant ; mais les voisins de cet aéroport se plaignent de plus en plus, tout en étant de mieux en mieux informés et organisés.

 

Certains affirment que le précédent Gouvernement avait eu tort d’entamer une révision des procédures de vol, et qu’on avait ainsi ouvert la boîte de « Pandore » en laissant la porte béante à toute forme de contestation à partir du moment où l’on changeait les habitudes de personnes susceptibles d’être survolées.

 

Je constate que « jouer » avec les procédures de décollage ou de décollage a un effet immédiat de vase communiquant, et que dans le cas de l’aéroport de Bruxelles-National, on pourrait dire qu’en une année, le problème des nuisances sonores principalement la nuit a simplement été déplacé de la périphérie « Nord » vers la périphérie « Est » sans apporter vraiment de solution radicale à la question.

 

Alors que des mesures prises à la base du problème, c’est-à-dire sur les avions, ont pour effet d’apporter des solutions radicales, durables et permanentes pour tous les riverains, où qu’ils se trouvent, peu importe la région à laquelle ils appartiennent.

 

 

 

Philippe TOUWAIDE

philippe.touwaide@belgacom.net

Mercredi 12 novembre 2004