NOTE SUR L’EMPLOI ET LES VOLS DE NUIT

 

 

Luc MISSON

Avocat au Barreau de Liège

 

 

 

La présente note entend synthétiser utilement diverses informations pouvant ou devant être prises en considération pour déterminer une politique aéroportuaire pertinente au niveau de la Région wallonne et de l’Etat belge, par rapport au secteur particulier du fret express.

 

 

I.                   Considérations en matière de santé publique

 

1.                  Les normes OMS

 

Lorsqu’on parle des “ normes OMS ”, on se réfère généralement à un document de 16 pages intitulé “ résumé d’orientation des directives de l’OMS relatives au bruit dans l’environnement ”. Il s’agit d’un résumé de travaux d’une ampleur considérable puisque l’OMS a mis à contribution plus de 200 scientifiques ou instituts de recherche pour aboutir à déterminer ces recommandations. Le document semble effectivement admis par la communauté scientifique comme constituant une référence valide.

 

Nous nous intéresserons essentiellement au problème le plus prégnant dans le contexte actuel à savoir celui des répercussions du bruit nocturne sur la santé des populations, et en particulier du bruit nocturne d’origine aéroportuaire.

 

Pendant très longtemps, il fut considéré qu’il fallait aborder le problème des conséquences du bruit sur la santé en termes de seuil de réveil. On paraissait considérer que tant que le dormeur n’était pas réveillé, sa santé n’était affectée. La littérature scientifique a évolué rapidement ces dernières années pour prendre de plus en plus en considération la notion de qualité du sommeil qui peut être affectée même en l’absence de tout réveil conscient. La santé des personnes peut être considérablement compromise par la détérioration de la qualité du sommeil.

 

Les conséquences sur la santé des personnes peuvent être somatiques (par exemple de type cardiovasculaire) ou psychiques (par exemple de type dépressions nerveuses).

 

Les responsables politiques sont fort intéressés par le concept de norme de bruit à respecter et les débats parlementaires ne manquent pas de déclarations gouvernementales dans le cadre desquelles les autorités déclarent que les dispositions législatives ou réglementaires respectent les  fameuses “ normes OMS ”.

 

C’est ainsi que le Gouvernement wallon a multiplié les déclarations suivantes :

 

-                     Dans un premier temps, il a affirmé sa volonté de s’aligner sur les recommandations d’un expert canadien, Monsieur BRADLEY, en posant que devaient être considérés comme inhabitables des immeubles soumis à une moyenne de bruit sur 24h00 de 70 décibels tout en surpondérant le bruit nocturne de 10 décibels.

 

-                     Il apparaîtra par la suite que la norme ainsi décrite était inappropriée. D’une part, l’étude de Monsieur BRADLEY fixait le seuil à 66 décibels et non pas à 70 décibels. Ensuite, il est plus pertinent de prendre en compte le bruit à l’intérieur des chambres à coucher (ou des pièces de jour) que le bruit extérieur aux habitations dont l’isolation est très variable. Enfin, la moyenne de bruit n’est pas un critère suffisant pour aborder le problème de la gêne nocturne.

 

-                     La législation et la réglementation wallonne seront alors adaptées et on en vient depuis 3 ans à prendre en considération les “ normes OMS ” et on enregistre alors des promesses gouvernementales pour garantir à la population que le bruit ne dépassera pas 45 décibels dans les pièces de nuit et 55 décibels dans les pièces de jour et qu’au besoin des rachats ou des insonorisations d’immeubles seront pratiqués.

 

Il suffit cependant de lire la littérature émanant notamment de l’OMS pour se rendre compte que les autorités travaillent sur base d’une lecture trop rapide de cette littérature. Se borner à considérer que l’on ne peut pas dépasser 45 décibels dans les pièces de nuit et 55 décibels dans les pièces de jour reflète très mal les travaux de l’OMS.

 

Une série de considérations doivent être émises :

 

-                     La notion de “ niveau d’émergence ” est capitale. Elle traduit le fait que le bruit est infiniment plus dérangeant dans un environnement calme que dans un environnement bruyant. Une augmentation du niveau de bruit par rapport à un bruit de fond préexistant de 20 décibels est considérée par toute la communauté scientifique comme proprement insupportable pour un dormeur qui est ainsi réveillé brutalement. Certains auteurs citent même des niveaux de 10 à 15 décibels d’augmentation par rapport au bruit de fond comme devant être évités. Cela signifie que si le dormeur occupe une chambre dont le bruit de fond n’excède pas 20 décibels, le niveau de bruit à ne pas dépasser à l’intérieur de la chambre se situe à un maximum de 40 décibels, voire plus bas.

 

-                     33 % de la population, un tiers des gens, sont considérés comme hypersensibles au bruit. Ils n’en sont pas responsables. Chaque personne peut d’ailleurs à un moment de sa vie devenir temporairement ou définitivement plus sensible au bruit. Parmi les hypersensibles, l’OMS compte en tout cas les malades (somatiques ou psychiques), les personnes âgées et les enfants en bas âge. Les femmes sont plus sensibles au bruit que les hommes. Les personnes travaillant pendant la journée dans un environnement bruyant, ont plus besoin d’un sommeil dans un environnement calme que les autres. Le bruit nocturne est particulièrement nocif, par exemple pour les dépressifs, ou pour les personnes affectées de maladies cardiovasculaires. Le seuil de 45 décibels est donc insuffisant pour protéger une partie importante de la population.


 

 

-                     Le schéma temporel du bruit doit être pris en compte. Plus on approche de la fin de la nuit plus le sommeil devient “ léger ”. En deuxième partie de nuit, le bruit est plus dérangeant. Or, c’est précisément durant ces périodes nocturnes très sensibles que la concentration des vols à Bierset et à Zaventem est la plus extrême. Cette succession extrêmement importante d’évènements bruyants a donc pour conséquence qu’une personne réveillée par un bruit de 45 ou 50 décibels ne retrouvera pas le sommeil si, par la suite, toutes les 5 ou 10 minutes se produisent des bruits par exemple de 35 ou 40 décibels. En effet, ces bruits vont se succéder à un moment où le réendormissement n’est pas encore acquis et ce réendormissement deviendra donc très difficile, voire impossible.

 

-                     Tous les bruits ne sont pas similaires. Il existe des bruits de haute, moyenne et basse fréquence. Les bruits de basse fréquence sont beaucoup plus nocifs pour la santé que les autres. Or, c’est ce type de bruit que produisent essentiellement les avions.

 

Tout indique donc qu’ils sont dans l’erreur, ceux qui trop rapidement résument les normes OMS comme suit :

 

-                     Bruit moyen sur 24h00 : 66 décibels (et pire encore 70 décibels).

 

-                     Bruit maximum à ne pas dépasser dans la chambre à coucher de 45 décibels.

 

-                     Bruit maximum à ne pas dépasser dans les pièces de jour de 55 décibels.

 

Notons au passage que la Cour d’arbitrage dans son arrêt du 30 avril 2003 paraît bien avoir condamné l’idée selon laquelle les niveaux de bruit de la chambre à coucher doivent être respectés fenêtres et portes fermées.

 

 

2.                  Faut-il respecter en Belgique les normes OMS ?

 

a.       Réponse en fait :

 

Les autorités publiques ne rechignent guère à déclarer qu’elles ont la volonté de respecter ces fameuses normes mais cela entraîne les réflexions suivantes :

 

-                     Si l’on met en parallèle les documents de l’OMS et les déclarations de Ministres compétents ou les réglementations supposées traduire ces normes, il est clair que les normes OMS sont inconnues et mécomprises par les autorités. Elles ne retiennent que quelques chiffres en méconnaissant totalement des problématiques pourtant bien présentes dans la littérature scientifique telles que le niveau d’émergence, la situation des personnes sensibles ou le schéma temporel des vols.

 

-                     Les normes OMS sont violées en Belgique. Des dizaines de milliers de familles subissent quotidiennement depuis des années des niveaux de bruit décrits par l’OMS comme dangereux pour la santé des personnes. L’expert judiciaire PLOM pour les riverains de Bierset a conclu que 74 % d’entre eux subissaient des nuisances graves voire insupportables.

 

-                     Les autorités n’envisagent le respect des normes OMS que moyennant des travaux d’insonorisation des maisons. Il ne peut être question d’insonoriser les dizaines de milliers de maisons concernées autour des aéroports de Zaventem, Bierset, Charleroi et Chièvres en quelques mois ni même en quelques années. Assurer dans un avenir proche le respect des normes OMS en Belgique pour toute la population est donc une pure vue de l’esprit.

 

-                     Depuis quelques mois, le Gouvernement wallon par diverses déclarations insinue que les normes pourraient être dépassées 10 fois par nuit. Cette affirmation paraît se fonder sur une étude d’un expert allemand (GRIEFAHN) mais cette idée ancienne est tout à fait désuette et n’est en tout cas pas reprise dans les recommandations de l’OMS.

 

-                     Pour garantir le respect d’un seuil de bruit à l’intérieur des chambres à coucher, encore faut-il que les avions respectent eux-mêmes des normes de bruit. En région bruxelloise des amendes peuvent être infligées pour les avions qui ne respectent pas les procédures de décollage et d’atterrissage et les normes de bruit qui leur sont imposées. En région wallonne, depuis 1998, les autorités annoncent qu’elles infligeront des amendes dissuasives mais les textes ne sont toujours pas adoptés et les niveaux d’amendes qui ont été annoncés ne seront pas dissuasifs pour les compagnies aériennes.

 

Le respect des normes OMS en Belgique et en Wallonie en particulier n’est donc pas à l’ordre du jour et ne le sera pas avant longtemps.

 

Pourtant, la littérature montre à quel point la santé des personnes peut être gravement atteinte par des bruits excessifs, surtout en période nocturne. Le pays s’est considérablement ému pour les très hypothétiques dangers en matière de santé publique que pouvaient représenter les crises de la dioxine ou de la vache folle (il n’est pas démontré qu’il y ait jamais eu un seul malade généré par ces problématiques). On comprendrait mal que l’on ne s’inquiète pas de la santé des dizaines de milliers de personnes susceptibles d’être affectées par les nuisances aéroportuaires alors que, en ce qui les concerne, il est bel et bien effectivement démontré que les conséquences sur la santé de la population sont tout à fait réelles. Il ne s’agit pas seulement d’hypothèses scientifiques mais des études de terrain ont démontré ce qu’il en était.

 

Il convient également de penser à la population enfantine. Les enfants sont réputés avoir un sommeil robuste et on les croit trop rapidement à l’abri des nuisances nocturnes. Des études ont démontré qu’un enfant non réveillé par le bruit présentait néanmoins d’importantes réactions notamment neurovégétatives à ce bruit. On a pu démontrer également que l’apprentissage scolaire et la mémorisation d’un enfant étaient affectés très négativement par le bruit.

 

 

b.      Réponse en droit

 

L’article 174 du Traité de Rome constitue un des fondements de notre droit de l’environnement en ce qu’il prévoit des principes qui commencent à être bien connus tels que le principe pollueur – payeur, le principe de la réduction des nuisances par priorité à la source, et le principe de précaution.

 

La Cour Européenne des Droits de l'Homme a bien considéré que les nuisances aéroportuaires pouvaient constituer une atteinte au droit fondamental pour les citoyens de voir respecter leur domicile et leur vie privée. Le Tribunal de Première Instance de Liège dans son jugement du 9 février 2001 concernant l’aéroport de Bierset n’a rien dit d’autre.

 

Notre Constitution prévoit pour chacun le droit à la santé et au respect du domicile.

 

Il serait fautif de la part de nos gouvernants de vouloir décider d’options politiques qui méconnaîtraient l’obligation de ne pas préserver aussi efficacement que possible la santé de la population. Si même nos gouvernants voulaient passer outre, il est évident qu’ils exposeraient le pays ou la région à des problèmes juridictionnels sérieux.

 

Vouloir créer de l’emploi et de la prospérité est certes une préoccupation louable (encore qu’on verra ce qu’il faut en penser plus loin) mais créer de la prospérité en mettant en péril la santé et la vie de plusieurs milliers de personnes n’est pas et ne peut pas être une option juridiquement disponible.

 

 

II.                Considérations en matière d’économie et d’emploi

 

1.                  Position du problème

 

Personne n’ose prétendre que l’on demande à des milliers de nos concitoyens de sacrifier leur qualité de vie, leur santé et la valeur de leurs immeubles pour permettre aux sociétés étrangères que sont TNT et DHL d’engranger des bénéfices. Ces sociétés appartiennent à des groupes puissants et dégagent des bénéfices considérables. Elles ne sont pas détenues par des capitaux belges.

 

Tous les responsables politiques avancent l’emploi comme justification aux options prises ou à prendre. La venue de DHL à Bierset ou à Chièvres entraînerait ainsi la création de milliers d’emplois. Il est frappant de constater combien les chiffres avancés ces dernières semaines sont très variables. Le minimum serait la création de 10.000 emplois par DHL et on va jusqu’à citer 25.000 emplois tout en laissant entendre qu’il y aurait multiplication du phénomène de création d’emplois par la création de millier d’emplois dits indirects ou induits. Tout cela mérite vérification.

 

La vérification n’est pas très complexe à réaliser puisque nous avons la “ chance ” de pouvoir analyser les effets socio-économiques de l’arrivée de TNT en région liégeoise en mars 98. Six années se sont passées et cela doit permettre de se faire une idée relativement précise des conséquences positives et négatives du phénomène.

 

On rappellera qu’en mai 1996 au Parlement wallon, dès après la signature des contrats entre la région et TNT, le Ministre LEBRUN déclara à l’époque que l’arrivée de TNT à Bierset permettrait de créer 2.000 emplois et coûterait deux milliards de francs belges à la Région wallonne. Ces perspectives, on le sait aujourd’hui avec certitude, étaient à l’époque grossièrement erronées et il faudrait éviter de commettre les mêmes erreurs.

On aurait d’ailleurs pu commander une autre étude consistant à évaluer les conséquences négatives et positives du départ de TNT de Cologne. Se plaint-on là-bas de cette cessation d’activités et quelles en furent les conséquences, notamment sur le niveau du chômage local ? Il semble que l’on ne pense pas  à se renseigner à ce sujet.

 

Avant d’aborder les chiffres, il convient de bien décrire, avec toutes les nuances voulues, ce dont on parle.

 

Il faut bien distinguer trois types d’activités aéroportuaires :

 

-                     Le transport de passagers, activité essentiellement diurne.

 

-                     Le fret aérien ordinaire, activité essentiellement diurne.

 

-                     Le fret express, activité exclusivement nocturne.

 

Il y a en réalité 4 compagnies en Europe qui agissent comme intégrateurs et pratiquent le fret express :

 

-                     UPS à Cologne.

-                     FED EX à Roissy-Charles de Gaulle.

-                     TNT à Bierset.

-                     DHL à Zaventem.

 

Les 4 compagnies ont donc choisi de centrer leurs activités sur un espace très réduit à proximité les unes des autres. Ce n’est pas un hasard. La Belgique accueille deux de ces compagnies.

 

L’activité de chacune de ces compagnies de fret express s’organise autour d’un “ hub ” européen qui est un aéroport qui centralise les arrivées et les départs de colis et de courriers. Ces hubs principaux sont en liaison avec d’autres petits hubs secondaires.

 

En début de nuit, les envois récoltés dans toute l’Europe arrivent à l’aéroport (atterrissages de 23h00 à 1h00 du matin à Bierset) et en seconde partie de nuit, après triage, les envois repartent vers leur destination finale (décollages de 3h00 à 6h00 du matin à Bierset). Les activités sont donc condensées grosso modo sur 5 heures de nuit avec une intensité extrême (à Bierset : 35 atterrissages en 2 heures de temps et 35 décollages en 3 heures de temps, soit un mouvement toutes les 4,5 minutes).

 

Le fret express concentre tous les facteurs d’aggravation des nuisances aéroportuaires :

 

-                     L’activité est exclusivement nocturne.

 

-                     Un avion de fret est généralement plus bruyant qu’un avion de passagers car il est souvent plus chargé et plus ancien (on ne fabrique pas des avions de fret comme tels mais on recycle des avions passagers en avions de fret). Une cadence d’atterrissages ou de décollages impliquant un mouvement toutes les 4 ou 5 minutes est extrêmement nuisible car elle ne permet pas le réendormissement entre deux évènements.

 

-                     Les décollages (plus bruyants encore que les atterrissages) vont se succéder en deuxième partie de nuit soit durant la période où le sommeil est le plus fragile.

 

Plusieurs aéroports refusent ce type d’activité dans leurs installations. Le cas le plus connu est celui de Strasbourg qui a refusé l’arrivée de DHL en 1996 après une étude approfondie confiée à Messieurs les Professeurs MUZET et VALLET. L’aéroport de Luxembourg qui est un des principaux aéroports de fret d’Europe est fermé de nuit, comme beaucoup d’autres aéroports (Orly par exemple).

 

Le fret express qui est l’activité aéroportuaire la plus polluante est la seule que nous mettons en question.

 

Il n’est pas à l’ordre du jour d’interdire les activités diurnes que ce soit en transport de passagers ou de fret ordinaire. Il s’agit simplement de savoir si la Belgique a un intérêt socio-économique réel à accueillir ce type d’activité particulier, extrêmement nocif pour les riverains et extrêmement budgétivore pour les finances publiques (ce sont pratiquement exclusivement des nuisances nocturnes qui contraignent les pouvoirs publics à financer à concurrence de budgets considérables des rachats d’immeuble, des expropriations et des insonorisations).

 

Nous allons donc examiner la pertinence des calculs avancés pour justifier ce type de politique.

 

Comme il s’agit d’utiliser des chiffres de statistiques émanant de périodes diverses pour toutes les valeurs monétaires, nous utiliserons le franc belge plutôt que l’euro.

 

 

2.                  Le bilan social de l’arrivée de TNT à Bierset

 

Nous nous basons sur le bilan social de 2002 tel qu’approuvé par l’assemblée générale de TNT Express World Wide  du 6 juin 2003 (document publié par la BNB). Nous n’utilisons pas les chiffres de TNT Airways dont nous pensons que le personnel est essentiellement résidant à l’étranger.

 

Nous utilisons uniquement les chiffres cités en équivalents temps plein.

 

Pour l’année 2002, le nombre moyen de travailleurs était de 628 parmi lesquels on comptait 416 ouvriers.

 

Il y eut cette année-là 226 départs. Sachant qu’il y eut 22 départs pour cause de licenciement et aucun départ en pension ni en prépension, on doit donc en déduire qu’il y a eu 204 départs volontaires de la firme. Cela signifie qu’il y a annuellement une rotation du personnel extrêmement importante puisque 1/3 des travailleurs quitte son emploi chaque année.

 

Il est hautement vraisemblable que les départs volontaires sont surtout le fait des ouvriers qui travaillent dans des conditions pénibles (notamment nocturnes) de sorte que l’on peut même se demander si parmi les ouvriers il n’y en a pas 1 sur 2 qui abandonne chaque année volontairement son emploi à TNT.

 

Pour la même société, le bilan social de 1999 donnait un chiffre moyen de 572 travailleurs dont 371 ouvriers et l’on dénombrait déjà 109 départs volontaires (alors que les activités venaient à peine de débuter).

 

 

3.                  L’emploi sur l’ensemble de l’aéroport de Bierset

 

Nous nous référons à un rapport du CIRIEC de l’Université de Liège daté de septembre 2002 (rapport que nous estimons extrêmement critiquable pour différentes raisons que nous n’exposerons pas car il s’agit uniquement d’extraire de ce rapport quelques chiffres).

 

Si le Gouvernement wallon envisageait de créer 2.000 emplois à Bierset par l’arrivée de TNT, on est loin du compte. On est encore plus loin du compte si l’on se réfère à certaines déclarations de niveau ministériel qui ont été parfois jusqu’à annoncer la création future de 20.000 emplois (un peu comme on le laisse entendre aujourd’hui en cas d’arrivée de DHL sur le site).

 

Le total des postes de travail occupés à l’aéroport a été établi à 1.761 pour le CIRIEC.

 

Cette évaluation doit cependant être considérée avec beaucoup de prudence pour les raisons suivantes :

 

-                     Il y avait déjà des emplois à proximité de l’aéroport et à l’aéroport avant l’arrivée de TNT.

 

-                     La plupart des firmes actuellement présentes autour de l’aéroport ou à l’aéroport exerçaient leurs activités sur d’autres sites en Wallonie avant leur arrivée. Or, il ne faut évidemment pas confondre un déplacement de main-d’œuvre avec une création d’emploi.

 

-                     Plusieurs des firmes présentes à l’aéroport ou à proximité de celui-ci n’ont guère de liens avec l’aéroport et n’utilisent pas les vols de nuit. Le site est aussi un zoning économique comme un autre qui a attiré des entreprises qui y exercent des activités qui n’ont strictement aucun lien avec le secteur aéroportuaire.

 

Il est donc tout à fait abusif de prétendre qu’il y a eu création de 1.761 postes de travail. On est même vraisemblablement loin du compte.

 

On voit dès lors fort mal comment on pourrait prétendre que l’arrivée de DHL pourrait entraîner la création de 10, 15 ou 25.000 emplois à Bierset.

 

Les chiffres démontrent par ailleurs qu’il n’y a pas eu d’effet significatif sur les statistiques du chômage en province de Liège suite à l’arrivée de TNT. Ni même en région liégeoise. Ni même dans les communes avoisinant directement l’aéroport.

 

Une autre statistique du rapport du CIRIEC est intéressant en ce qu’elle permet de constater que les emplois à l’aéroport se répartissent comme suit :

-                     2,9 % sont titulaires d’un diplôme d’enseignement primaire.

 

-                     54,7 % sont titulaires d’un diplôme d’enseignement secondaire.

 

-                     42,4 % sont titulaires d’un diplôme d’enseignement supérieur.

 

Cela permet de contredire une affirmation très fréquemment présentée selon laquelle l’aéroport procurerait du travail manuel à des personnes peu qualifiées dont le nombre est très important dans les statistiques du chômage en région de Liège. C’est exactement l’inverse : on fait effectuer du travail manuel de nuit à des personnes surqualifiées par rapport à l’activité prestée.

 

Signalons aussi que si la totalité des dépenses générées par l’activité aéroportuaire à Bierset est supportée par le contribuable wallon, une part non négligeable des personnes employées résident en région bruxelloise ou en région flamande, voire à l’étranger.

 

Si les communes de Grâce-Hollogne, de Saint-Georges et de Verlaine sont celles dont la population souffre le plus des nuisances, par contre, il faut considérer que l’aéroport fournit relativement peu d’emplois à leur population (respectivement 37, 12 et 6 travailleurs y résident).

 

 

4.                  Les chiffres DHL à Zaventem

 

Nous connaissons moins bien le dossier DHL mais nous avons essayé d’y voir clair en dépouillant les bilans et plus particulièrement les bilans sociaux déposés par les cinq sociétés du groupe DHL que nous avons pu identifier comme étant établies en Belgique. Il s’agit de :

 

-                     DHL Worldwide Network.

-                     DHL Aviation.

-                     DHL Groupe Service.

-                     DHL Worldwide Express Logistics.

-                     DHL International.

 

Sur base des bilans sociaux approuvés en 2003 pour l’exercice 2002, nous en concluons que :

 

-                     Les cinq sociétés occupaient 3.205,2 équivalents temps plein en 2002.

 

-                     Parmi ceux-ci, il y avait 1.160,5 ouvriers.

 

-                     Il y a eu 726 départs durant l’année 2002 (volontaires ou involontaires confondus).

 

Il n’est pas sans intérêt de remarquer que la totalité des ouvriers du groupe sont employés par les deux premières sociétés (DHL Worldwide Network et DHL Aviation). Or les départs de la firme pour ces deux sociétés s’élèvent à 581,4 personnes. Ceci permet donc d’induire à nouveau la constatation selon laquelle le travail pénible pour les ouvriers provoque chaque année des départs massifs (nous manquons de chiffres pour affiner l’analyse mais il n’est pas exclu à nouveau qu’un ouvrier sur deux abandonne chaque année volontairement son emploi comme chez TNT).

 

Observons aussi qu’il est parfaitement possible que sur les 3.205 personnes occupées par DHL, une partie non négligeable de celles-ci ne soient pas domiciliées en Belgique. On pense notamment au personnel navigant qui réside plus vraisemblablement auprès de son aéroport de départ quotidien qu’auprès de l’aéroport de Zaventem.

 

Sur base de ces chiffres, on voit mal comment on a pu parler d’une création de 10 à 25.000 emplois en Belgique par DHL. Même les chiffres que l’on cite aujourd’hui variant de 6.300 à 9.300 emplois à l’horizon 2012 laissent extrêmement sceptique. Cela impliquerait que DHL triplerait ou quadruplerait ses effectifs employés dans notre pays. Comment ?

 

L’étude de l’évolution du nombre d’emplois chez TNT démontre assez logiquement que l’augmentation du nombre d’emplois n’est pas du tout proportionnelle à l’augmentation du tonnage annuel.

 

A nouveau se pose la question de savoir si les emplois que DHL créerait seraient bien des emplois effectivement occupés par des personnes domiciliées en Belgique.

 

Il faut aussi faire observer à ceux qui rêvent d’une délocalisation de DHL vers Bierset ou Chièvres qu’il est évident qu’une partie du personnel actuellement occupé à Bruxelles suivrait la délocalisation compte tenu de la proximité existante entre les trois sites. Même s’il y a délocalisation de l’activité aéroportuaire, cela ne concernerait probablement pas toutes les sociétés du groupe DHL. TNT n’a basé en région liégeoise que deux de ses sociétés, les autres sociétés du groupe étant établies en région bruxelloise (c’est d’ailleurs un reproche que l’on peut formuler vis-à-vis de la Région wallonne : ne pas avoir exigé que TNT base en Wallonie ses services techniques et ses services administratifs plutôt que de pouvoir se contenter de n’y localiser que ses activités polluantes).

 

 

5.                  Quant à la qualité des emplois offerts

 

Cette question a parfois suscité des réactions faussement ou réellement indignées. Celui qui critique la qualité des emplois offerts à Bierset par exemple se voit accusé :

 

-                     De mépriser une création d’emplois et de mépriser la satisfaction que connaît un chômeur qui découvre une occupation valorisante et reprend pied sur le marché du travail.

 

-                     De méconnaître le fait que ces emplois manuels correspondent parfaitement bien aux qualifications des nombreux chômeurs de la région liégeoise qui sont dépourvus de diplôme et de formation.

 

Nous ne voyons pas pourquoi nous ne pourrions argumenter sur la question dans la mesure où les responsables syndicaux eux-mêmes n’hésitent pas aborder la problématique de la qualité des emplois.

 

Michel NOLLET, l’ancien Président de la FGTB, avait d’ailleurs pris des positions très critiques à l’égard du type de travail offert à l’aéroport de Bierset.

 

 

 

 

Un chômeur a d’ailleurs tout à fait le droit de demander non seulement qu’on lui procure un emploi mais aussi qu’on lui  procure un emploi de la meilleure qualité possible.

 

Un ouvrier chez TNT travaille exclusivement de nuit. Les cadences pour décharger, trier et recharger les avions en quelques heures sont évidemment très exigeantes et le stress est élevé. Travailler de nuit implique l’impossibilité de développer normalement sa vie familiale, sa vie sociale et sa vie culturelle.

 

Sur les 416 équivalents temps plein travaillant comme ouvriers chez TNT en 2002, il y avait 629 personnes employées à temps partiel et seulement 26 personnes employées à temps plein. Il va de soi qu’en ayant un emploi à temps partiel de nuit, on ne peut occuper en même temps un autre emploi à temps partiel de jour.

 

TNT avance que ces travailleurs bénéficient d’un sursalaire de 12% par rapport à un travail équivalent de jour. Le travail de nuit étant considérablement plus pénible que le travail de jour, ce sursalaire de 12% ne paraît guère compensatoire.

 

Les statistiques par rapport au niveau d’enseignement des travailleurs démontrent que l’on emploie fort peu de travailleurs non diplômés à l’aéroport. En réalité les gens sont bien souvent surqualifiés par rapport au travail qu’on leur fait prester et donc le sursalaire ne représente rien si l’on tient compte de la qualification réelle des personnes employées.

 

Compte tenu des statistiques de départs volontaires de l’entreprise de TNT (pour rappel 204 départs volontaires en 2002 pour une entreprise employant 416 ouvriers), on doit bien en conclure que les travailleurs eux-mêmes ne considèrent pas qu’on leur fournit ainsi un travail de qualité. Cette rotation du personnel anormalement élevée en est la preuve.

 

Il est d’ailleurs vraisemblable qu’il est impossible de supporter des cadences élevées en travail de nuit pendant de nombreuses années sans mettre sa propre santé en péril.

 

Pour des entreprises comme DHL et TNT qui exercent leurs activités sur toute l’Europe voire sur toute la planète, il faut également se méfier des statistiques d’emploi en ce sens que rien ne garantit que le personnel comptabilisé au siège social de l’entreprise travaille effectivement dans notre pays. Par exemple, un pilote d’avion va peut être apparaître dans les statistiques de TNT ou de DHL alors qu’il sera peut-être domicilié dans un pays étranger où il résidera effectivement. Pour le personnel navigant, les aéroports de Bierset ou de Zaventem peuvent très bien n’être jamais que des endroits de passage sur lesquels on effectue chaque nuit un atterrissage et un décollage.

 

TNT emploie aussi des chauffeurs de camionnettes et de camions en Belgique comme dans tous les autres pays, ainsi que du personnel administratif. Si même TNT devait se délocaliser, les emplois continueraient à exister chez nous pour continuer à y récolter du courrier et des colis. Tous les emplois TNT en Belgique ne sont donc pas “ créés par les vols de nuit ”. Une partie préexistait et se maintiendra en toute hypothèse. Signalons enfin que si l’emploi pour l’ensemble de l’aéroport de Bierset atteignait 1.761 unités pour l’année 2001, il s’étendait déjà à 1.746 unités pour l’année 2000. Il est difficile de parler de dynamique créatrice d’emplois quand on voit que d’une année à l’autre, l’emploi sur le site n’a augmenté que de 15 unités malgré les investissements considérables que la Région wallonne y effectue.

 

 

6.                  Les coûts de la création des emplois

 

Si en mai 1996, le Gouvernement wallon annonçait pour créer 2.000 emplois (et on est loin d’y être arrivé), à Bierset, un coût de deux milliards de francs belges, il est évident que cette estimation était largement insuffisante.

 

Un article du journal “ Le Soir ” du 28 mars 2003 est éclairant. Il s’agit de comparer les évaluations des dépenses pour le budget wallon pour équiper les aéroports de Bierset et de Charleroi (l’essentiel des investissements devant être effectués à Bierset plutôt qu’à Charleroi):

 

-                     Le 20 juillet 2000, le Gouvernement wallon déclarait évaluer les dépenses  à 18,5 milliards de francs belges.

 

-                     En mars 2003, la SOWAER qui assume cette mission actuellement, évalue les dépenses à 27 milliards de francs belges.

 

-                     L’évaluation a donc augmenté de 46 % en 3 ans.

 

Il est généralement avancé par les autorités wallonnes que le développement et l’équipement de l’aéroport de Bierset coûtera 20 milliards de francs belges. 10 fois le budget annoncé en 1996 ! Pourtant nombreux sont ceux qui pensent qu’au total l’équipement de l’aéroport, les rachats et les insonorisations coûteront plus de 40 milliards de francs belges.

 

Nous pensons qu’on sera en bout de course plus près des 40 milliards que des 20 milliards annoncés mais le démontrer demanderait trop de développements.

 

Si même l’investissement public devait se limiter à 20 milliards, il faudrait de toute manière en conclure qu’à Bierset pour créer 1.761 emplois (souvent de mauvaise qualité), on dépenserait 11.357.183 francs par emploi créé. Il faut de toute manière ajouter à ce montant les investissements de TNT et des autres sociétés qui se sont installées sur le site, ainsi que la perte de valeur considérable du patrimoine immobilier situé autour de l’aéroport. Le coût pour la création d’un emploi pénible à temps partiel et de nuit est proprement effarant.

 

Quand une mère de famille modeste envisage d’acheter un gâteau au chocolat, elle ne se pose pas la question de savoir si elle aura du plaisir à manger et à offrir ce gâteau. Elle va se poser surtout la question de savoir si, avec le même argent, elle ne pourrait pas acheter ou offrir quelque chose de plus utile.

 

Pourquoi la Région wallonne si désargentée ne raisonnerait-elle pas de la même manière ? La question qu’il faut se poser, est de savoir si en dépensant les mêmes budgets, on n’aurait pas pu créer plus d’emplois et de meilleure qualité. Poser la question, c’est y répondre.

 

 

N’oublions pas que les dépenses considérables que les pouvoirs publics vont devoir supporter pour racheter et insonoriser les immeubles se révèleront peut-être totalement inutiles pour les raisons suivantes :

 

-                     TNT peut parfaitement se délocaliser en payant de très faibles indemnités à la Région wallonne. Le contrat ne donne aucune garantie de pérennité de présence sur le site de la compagnie qui n’a pas établi ses services techniques en Belgique.

 

-                     DHL a cherché à se délocaliser à plusieurs reprises, notamment vers Strasbourg et elle menace actuellement de partir vers LEIPZIG.

 

-                     La Justice est saisie d’actions diverses dont le résultat sera peut-être l’arrêt des vols de nuit avec éventuellement le départ des compagnies de fret express de notre sol.

 

-                     L’Union européenne prépare des normes qui rendront peut-être impossible la perpétuation de ce type d’activité en Belgique voire ailleurs en Europe.

 

-                     Les études scientifiques qui se multiplient sur la question s’orientent manifestement depuis plusieurs années vers l’abaissement des seuils de tolérance en matière de bruit nocturne. La communauté scientifique paraît manifestement de plus en plus consciente des graves séquelles que peuvent provoquer dans la population les activités de ce genre.

 

On doit dès lors se poser la question de savoir s’il faut continuer à dépenser des milliards par dizaines pour racheter et insonoriser des immeubles, pour permettre le développement d’un type d’activité très particulier, le fret express aérien, qui ne pourra peut-être plus s’exercer de nuit dans quelques années (d’autant plus que le TGV se met en place et pourrait constituer un concurrent redoutable, infiniment moins polluant que le transport aérien). Va-t-on dépenser autant d’argent pour une activité dont la pérennité chez nous n’est pas du tout certaine ?

 

 

III.             Les mesures paliatives

 

 

1.                  Les rachats et expropriations

 

Toutes les maisons ne sont pas insonorisables soit parce que leurs caractéristiques ne permettent pas de tels travaux soit parce qu’elles sont situées à des endroits où le niveau de bruit est trop important. Chacun comprendra qu’il n’y a pas de sens à dépenser des montants supérieurs à la valeur d’une maison pour insonoriser celle-ci.

 

Il faut donc bien considérer qu’un certain nombre d’immeubles doivent être rachetés ou expropriés parce qu’ils sont proprement inhabitables.

Ce type de mesures est évidemment très coûteux. A Bierset, les rachats d’immeubles ont coûté en moyenne 5.450.000 francs par habitation. A nouveau, on a pu constater combien les prédictions furent erronées puisqu’au départ, on envisageait de racheter environ 500 immeubles et que finalement, il faudra peut-être en racheter près de 2.000. Les autorités pensaient également pouvoir valoriser le patrimoine ainsi acquis par des reventes ou des locations, mais il semble bien que l’essentiel de ce patrimoine ait perdu pratiquement toute valeur.

 

Quoi qu’on ait parfois perfidement laissé entendre que de telles mesures faisaient bien l’affaire des riverains, nous sommes bien placés pour attester de l’inverse. Etre contraint de vendre sa maison et de déménager constitue, le plus souvent, une véritable épreuve.

 

Les gens concernés sont parfois âgés. Ils peuvent avoir une véritable peine à se séparer d’un immeuble qu’ils ont aménagé de leurs mains, dans lequel ils sont peut-être nés et que parfois leur famille se transmet de génération en génération. Le déménagement implique de quitter un village ou un quartier où l’on a des habitudes, des connaissances, des activités… Pour les enfants ce sont des changements d’écoles et des ruptures avec le milieu associatif dans lequel ils sont actifs.

 

Même si la valeur vénale obtenue pour un immeuble est correcte (et c’est de moins en moins souvent le cas depuis un certain temps à Bierset), il n’en reste pas moins que cette valeur est souvent insuffisante pour retrouver une habitation de la même qualité. Nombre de riverains prétendent être moins bien logés que par le passé. Un déménagement implique d’ailleurs par lui-même des frais importants. La Région wallonne n’accorde pas en cas de rachat les mêmes indemnités de remploi que celles qui sont habituellement servies en cas d’expropriation.

 

Les procédures de rachat n’offrent plus aucune garantie aux riverains qui doivent négocier leurs immeubles dans le cadre d’une vente de gré à gré avec la  SOWAER qui impose les prix qui lui conviennent. La Justice dira si cette pratique est ou non acceptable.

 

Il est incontestable que très souvent le rachat n’est pas une bonne solution. Grand nombre de personnes sont préjudiciées.

 

 

2.                  Les insonorisations

 

Rappelons uniquement pour mémoire la problématique du seuil de bruit à ne pas dépasser pour ne pas mettre la santé des habitants en péril. Si le seuil retenu par la réglementation n’est pas le bon, il faudra recommencer les travaux (il est très difficile d’améliorer une insonorisation qui n’a pas atteint son objectif).

 

Rappelons aussi l’arrêt de la Cour d’arbitrage qui paraît bien considérer comme illicite le fait d’imposer aux habitants d’occuper les chambres fenêtres et portes fermées. Concevoir chaque chambre comme un local hermétiquement clos au plan acoustique est d’ailleurs problématique : on ne peut pressentir un danger dû à un début d’incendie ou à une intrusion ; les parents sont coupés de tout contact avec les enfants pendant la nuit, …

Il faut bien comprendre que rien que le fait de devoir dormir fenêtres fermées (et pire encore si la porte de la chambre reste fermée également) est générateur d’autres problèmes. Le sommeil peut certes être détérioré par le bruit mais il peut également être compromis dans sa qualité par une insuffisance d’aération de la chambre ou par des problèmes thermiques. La température idéale pour le sommeil est de 19°. La bonne oxygénation du dormeur est une des conditions d’un sommeil réparateur. Tout cela explique probablement pourquoi tellement de personnes affectionnent de dormir avec les fenêtres ouvertes.

 

L’atmosphère d’une chambre close est rapidement confinée et chargée d’humidité condensée. Une chambre mal aérée donnera rapidement matière à apparition de moisissures voire même de pourriture aux endroits où l’humidité va se condenser.

 

Une bonne insonorisation doit donc se cumuler par l’équipement d’un appareillage d’aération et de conditionnement d’air. Cet appareillage sera coûteux s’il est de qualité.

 

Il convient que les appareillages de conditionnement d’air et d’aération soient placés en dehors des chambres. Sinon ils vont générer du bruit et de la chaleur supplémentaire et se révèleront contre-productifs.

 

L’insonorisation d’une chambre peut avoir un effet imprévu par le fait de l’application de la théorie du niveau d’émergence. Un exemple va permettre de le comprendre : si une chambre insonorisée connaît un bruit de fond, logiquement très bas ( 15 ou 20 décibels), il est clair que la survenance d’un événement bruyant de l’ordre de 45 décibels va réveiller brutalement le dormeur alors que le phénomène aurait été moins aigu si par exemple le bruit de fond avait été de 30 ou 35 décibels. Par cet effet pervers, une insonorisation pourra donc parfois aggraver la situation des habitants.

 

Le problème du coût des insonorisations est loin d’être négligeable. On sait que la Région wallonne pour l’aéroport de Bierset avait l’ambition de régler le problème pour un coût moyen de 600.000 francs HTVA par habitation. Les pays étrangers ayant mené des programmes d’insonorisation ont dû dépenser des montants nettement plus importants (des chiffres disponibles pour des aéroports français et allemands varient entre 1.200.000 et 1.500.000 FB par habitation). Nous sommes perplexes dans la mesure où le Gouvernement wallon laisse entendre que l’enveloppe prévue devrait seulement être légèrement majorée par immeuble tandis que les documents que nous recevons quotidiennement des riverains nous paraissent démontrer clairement que les insonorisation seront beaucoup plus coûteuses que prévu (nous disposons même d’une évaluation par un estimateur agréé de la Région wallonne qui évalue à 106.000 € les travaux nécessaires pour une seule habitation).

 

Si les personnes ayant bénéficié d’une insonorisation se déclarent satisfaites immédiatement après la réalisation des travaux, il semble bien qu’après quelques semaines les personnes commencent à déchanter et à se plaindre des inconvénients du sommeil dans un milieu clos. L’expert canadien BRADLEY avait attiré l’attention sur le manque d’études médicales à propos des conséquences du sommeil en chambre insonorisée dans le long terme. Certains médecins dénoncent le risque d’apparition d’allergies notamment chez les enfants.

La Région wallonne ne communique pas aisément le résultat des insonorisations pratiquées dans quelques dizaines de maisons tests. Les documents auxquels nous avons eu accès paraissent démonter que les résultats atteints n’ont pas toujours été satisfaisants par rapport aux normes OMS.

 

Il semble bien que l’on ne se soit guère préoccupé dans le cas présent des pièces de jour qui nécessitent elles aussi une insonorisation pour répondre aux normes OMS. Si les personnes doivent avoir le droit de dormir avec les portes des chambres ouvertes, cela impliquera nécessairement que les halls de nuit ou les cages d’escalier de leur maison soient insonorisés à 45 décibels.

 

Le problème de la réalisation de cet énorme chantier que constituerait l’insonorisation de dizaines de milliers d’habitations en Belgique est absolument évident. Ces travaux doivent être impérativement confiés à des entreprises très spécialisées, œuvrant en collaboration avec un ingénieur acousticien et un architecte. La moindre faille d’un système d’insonorisation peut rendre celui-ci totalement inopérant. Les firmes qualifiées sont peu nombreuses de sorte que l’on peut craindre qu’il soit impossible d’insonoriser toutes ces maisons avant de très nombreuses années. La concurrence entre propriétaires pour s’arracher les services des entreprises peut amener une augmentation considérable des coûts par l’application de la loi de l’offre et de la demande.

 

La Région wallonne paraît s’orienter vers une insonorisation limitée aux seules chambres effectivement occupées par les habitants de l’immeuble concerné. C’est évidemment une optique qui est dommageable pour les riverains puisqu’en cas de revente de l’immeuble, celui-ci subira une décote importante s’il n’y a qu’une chambre ou qu’une partie des chambres qui soient insonorisées alors que l’acheteur devra, lui, faire insonoriser les autres chambres à ses frais sans plus pouvoir bénéficier d’aucune subvention.

 

Il faudrait aussi soigner le problème des prédictions en termes de nuisances futures. Tenir des discours apaisants est peut-être politiquement intéressant mais finit par avoir des effets désastreux sur le terrain. Les prédictions de bruit de l’Université de Liège pour l’aéroport de Bierset telles qu’établies à l’horizon 2018 étaient déjà dépassées en 1999 après un an de développement de l’aéroport. Le danger est en effet de devoir un jour exproprier ou racheter des immeubles qu’on aura insonorisés à grand frais.

 

 

3.                  Les limitations de bruit

 

Il s’agit évidemment des mesures les moins coûteuses pour limiter le bruit avec pour conséquence directe de pouvoir diminuer les budgets en matière de rachats et d’insonorisations.

 

Les techniques pour limiter le bruit sont multiplies :

 

-                     On peut interdire certains avions.

 

-                     On peut moduler les redevances aéroportuaires en fonction des types d’avions selon qu’ils sont plus ou moins polluants.

 

-                     On peut fixer des quotas de bruit soit pour tout l’aéroport soit par mouvement d’atterrissage ou de décollage, les avions les plus bruyants étant découragés par un quota de bruit plus sévère.

 

-                     On peut instaurer des niveaux de bruit au sol à ne pas dépasser sous peine d’amende.

 

-                     On peut imposer des gradients de montée (plus un appareil s’ élève verticalement moins il répandra de nuisances au sol mais plus les riverains proches de l’aéroport seront affectés.

 

-                     On peut interdire l’usage de l’aéroport ou le limiter pendant certaines périodes comme par exemple le week-end et pour certaines plages horaires nocturnes.

 

-                    

 

A Bierset, malheureusement un contrat désastreux signé le 26 février 1996, ne permet plus au Gouvernement wallon ni au gestionnaire de l’aéroport de prendre quelques mesures que ce soit puisque :

 

-                     Pour une durée de 20 ans, TNT a le droit d’effectuer 480 mouvements par jour (soit le maximum de mouvements qui puissent être effectués sur l’aéroport à concurrence d’un mouvement toutes les 3 minutes).

 

-                     L’aéroport doit être ouvert 365 jours par an et 24h/24 pour TNT.

 

-                     TNT  a le droit d’utiliser tous les avions classés Chapitre III par l’OACI (ce qui lui permet d’utiliser une gamme d’avions extrêmement étendue parmi lesquels certains avions très bruyants qui sont interdits de vol par exemple à Zaventem).

 

-                     Le principe pollueur – payeur est paralysé puisque c’est le contribuable wallon qui doit financer les mesures environnementales.

 

-                     Les redevances sont fixées contractuellement et sont d’ailleurs très avantageuses pour TNT.

 

-                     Les autorités wallonnes et aéroportuaires se sont engagées à gérer l’aéroport au mieux des intérêts de TNT et ce pour une durée anormalement longue de 20 ans.

 

-                     TNT, une fois passé le cap de 5 années de son arrivée sur le site (ce qui est actuellement le cas) peut se délocaliser en payant des indemnités peu importantes et elle ne manque jamais d’utiliser cette menace pour obtenir ce qu’elle revendique.

 

A Zaventem, le Gouvernement fédéral a les mains, pour le moment, relativement libres et a d’ailleurs pu imposer une série de mesures de protection des riverains qui n’existent pas à Bierset (par exemple : interdiction de certains appareils, quotas de bruit et respect de la “ petite nuit ”…).

 

DHL propose cependant de développer à Bruxelles ses activités en créant des milliers d’emplois (fort peu crédibles) mais paraît bien vouloir demander plus de liberté dans la gestion de son trafic.

 

A Chièvres, la page est toujours blanche.

 

 

4.                  Les indemnisations

 

Le Tribunal de Première Instance de Liège a retenu le principe d’indemnités à payer aux riverains pour les nuisances qu’ils subissent à concurrence de x centaines de francs par personne par nuit polluée, le montant devant varier en fonction de la gravité des nuisances subies par chacun des riverains.

 

Compte tenu de ce qu’il y a entre 35 et 50.000 personnes qui pourraient prétendre à ces indemnités, cela peut aboutir à devoir payer des montants considérables.

 

Le problème de la perte de valeur du patrimoine immobilier non racheté ou non exproprié doit également être posé et la solution passera nécessairement par des indemnités à verser au propriétaire.

 

Il ne serait en effet pas équitable que quelques milliers de personnes contribuent à l’essor économique de la région dans des proportions considérables sans être indemnisées par la collectivité. Cela constituerait en quelque sorte un impôt déguisé perçu inégalitairement à charge des seuls riverains des aéroports.

 

Pour la plupart de nos concitoyens, l’immeuble familial constitue l’essentiel de leur patrimoine. Provoquer une perte de valeur de 10, 25 ou 50 % de ce patrimoine doit évidemment aboutir à une compensation.

 

La Région wallonne ne paraît pas vouloir s’orienter vers une indemnisation. Les riverains la sollicitent en Justice et espèrent bien l’obtenir.

 

En vertu du principe pollueur – payeur, ce devraient être les compagnies responsables des pollutions qui devraient indemniser les préjudiciés. Ce sera au contraire le contribuable wallon qui devra supporter toutes ces dépenses pour Bierset. Pour Zaventem, par un système de majoration des redevances, ce seront les utilisateurs de l’aéroport qui payeront.

 

Les compagnies aériennes qui sortent grands bénéficiaires de ces arrangements ne contribueront pas à financer toutes ces mesures alors qu’elles brassent des montants considérables en chiffres d’affaires et engrangent annuellement des bénéfices très importants.

 

Est-ce normal ?

 

IV.              Le contrat TNT

 

On parle souvent de ce contrat signé le 26 février 1996 entre TNT, la SAB et la Région wallonne.

 

Huit ans plus tard, malgré de nombreuses procédures judiciaires, le contrat ne nous est toujours pas totalement connu. Certaines parties sont gardées secrètes. On se demande pourquoi ?

 

Il a été débattu du point de savoir si TNT avait ou non le monopole de l’utilisation de l’aéroport de Bierset. Cela a été démenti. D’autres par ailleurs, ont affirmé que TNT avait reçu de la Région wallonne un aéroport “ clé sur porte ” financé par le contribuable wallon.

 

La lecture du contrat ne permet aucun doute : c’est bien la thèse de l’aéroport “ clé sur porte ” qui doit prévaloir.

 

La lecture du contrat permet en effet d’apprendre que :

 

-                     TNT se voit garantir des aides de la Région wallonne qui seront à leur maximum légal possible à condition d’employer plus de 300 personnes.

 

-                     TNT aura une exonération du précompte immobilier pour une durée de 5 ans.

 

-                     TNT énonce l’objectif de créer 350 emplois à l’aéroport mais ne prend pas d’engagement formel.

 

-                     Les autorités aideront TNT “ à obtenir un accord de paix sociale ”.

 

-                     TNT doit être consultée pour toute nouvelle construction pouvant avoir un effet préjudiciable sur ses activités ainsi que pour l’utilisation de l’aéroport par toute nouvelle compagnie et pour “ la répartition et l’utilisation des fonds ayant rapport à l’environnement ”.

 

-                     TNT devra être consultée pour toute décision ayant trait au fonctionnement de l’aéroport pouvant avoir des répercussions significatives sur ces activités.

 

-                     TNT a le droit de s’attendre à ce que la Région wallonne utilise ses pouvoirs réglementaires de manière qui ne lui soit pas préjudiciable sinon elle devra indemniser TNT (article 8 de la convention).

 

-                     L’aéroport s’engage à mettre en état ou à réaliser toute une série d’infrastructures pour des dates déterminées sous peine de paiement d’indemnités. Cet engagement, non chiffré dans le contrat, s’évalue manifestement à plusieurs milliards.

 

-                     Si TNT quitte l’aéroport dans les 20 ans suivant son arrivée, elle doit verser une indemnité qui, par exemple, est de 3 années des redevances d’atterrissage qu’elle paie en moyenne annuellement si son départ à lieu plus de 5 ans mais moins de 10 ans après son arrivée (on est actuellement dans cette période).

 

-                     La Région wallonne garantit les engagements de la SAB gestionnaire de l’aéroport.

 

-                     L’aéroport doit fournir un approvisionnement en carburant d’une capacité de stockage minimale d’un million de litres mais dont TNT pourra exiger l’augmentation de capacité dans l’avenir.

 

-                     Article 32.1 : “ La SAB n’acceptera pas que s’établisse à l’aéroport un opérateur dont les activités prévisibles pourraient amener la SAB à ne plus pouvoir garantir à tout moment une capacité suffisante, tant en l’air qu’au sol, égale à 140 % du volume des activités de TNT à ce moment donné. (…) L’acceptation sur cet aéroport de nouveaux transporteurs aériens qui effectuent, ou dont on peut raisonnablement attendre qu’ils effectuent dans le futur, plus de  4 vols cargo par nuit entre 21h00 et 6h00 sera considérée comme ne permettant pas à la SAB de garantir la capacité voulue de telle sorte que l’acceptation de ce transporteur ne pourra avoir lieu sans que soient effectués des investissements supplémentaires ”.

 

-                     Les services de contrôle du trafic aérien doivent être fournis 365 jours par an, 24h/24 et être en mesure de gérer jusqu’à 60 mouvements par heure.

 

-                     TNT doit disposer de 18 ha d’espace de stationnement pour ses avions et peut requérir moyennant un préavis de 6 mois qu’on lui fournisse des espaces supplémentaires jusqu’à concurrence de 40 ha au maximum. Entre 21h00 et 6h00, TNT aura l’usage exclusif de ces espaces de stationnement.

 

-                     TNT dispose d’une priorité pour le ravitaillement en carburant par rapport aux vols non-réguliers.

 

-                     C’est à l’aéroport qu’incombe l’obligation de se mettre en conformité avec les prescriptions relatives à l’environnement.

 

-                     Les redevances à charge de TNT seront de 200 francs par tonne pendant les 10 premières années d’activité. Par la suite, elles ne pourront pas dépasser 80 % de la moyenne des redevances d’atterrissage perçues sur les aéroports de Bruxelles, Ostende, Cologne et Amsterdam (cela donne un avantage concurrentiel à TNT). En outre, elle pourra bénéficier de remises sur les redevances d’atterrissage en fonction du tonnage qu’elle développera.

 

-                     Aucune redevance pour le stationnement des avions ne sera perçue si le stationnement ne dépasse pas 24h00 (dans un hub de ce type, les avions ne sont jamais de passage que pour une courte période).

 

-                     En ce qui concerne les contrôles douaniers, il n’y aura aucune exigence pour les marchandises en simple transit. Pour les autres biens, les examens des marchandises et des documents devront être réalisés dans les 60 minutes de l’arrivée.

 

-                     …etc.

 

Notre commentaire : il n’est dit nulle part effectivement que TNT a l’exclusivité de l’aéroport, mais on voit mal comment une compagnie concurrente pourrait y développer des activités, surtout de nuit, sans passer accord avec TNT, surtout s’il s’agit de délocaliser un “ hub ” européen comme celui actuellement exploité par DHL à Zaventem.

 

 

V.                 Considérations finales

 

 

Les va-t-en-guerre annoncent toujours des guerres éclair, fraîches et joyeuses.

 

Ce fut le cas pour le développement de l’aéroport de Bierset. Il s’agissait d’un aéroport d’origine militaire situé à la campagne et on allait y créer des milliers d’emplois en accueillant des vols réalisés à l’aide des “ avions les plus silencieux du monde ”, selon l’expression qui était favorite parmi le personnel politique à l’époque.

 

Aujourd’hui, on a créé quelques centaines d’emplois très pénibles que les travailleurs eux-mêmes quittent volontairement dans les deux ans et que l’on fait occuper par des personnes bien souvent surqualifiées.

 

Dans le même temps, on a plongé dans le désarroi des milliers de familles à qui on a occasionné des préjudices considérables. Les finances wallonnes découvrent chaque année un peu plus l’ampleur du gouffre financier et la fuite en avant budgétaire que représente cette aventure. Les emplois pénibles et nocturnes de TNT sont extraordinairement coûteux et l’argent ainsi dépensé fera défaut dans bien d’autres domaines.

 

A Chièvres, on promet aussi une guerre fraîche et joyeuse. Il n’y aurait que 400 maisons à exproprier pour y développer un aéroport perdu au milieu du désert. Cet aéroport apporte pourtant déjà une certaine prospérité à cette région par le fait qu’il s’agit d’une base OTAN qui fait vivre de nombreuses familles à revenus élevés et que l’on ferait partir.

 

Le plus dérangeant c’est l’impression d’improvisation complète que donne la lecture du dossier.

 

En 1996, la Région wallonne avait peut-être l’excuse de son inexpérience à invoquer pour justifier qu’elle ait signé un contrat catastrophique et qu’elle se soit lancée dans une opération désastreuse. Il est quand même curieux que quelques années plus tard, on n’ait pas encore tiré les leçons du fiasco de l’aéroport de Bierset et que l’on soit prêt à rééditer des expériences du même genre sans guère plus de réflexions.

 

La rapidité avec laquelle des décisions contradictoires ont été prises à propos de l’aéroport de Zaventem durant ces derniers mois est également surprenante. Là non plus, on n’a pas l’impression que des réflexions rationnelles soient menées avec l’aide d’experts indépendants.

 

Dans ce type de réflexions, nous avons tendance à penser que l’ordre dans lequel on se pose les questions joue un rôle capital.

 

Si l’on pose, avant toute chose, la question de savoir si on veut ou non créer des milliers d’emplois, il est évident que la réponse sera positive et que cette réponse n’aura résolu aucun problème.

 

La véritable question que pose ce dossier est de savoir si l’on doit ou non accepter en Belgique, compte tenu de la densité de sa population ainsi que de la situation et de la configuration de ses aéroports, des activités de fret express en sachant que :

 

-                     Ces activités pour le moment ont lieu de nuit et sont très nuisibles en raison des cadences des mouvements et des types d’avions utilisés, …

 

-                     Les statistiques concernant la création d’emplois indirects et induits en répercussion d’une activité aéroportuaire sont inadaptées au trafic de fret express qui ne génère, surtout sur les petits aéroports, que peu d’emplois indirects et induits et en tout cas infiniment moins qu’une activité de transport de passagers, surtout sur un grand aéroport.

 

-                     L’activité de fret express génère du travail pénible et ne provoque pas de développement économique dans son environnement immédiat. Il ne s’agit que de faire transiter des marchandises qui ne sont ni produites ni commercialisées dans l’environnement de l’aéroport.

 

-                     Les conséquences de cette activité sur la santé et le patrimoine de population ne peuvent être sérieusement contestées.

 

Si l’on tient pour acquis que la population belge, quel que soit son régime linguistique, a le droit de vivre dans le respect des normes OMS et de la Convention Européenne des Droits de l'Homme, n’est-il pas évident que le problème va se poser comme suit :

 

-                     L’insonorisation de milliers de bâtiments va coûter une fortune et ne sera pas possible en totalité avant de très nombreuses années.

 

-                     Si l’on concentre les trajectoires, on soumet les populations à un véritable supplice, tandis que si on les disperse, on multiplie le nombre d’immeubles à insonoriser et le nombre de victimes à indemniser.

 

-                     On risque d’investir des montants considérables alors qu’un jour peut-être ce type d’activité nocturne sera interdit soit par une norme européenne, soit par une décision de la justice belge.

 

-                     Il est également clair qu’on investit des montants considérables alors que les compagnies concernées peuvent se délocaliser.

 

On en vient dès lors à la dernière question, proprement inéluctable : ne vaut-il pas mieux s’amputer nous-mêmes dès à présent des activités de fret express de nuit et consacrer les capitaux gigantesques que nécessite l’accompagnement de ce type de développement pour créer des emplois de jour de qualité ?

 

Rappelons qu’il n’est pas question de mettre en cause la légitimité de l’activité aéroportuaire nettement plus profitable que constitue le transport diurne de passagers ou de marchandises qui n’implique ni les mêmes inconvénients ni les mêmes dépenses et qui procure infiniment plus d’emplois indirects et induits, et des emplois directs de grand intérêt.

 

 

                                                                                

Luc MISSON

Avocat au Barreau de Liège