Olivier Mangain (MR/FDF) droomt nog altijd van een Groot-Brussel.
1000 Décibels 24 februari 2005
Interview exclusive d¹Olivier Maingain
Le Président du FDF nous livre son analyse de la situation historique et en
devenir de l'aéroport de Bruxelles-National à Zaventem. Il veut contribuer à la
réflexion en plaidant pour une suppression des activités aéroportuaires
nocturnes, incompatibles avec les nécessités du grand centre urbain formé par
Bruxelles et sa périphérie. Selon lui, la logique de la dispersion ne rencontre
pas efficacement les besoins des habitants francophones et flamands qui sont
victimes du Plan Anciaux. Elle lui apparaît plutôt être un outil pour créer de
l'antagonisme dans les mains de ceux qui veulent nier la capacité de Bruxelles à
assumer son destin par elle-même. Il attribue cette intention notamment à Bert
Anciaux et dénonce la volonté de celui-ci d'utiliser la démagogie pour inciter
aux pires conflits jusqu'à vouloir organiser l'exode d'une classe moyenne qui
habite à l'est de Bruxelles. Olivier Maingain témoigne pourtant d'une autre
certitude : ce sont les vrais démocrates de Flandre qui un jour prochain
trouveront les solutions aux problèmes créées par un nationalisme flamingant
qui, en s'enlisant dans un rejet de l'autre sans plus le justifier, a perdu
beaucoup de sa légitimité historique. Celui qui est aussi le Vice-Président du
MR fait le reproche à l'ancienne direction de son parti de ne pas avoir respecté
la déclaration gouvernementale en laissant le Plan Anciaux s'appliquer sans un
vrai cadastre de bruit préalable. Il en appelle dès lors à corriger les erreurs
du passé. Il fait au passage une charge contre le rôle de conseil de
Belgocontrol, qu'il juge peu satisfaisant en matière de sécurité, en rappelant
qu'il s'agit d'un organisme dépendant du Ministre de la Mobilité.
Olivier Maingain, Président du FDF et Vice-Président du MR, Député
fédéral
Beaucoup d'observateurs du dossier, même en Flandre, pensent que c'est à cause
du plan de dispersion que DHL n'a pu se développer à Zaventem. Est-ce votre
opinion également ? Et pensez-vous que le risque de rejet demeure pour d'autres
projets importants de développement de l'aéroport ?
Fondamentalement, le problème apparu avec DHL pose la question du
développement d'un aéroport aux portes d'un grand centre urbain. Un grand centre
urbain ne se limite pas à 19 communes, car la réalité urbaine de Bruxelles va
bien au-delà. Ce sont une trentaine de communes qui font partie intégrante de ce
grand centre urbain, y compris des communes où la population est majoritairement
flamande. Je dois dire qu'il y a un peu plus d'un an, le Premier Ministre avait
été courageux en envisageant de délocaliser une partie de l'activité
l'aéroportuaire vers un autre site à créer. Notre analyse au FDF est qu'il faut
y réfléchir et que plus longtemps nous hésiterons à avancer dans cette
direction, plus longtemps nous constaterons que les problèmes des nuisances de
l'aéroport de Zaventem empoisonneront la vie politique belge. Il faut amener
l'aéroport de Bruxelles-National à des activités de jour, quasi exclusivement.
Deuxièmement, il faut faire de Zaventem un aéroport régional européen mais pas
un aéroport intercontinental important. Tout simplement parce que sa
localisation ne le permet pas. Le plan de dispersion est venu s'ajouter à cette
problématique. A supposer même que l'on aurait gardé un plan de décollages et
d'atterrissages en tenant compte de la densité des populations, on n'aurait de
toute façon pas pu développer les activités nocturnes de l'aéroport.
A propos du critère de densité de population, qui est central dans la
définition des exigences bruxelloises, de quelle manière doit-il selon vous être
pris en considération dans une stratégie pertinente de gestion des nuisances
sonores de l'aéroport de Zaventem ?
Soyons de bon compte, quelle que soit l'orientation, il y aura toujours
tout autour de l'aéroport de Bruxelles National une densité de population
supérieure à ce qu'elle devrait être si on établissait une comparaison avec ce
que rendrait possible une relocalisation partielle dans un aéroport éloigné des
centres urbains. Pour le moment les zones les moins densément peuplées sont peu
survolées et il serait pourtant logique de les choisir en priorité. Il faut en
venir à une logique où il est possible de mettre en place des mesures
d'accompagnement, telle que l'isolation des habitations ou l¹expropriation.
Pensez-vous que la Région bruxelloise est « redevable » vis-à-vis de la
Flandre au point de devoir accepter une part plus importante de nuisances
aériennes ?
De facto, l'aéroport de Bruxelles-National est devenu un aéroport qui
bénéficie sur un plan économique essentiellement à la Région flamande et à
l'emploi en Flandre. Mais l'aéroport tire son importance de sa proximité avec
Bruxelles, ville internationale et européenne. En réalité, dès le départ, on
aurait dû intégrer l'aéroport dans le territoire de la Région bruxelloise.
Quels ont été selon vous les véritables motivations qui ont conduit Bert
Anciaux à mettre en place son plan de dispersion ?
Je pense que la logique d'Anciaux a été de d'abord vouloir démontrer la
capacité de la Flandre à tenir en échec la Région bruxelloise. Au-delà de la
volonté flamande de s'approprier l'aéroport, il y a la volonté de démontrer que
les Bruxellois n'ont pas le pouvoir de contrarier les projets de la Flandre.
Depuis toujours, la volonté des nationalistes flamands est de refuser
l'existence de Bruxelles comme une Région à part entière. La logique de
dispersion sert à créer l'antagonisme. Je rappelle que j'avais demandé la
démission du Ministre Anciaux lorsqu'il avait fait un coup de force à l'encontre
du gouvernement fédéral en faisant croire que les astreintes fixées par la Cour
d¹Appel flamande allaient être exigibles, alors qu'il savait très bien que la
Cour de Cassation allait très probablement annuler cette décision. Ce qui fut le
cas. Je n'ai pas non plus manqué de dire aux Ministres du gouvernement fédéral
qu'il était regrettable qu'ils se soient laissés bluffer dans cette affaire. Je
suis pour ma part intimement convaincu que dans le chef d'hommes politiques
flamands comme Anciaux, il y a une volonté de neutraliser la résistance
francophone de Bruxelles. Cette résistance est le fait notamment d'une certaine
classe moyenne francophone qui économiquement en a le potentiel. Il y a une
stratégie des nationalistes flamands à pousser cette classe sociale à quitter
Bruxelles et sa proche périphérie. En faisant en sorte que cette classe moyenne
ne dispose plus d¹un cadre de vie correcte, on l'amène à l'exode et à déménager
par exemple vers le Brabant wallon.
On sait que Macquarie, dans le cadre du rachat de la BIAC qui a été mis en
oeuvre par le SPA-Spirit, a obtenu le droit de développer une gigantesque zone
de bureau autour de l'aéroport, dans le but évident d'en faire un pôle
économique qui ne manquera pas de concurrencer la Région bruxelloise. Ne peut-on
y voir une logique parallèle ?
Nous ne pouvons de toute façon rien faire pour empêcher les plans de
développement économique de la Flandre dans cette zone de l'aéroport de Zaventem
qui est devenu pour eux une priorité stratégique majeure. En isolant Bruxelles
dans un carcan, il est devenu très difficile de conduire son développement
économique et social. Dans aucun autre pays européen, on ne pourrait constater
une situation pareille qui consiste à enfermer une grande ville pour
l'affaiblir. C'est une stratégie qui est en place depuis plusieurs décennies et
qui vise à produire des résultats sur le long terme. La perspective des partis
flamands, c'est de reproduire le schéma de Washington DC. Une telle logique
représente un danger. Malgré l'estime que je porte à Charles Picqué, qui a
défendu cette idée de ville internationale, je ne suis pas favorable à un projet
pour Bruxelles calqué sur le mode de Washington DC. Selon moi, ce serait faire
de Bruxelles une région sociologiquement affaiblie dans ses capacités
contributives, ce qui réduira sa capacité à financer ses politiques publiques,
avec une hyper extension d'une activité internationale sur laquelle les
bruxellois n'ont pas prise. Résultat : une ville étouffée qui sera un peu un
ghetto, fragilisée, qu'il sera facile de séduire par des offres extérieures,
venant de la Communauté flamande, lorsqu'il s'agira d'emplois, de soins de
santé, de culture, etc.
Pensez-vous que sur le plan de la sécurité, le schéma de dispersion actuel
offre un niveau de garantie satisfaisant ?
Incontestablement, le Plan Anciaux n'offre pas la garantie du moindre risque.
Il faut en revenir à ce principe. Je suis étonné de constater que
l'administration de l'aéronautique ne joue pas son rôle d'avertissement. La
passivité de Belgocontrol me surprend. Comment peut-on comprendre que
l'administration compétente puisse accepter la logique perturbatrice de ce plan
! Bien sûr, on sait que cet organisme est sous la tutelle du Ministre de la
Mobilité. On sait aussi, car on en reçoit des échos, qu'il y a certains de ses
responsables qui ne sont pas heureux de la situation. Une administration doit
donner une expertise solide et sérieuse à un pouvoir politique en disant ce qui
est acceptable et ce qui ne l'est pas, notamment en matière de sécurité. J'ai le
sentiment que cela n'a pas été le cas, que des critères de pure rationalité
n'ont pas prévalu. D'où l'intérêt de mettre sur pied une nouvelle entité de
contrôle indépendante.
Comment réagissez-vous aux propos du philosophe Guy Haarscher lorsqu'il
dénonce comme inadéquates, au regard d'une logique de respect des droits de
l'homme, des idées comme la répartition des nuisances entre Régions ou comme
l'oblitération du critère de densité de population ?
Je partage assez bien sa conception des Droits de l¹Homme, laquelle est très
liée à l'idée d'égalité des citoyens. Derrière la problématique des nuisances
aériennes à Zaventem, il y a un débat sur la citoyenneté. Au nord, les droits de
la collectivité l'emportent sur les droits individuels. Au sud, dans une
tradition plus française et issue au Siècle des Lumières, les droits individuels
garantissant la dignité de l'individu l'emportent sur l'appartenance à une
collectivité. Je ne dis pas que tous les flamands acceptent cela. Je dis que
malheureusement en ce moment un certain discours politique dominant conduit à
une divergence d'interprétation éthique. Mais je suis convaincu que le danger du
Vlaamse Blok, qui va encore se développer pour un temps, finira par être écarté
de la main même des flamands. Tôt ou tard, il y aura en Flandre un effet de
réflexion, un effet miroir, qui va mener à une remise en cause du nationalisme.
Personne - et surtout pas moi - n'imagine que considérée dans son ensemble la
société flamande ne soit pas viscéralement attachée à la démocratie. Le
nationalisme d'émancipation sociale est quelque chose d'éminemment respectable
parce qu'il a conduit au respect de droits culturels, linguistiques de la
population flamande. Mais nous voyons maintenant qu'il existe un autre
nationalisme qui est dévoyé. Ce nouveau nationalisme consiste à entretenir le
mythe que la Flandre est la victime de l'état belge. C'est un discours qui
permet d'encourager à formuler des exigences toujours plus fortes à l'égard des
francophones, comme si la Flandre était toujours à la quête de la reconnaissance
de son pouvoir au sein de l'état belge. Alors qu'il est évident qu'elle le
domine. Pour le moment, en Flandre, toute remise en cause de ce modèle
nationaliste n'est le fait que de voix marginales. Mais la solution à ce
problème ne pourra venir que de Flandre. Elle viendra de la prise de conscience
de leurs propres excès.
Pensez-vous que l¹extrême-droite en Flandre pèse d'une façon ou d'une autre
sur les débats qui concernent la gestion des nuisances de l¹aéroport de Zaventem
?
Certainement oui. Elle impose une pression politique de façon générale. A
cela s'ajoute, probablement, une présence dans certains comités du noordrand. On
ne sait pas jusqu'où mais il y a des témoignages de leur présence lors de
certaines réunions.
Selon vous, est-il équitable de mettre sur le même pied les droits des
habitants qui ont choisi d'habiter volontairement dans une zone bruyante,
profitant ainsi de prix de l'immobilier plus bas, et les droits de personnes qui
ont cru de bonne foi choisir un quartier plus calme ?
Soyons clair, non. Il y avait une situation de droit et de fait établie de
longue date, connue de tous, et on a créé un déséquilibre. Ceux qui tendent à
faire croire que le principe de dispersion sert à rétablir un équilibre là où il
n'y en avait pas, trompent l'opinion et portent atteinte au principe même
d'équité en droit. Les gens qui s'établissent à Haren, que je connais bien,
savent quelles sont les conditions de vie spécifiques dans cette commune. Ils
trouvent à Haren des avantages, notamment sur le plan du prix de l'immobilier.
Modifier une situation juridiquement établie depuis longtemps, qui plus est sans
concertation avec les populations concernées - ce qui est un principe européen
incontournable - est une infraction au droit. Avec le Plan Anciaux, on n'a pas
vu ce principe s¹appliquer.
Dans de récents propos, Bert Anciaux tente d'opposer ceux qu'il décrit comme
les riches bourgeois francophones de Woluwé et de l'oostrand à la population de
quartiers plus modestes qui sont davantage peuplés de néerlandophones (Neder
over Hembeek, Haren). Il accuse les premiers de manquer de solidarité vis-à-vis
des seconds. Qu'en pensez-vous ?
C'est du populisme et dans son chef, cela s'apparente de surcroît à l'idée de
revanche sociale qui est une caractéristique historique du Mouvement flamand.
Alors que la Flandre n'a plus aucun besoin d'affirmer son identité, lui en est
toujours là. Ce type de déclaration peut aussi conduire à produire un effet
d'incitation à la haine. On constate là à nouveau une logique d'opposition à une
classe moyenne bruxelloise dont l'affaiblissement permettra d'affaiblir aussi la
Région bruxelloise. D'ailleurs, sous les atterrissages de la piste 02, il n'y a
pas que de beaux quartiers. Dans la trajectoire de la balise, près de Saint
Alix, on trouve des zones de logements sociaux où les gens souffrent beaucoup.
C'est inacceptable, pour moi il faut revenir à la situation qui prévalait avant
les adaptations de la Ministre Durant. La piste 02 doit rester dévolue à un
usage exceptionnel, comme cela a toujours été le cas, car les conditions de
sécurité sont les moins bonnes en ce qui concerne cette piste. Serge Kubla a
d'ailleurs tout à fait raison d'exprimer les exigences de la Région wallonne au
sujet l'usage anormal de la piste 02.
Le gouvernement fédéral a-t-il commis une faute en adoptant le plan de
dispersion sans avoir réalisé au préalable un cadastre de bruit sur le terrain,
ne respectant ainsi pas ce qui avait été prévu dans l'accord de gouvernement de
juillet 2003 ?
C'est en effet un manquement à la déclaration gouvernementale. Il y avait un
engagement pour la réalisation d¹un cadastre du bruit véritable, réalisé sur le
terrain et pendant une période suffisante. Le modèle théorique de la KUL ne
convient absolument pas. Au sein du MR, j'ai d¹ailleurs été un élément
perturbateur lorsque j'ai reproché à sa direction de ne pas avoir respecté sa
promesse faite lors de la déclaration gouvernementale. Je n'ai pas honte de dire
que c'est une faute politique qu'il faut corriger.
Que se passera-t-il si les régions, qui sont aujourd'hui amenées à négocier
une redéfinition du plan de dispersion, ne parviennent pas à un accord ?
La Région flamande se sert du permis d'environnement de l'aéroport, qui
est de sa compétence. C'est la Région flamande qui fixe le nombre de vols
nocturnes et diurnes à l'aéroport de Bruxelles-National. Mais cela ne veut pas
dire que le Région bruxelloise ne dispose pas de recours juridique. Il est
souhaitable que les Régions se mettent d'accord. S¹il n'y a pas d'accord entre
les régions, le fédéral garde la capacité de revoir le plan. Le fédéral tient
ici lieu de sonnette d'alarme. Le contexte est devenu à ce point passionnel que
l'on ne pourra pas avancer sans objectiver totalement les nuisances sonores au
moyen d'un cadastre du bruit exhaustif. C'est pour moi un passage obligé pour
revenir à la rationalité et sortir de la symbolique nationaliste flamande qui a
été artificiellement introduite dans ce débat. Nous savons d'ailleurs, et depuis
le début, qu'un cadastre réalisé honnêtement montrera que la logique de
dispersion est préjudiciable à un beaucoup plus grand nombre de flamands que ce
qu'on a voulu faire croire. Depuis l'échec du dossier DHL, je pense qu'il y a
une prise de conscience chez certains hommes politiques en Flandre qui
constatent que la logique du coup de force peut parfois se retourner contre son
auteur.
Propos recueillis par Gauthier van Outryve le 24 février 2005 auprès de
Monsieur Olivier Maingain.
Le texte a été relu et approuvé par l'interviewé avant publication.