Gosuin blijft pleiten voor afschaffing nachtvluchten boven én rond Brussel en voor beperking aantal dagvluchten die Leterme in kader START nog wil opvoeren

Interview Didier Gosuin in Mille Décibels, 02/2007

Interview de Didier Gosuin

Comme bourgmestre d'Auderghem et ancien Ministre bruxellois de l'Environnement, Didier Gosuin critique vertement le principe de dispersion « tout azimuts », selon lui « un non-sens », indiquant qu’il faut chercher ailleurs que dans la pratique actuelle une formule de « répartition équitable » qui demandera un important effort d'objectivation.

Par rapport au risque de régionalisation de l’aéroport fédéral, conséquence historique probable en cas d’avancée franche du confédéralisme, le poids lourd du FDF fait le constat d’un danger potentiel pour les habitants des communes à facilités de la « Zone F » à Kraainem et Wezembeek-Oppem, minorité exposée aux risques de la sous-représentation démocratique. Il confirme qu’ils ont subi l’application d’un critère de densité de population francophone dans la mise en œuvre du plan Anciaux.

Pour Didier Gosuin, la consolidation juridique de la réglementation bruxelloise en matière de normes de bruit qui porte son nom n’est pas à percevoir comme une action menée « contre » la Flandre ou les riverains du noordrand. Au contraire, pour prendre tout son sens, elle doit être le synonyme de la disparition de vols de nuit « qui n’ont pas leur place dans un aéroport urbain » mais « ailleurs dans l’espace belge ». De même, il répond à Yves Leterme qu’il « rêve debout » s’il projette d'augmenter fortement les vols de jours dans le cadre du plan START.

Didier Gosuin en appelle au sens des responsabilités d’un prochain Ministre de la Mobilité, peu importe son appartenance linguistique, qui « saura mettre au placard les rêves des investissements fous qui ont pu exister » et réduire drastiquement le trafic aérien au départ et à l'arrivée de l'aéroport fédéral. A l’inverse de l’idée de les corriger à la baisse, l’ancien Ministre de l’Environnement bruxellois suggère que les normes bruxelloises deviennent celles en vigueur dans tout le pays. Selon lui, c’est à l’Etat de tirer les conséquences du choix initial erroné de développer cet aéroport, pas à la population riveraine.

Cette prise de position très ferme exprimée au nom du MR entre en proche résonance avec celle du cdH , contribuant à faire évoluer de manière significative le dossier de l'aéroport fédéral. Dans la suite logique de ces deux déclarations auxquelles d'autres convergeront peut-être, les prochaines négociations gouvernementales devraient être le théâtre d'un rapport de force politique reconfiguré où la croissance exponentielle du trafic aéroportuaire à Zaventem n'apparaît plus comme une fatalité.

La rédaction de Mille Décibels, qui avait souligné encore récemment le caractère indispensable d'une telle prise de conscience du politique, tient à saluer cette évolution positive pour l'ensemble de la population.

 

Interview de Didier Gosuin

Bourgmestre d'Auderghem
Ancien Ministre de l'Environnement
de la Région bruxelloise


Cette interview, réalisée par notre Rédacteur en Chef Gauthier van Outryve, est la version complète de celle qui a été publiée dans le numéro de février 2007 de la revue périodique "Politique" consacré au dossier des nuisances aériennes

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Quelle sera la position du MR dans le dossier des nuisances aériennes s’il est appelé à participer négociations gouvernementales de 2007 ? Sur quoi le FDF n’est-il pas prêt à lâcher ?

Le problème est moins de poser de bons diagnostiques et déterminer de bonnes propositions que faire respecter ces bonnes propositions. Chat échaudé craint l’eau froide. Il faut se donner les garanties que tout ce qui sera décidé sera bel et bien respecté. Dans le mois qui suivra la création du prochain gouvernement, il faut la création d’un organisme véritablement indépendant qui aura plusieurs missions. Primo, d’évaluer le rôle et la place à donner à l’aéroport en fonction de sa localisation. Cet organisme devra faire l’évaluation de la position de l’aéroport de Zaventem dans le cadre du marché international. Pouvons-nous courir après tous les marchés aéroportuaires à partir de Brussels Airport ? Non, bien évidemment ! Donc cet organisme aura à définir un projet industriel pour l’avenir de l’aéroport. Secundo, installer enfin tout autour de cet aéroport un réseau coordonné de sonomètres qui soit des référents immédiats des nuisances sonores, de façon à disposer de cartes de bruit réel et de pouvoir travailler sur la minimisation voire la suppression de ces nuisances par des choix de routes qui soient les plus opportunes. Tertio, il faut définir des normes de bruit communes au départ de l’arrêté Gosuin qui vient d’être validé par la Cour de Cassation. Juridiquement, cet arrêté est donc aujourd’hui inattaquable. Je ne dis pas que ces normes sont les meilleures possibles, mais ce sont les seules qui existent. Pour les respecter, cela impliquera sans doute de supprimer certaines activités aéroportuaires durant la nuit notamment. Peut-être est-il possible de reporter ces activités sur d’autres aéroports régionaux.

Selon quels principes directeurs les mesures du prochain gouvernement devront-elles se baser ?

L’accord gouvernemental de 2003, auquel j’ai participé, était dans le bon en défendant le principe de « répartition équitable » et de « cadastre de bruit » mais il n’a jamais été respecté. Nous n’avons toujours pas un vrai cadastre du bruit, pas de mesures de bruit en temps réel effectuées par un organisme indépendant à créer, avec des données qui peuvent être contrôlées par les habitants, comme cela existe dans d’autres aéroports. Il faut sortir de l’irrationnel, du passionnel et du subjectif. Je constate que tout cela n’est pas fait. Dans ce dossier, il y a depuis le début une volonté caractérisée de non transparence, tant en terme de choix aéroportuaires que de définition des procédures de vol et de normes. C’est hallucinant. Notre aéroport fonctionne plus mal que s’il était situé dans un pays en voie de développement. Il faut que les communes, les habitants, les associations puissent être respectés. Comme cela se passe ailleurs. J’ai rencontré récemment des opérateurs de l’aéroport de Toulouse où n’importe quel riverain peut avoir accès à un logiciel qui donne la mesure du bruit occasionné par n’importe quel survol, de vérifier si la procédure a été respectée et si la norme de bruit n’a pas été dépassée. Et il pourra même vérifier le jour d’après s’il y a eu sanction ou pas. Nous devons disposer d’un tel outil qui permettra un contrôle démocratique qui rendra tout le système transparent.

Mais avant la mise en place d’un tel dispositif, quelle est la situation d’attente que vous préconisez ? Doit-on revenir dans un premier temps à la situation de 1999 ou faut-il maintenir encore le dispositif actuel ?

La solution que je préconise peut être mise en place dans un délai de trois mois. Installer un réseau de sonomètres unifié relié à un logiciel de contrôle normé sur base de mon arrêté bruit ne prendra pas plus de temps. Il faut maintenant sortir de l’immobilisme. Je constate, sur base des informations que donnent la Commission européenne, que l’aéroport de Bruxelles-National est le second aéroport d’Europe qui génère le plus de plaintes après Francfort.

Au moment où les préoccupations sur le réchauffement climatique passent à l’avant-scène politique, que penser du projet inclus dans le plan START de doubler les activités de l’aéroport fédéral, avec un objectif de passer de 250.000 à 450.000 vols annuels et 20.000.000 de passagers en plus que les 16.500.00 vols actuel ?

C’est un non sens, de la folie. Aller jusqu’à 450.000 mouvements, c’est s’enferrer dans l’erreur. Nous sommes aujourd’hui au seuil de saturation de notre aéroport. Dommage pour le projet économique de START, mais nous n’avons pas à cautionner les erreurs de nos prédécesseurs qui ont construit un mastodonte qui ne correspond à aucune logique environnementale. A un moment donné, il faut faire son deuil d’un choix d’investissement erroné. A l’époque, Messieurs De Croo, Dehaene et consorts se sont plantés. De par sa localisation et de par l’état du marché, leur projet pour notre aéroport était irréaliste. Sur le plan environnemental, la promotion du transport aérien pour de courtes distances est selon moi un crime. Je ne critique pas ceux qui utilisent l’avion pour faire ces voyages à un prix très bas puisqu’on leur en offre la possibilité. Mais sur le plan environnemental, c’est un scandale. Un avion qui décolle et atterrit, cela correspond à 100.000 voitures qui roulent. Sur le plan de l’empreinte écologique, c’est un non sens. C’est la faute des pouvoirs publics si l’on met sur le même pied le train et l’avion à cause de la fiscalité du kérosène et qu’il y a une carence de l’encadrement législatif de l’activité aéroportuaire. Sur des moyennes distances, le TGV est quand même une alternative fantastique. Je dis que c’est un crime contre le bon sens de privilégier des activités industrielles qui sont déraisonnables. Dans un cadre de fiscalité normal, quand un billet d’avion ne coûte plus que quelques euros, il s’agit de vente à perte. Dans n’importe quel autre domaine, il y aurait sanction. Il y a également des lois anti-dumping à faire fonctionner.

Quelles mesures prendre pour traiter les effets négatifs des vols de nuit sur la santé des riverains ?

Au niveau des vols de nuit, il faut en venir à la logique européenne. A terme, il ne peut y avoir de place pour des vols de nuit dans un aéroport urbain. Je suis d’ailleurs convaincu qu’à terme, l’Europe va légiférer. C’est lent, d’accord, mais c’est l’Europe qui a apporté une solution pour la plupart des grands enjeux gouvernementaux. Moi je reste un européen convaincu.

N’y a-t-il pas risque de se déresponsabiliser au niveau national en reportant tout au niveau européen ?

L’objectif européen sera, à terme, de spécifier les activités de chaque aéroport en fonction de leur localisation et de ne plus tolérer tout et n’importe quoi. Cela se fera dans un délais de 6 ou 7 ans. Sur le plan industriel c’est un délai très court. Il nous reste donc peu de temps pour réorganiser l’aéroport si l’on ne veut pas que des délocalisations brutales interviennent et que des activités soient transférées hors du pays. Je ne souhaite pas que les activités de fret quittent l’espace belge mais je dis que les vols de nuit n’ont pas leur place dans un aéroport urbain.

L’aéroport reste un actif fédéral. Selon vous, cela implique-t-il l’idée d’une répartition équitable entre les Régions du potentiel économique qu’il apporte au pays, en rétablissant l’équilibre en l’occurrence au profit des aéroports régionaux wallons ?

Bien entendu. Cela ne me choque pas du tout. J’estime que dans un si petit pays, aborder la question de notre politique aéroportuaire nationale sans tenir compte des autres aéroports est du pur nonsense. Nous devrions même parler de la politique aéroportuaire en tenant compte des aéroports périphériques à nos frontières situés dans les pays voisins. L’aéroport est en Flandre, d’accord. Il est clair aussi qu’il représente un intérêt économique pour la Région bruxelloise. Mais en voulant courir trop vite derrière tous les marchés, on finit par tout perdre. Si on avait été raisonnable pour DHL, peut-être qu’on aurait pu développer, ailleurs en Belgique, le projet d’un aéroport spécialisé dans le fret. Soit au départ d’un aéroport existant, soit d’une structure nouvelle, comme ce qui avait été envisagé pour Chièvre. Si nous avons perdu DHL et les emplois qui vont avec, c’est parce que des gens se sont braqués et ont voulu maintenir une activité qui n’avait pas sa place dans un aéroport urbain à Zaventem. Je ne suis pas contre cet aéroport mais je dis qu’il doit tenir compte des possibilités humaines et environnementales.

Quelles sont selon vous les conditions permissives pour obtenir une décommunautarisation du dossier des nuisances aériennes ?

Il y a eu des comportements politiques maladroits du côté francophone. Quand Isabelle Durant a présenté son plan de concentration comme une grande victoire pour les francophones, les flamands en ont déduit qu’ils avaient perdu. A partir de ce moment là, le ver s’est installé dans le fruit. Moi, je n’ai jamais tenu des propos de ce type. Je dis, encore une fois, que la seule manière de décommunautariser est d’objectiver les données et j’observe que cette objectivation est en recul au niveau bruxellois.

Dans l’élaboration du plan Anciaux, pensez-vous que l’on a appliqué un critère de densité de population francophone ? La zone « F » existe-t-elle bel et bien selon vous ?

Bien entendu. A ce stade là, le fruit a disparu et il n’y a plus eu que le ver. Si l’on commence à compter combien il y a de flamands et de francophones survolés, tout devient impossible pour l’aéroport.

Pascal Smet a évoqué récemment être ouvert à l’idée de refédéraliser certaines compétences régionales, en citant comme meilleur exemple les normes de bruit. Alors, va-t-il falloir greffer des oreilles et des poumons fédéraux aux bruxellois ?

Pour ma part, je ne suis jamais fermé aux mouvements institutionnels, dans un sens ou dans un autre. Ce sont des évolutions qui ne sont jamais terminées. Cela est vrai en Belgique comme à l’étranger. Mais l’objectif doit être de trouver des solutions, pas de poser un acte institutionnel pour le principe. Si la refédéralisation consiste à ce que les normes de bruit bruxelloises qui sont conformes et même légèrement en deçà des normes OMS, deviennent les normes de l’Etat fédéral alors je n’ai aucun problème. Si la fédéralisation consiste à redescendre un échelon plus bas ou à ne plus avoir de normes, c’est non.

Compte tenu de l’expérience, un prochain Ministre de la Mobilité SPA-Spirit, est-ce une chose concevable pour vous ?

On a eu des ministres PS (Elio Di Rupo, Michel Darden) ou CD&V (Jean-Luc Dehaene) qui ne se sont jamais soucié des nuisances. Il y a aussi eu une ministre Ecolo (Isabelle Durant) qui avait de bonnes intentions mais qui a fait preuve de maladresse dans sa communication. Nous avons vu aussi bien des francophones que des néerlandophones se planter. Pour moi, peu importe la couleur politique ou la langue du ministre, du moment qu’il réponde à trois critères : il doit apporter toute la transparence possible, il doit faire de cet aéroport un aéroport moderne, il doit tenir compte de sa localisation urbaine et avoir le courage de mettre au placard les rêves des investissements fous qui ont pu exister. L’important est que cet aéroport urbain soit recentré sur sa mission essentielle qui est une activité de jour. A terme, il n’y a plus de places pour les vols de nuit dans les zones si densément peuplées. Et si la Belgique n’a pas le courage d’aller dans ce sens, la législation européenne finira par nous y contraindre.

Lorsque Johan Vande Lanotte défend le principe que l’étalement des nuisances par la dispersion permet d’augmenter la masse totale des activités, il y a un choix idéologique qui est fait. Peut-on travailler au départ de cette idée selon vous ?

J’ai la prétention de bien connaître ce dossier et je constate qu’il y a beaucoup de politiques qui en parle sans même savoir de quoi il retourne en réalité. J’ai été sans doute le premier à aborder ce dossier à fond. Johan Vandelanotte ne sait pas de quoi il parle, c’est tout. La dispersion tout azimuts est un non sens. Ce sont les mêmes hommes politiques flamands qui affirment qu’il faut concentrer la circulation automobile sur de grands axes et libérer le cœur des villes, en aménageant des rues piétonnières comme cela existe à Leuven et qu’on souhaite le faire à Ostende. S’il fallait suivre ceux qui prônent la dispersion, il faudrait éventrer les villes et laisser passer les bagnoles partout au nom du principe de la dispersion. Il n’y a aucune raison d’établir une autre logique pour les voitures que pour les avions. En terme de gestion environnementale, en terme de gestion urbaine et d’organisation de la société, cela n’a aucun sens. De manière globale, nous allons partout vers l’idée de canaliser les nuisances, de les concentrer. Il y a eu une époque où il était possible de construire des usines partout y compris à côté de quartiers habités. Aujourd’hui, c’est fini. Il existe des zoning industriels.

Mais si je vous suis bien, il pourrait s’agir d’une concentration à réaliser ailleurs qu’autour de Zaventem. Vous voyez-vous comme un allié objectif des victimes du bruit qui habitent dans le noordrand ?

Je suis l’allié objectif de toutes les personnes qui habitent autour de l’aéroport et qui constatent que cet aéroport est géré en dépit du bon sens en terme de développement compte tenu de sa localisation urbaine. Au niveau de la Région bruxelloise, nous n’avons jamais tenu un discours anti-flamands dans ce dossier. L’arrêté bruit n’est en rien « contre » la Flandre. Il dit qu’il est normal de tenir compte des prescriptions de l’Organisation mondiale de la santé. Comment pourrions-nous prêcher la bonne parole dans le domaine de la santé dans les pays en voie de développement et nous, ici, s’asseoir sur ces principes et faire n’importe quoi. Ce n’est pas sérieux.

Récemment, un ancien cadre de la BIAC a déclaré publiquement que la première action juridique menée par des habitants du noordrand contre l’aéroport rassemblait 41 requérants sur 48 qui étaient domiciliés depuis moins de 5 ans dans le noordrand. Que vous inspire cette déclaration ?

C’est la preuve par a+b que les investissements colossaux qui ont été réalisés dans cet aéroport n’ont pas été coordonnés avec les dispositions nécessaires sur le plan environnemental et urbanistique. S’il avait fallu mener un grand projet de développement pour l’aéroport, il fallait créer un no man’s land en définissant des zones non constructibles. C’était élémentaire mais cela n’a pas été fait et il faut maintenant en tirer les conséquences. Je comprends que lorsqu’on achète un terrain très cher non loin de l’aéroport et que les autorités publiques délivrent un permis de bâtir, on réclame ensuite contre les nuisances excessives. Les pouvoirs publics ont endossé une responsabilité morale dès le moment où ils ont autorisé, et même parfois favorisé, la construction de ces habitations. Les pouvoirs publics avaient la possibilité d’aménager autrement le territoire autour de l’aéroport. A certains endroits, il aurait peut-être mieux valu faire pousser du colza pour produire du bio-kérosène.

Il y aurait donc eu déplacement illégitime des responsabilités des pouvoirs publics sur les épaules des citoyens du noordrand, lesquels se voyant maltraités se sont laissés tenté par l’idée de reporter une partie des dites responsabilités sur d’autres citoyens, créant un effet en chaîne qui n’a pas été dans le sens de la raison et de l’éthique. La logique qui met actuellement dos à dos les riverains est donc selon vous artificielle parce que ni les uns ni les autres ne portent la vraie responsabilité ?

Bien entendu. Le manque de politique coordonnée crée un devoir de responsabilisation des pouvoirs publics. J’ai l’impression que des politiques ont décidé d’investir des milliards dans cet aéroport sans tenir compte des problèmes qu’une telle politique génère inévitablement.

Une fois qu’un nouveau plan de gestion des nuisances aura été fixé, de préférence pour la Flandre par une loi de procédure, sachant qu’il existe une certaine compétition entre Brussels Airport et les aéroports régionaux wallons, l’exécutif flamand ne finira-t-il pas forcément par exiger et obtenir la régionalisation de l’aéroport fédéral qui est aussi l’un des principaux leviers économiques flamands ? D’ailleurs pourquoi ne le ferait-il pas dès lors qu’il a cet objectif pour le rail et que 90% des emplois créés par l’aéroport sont flamands ? N’allons-nous pas être contraint, à un moment donné, de tenir compte d’un processus historique. Dans un état confédéral, projeté par le cartel CD&V-NVA, quel sens faudra t-il donner à l’expression « aéroport fédéral » ? Qu’est-ce d’ailleurs au juste qu’un « aéroport confédéral », à quelle logique politique globale cela correspond-il ?

L’état confédéral est un non état. Le confédéralisme n’est qu’une juxtaposition d’états, avec une autorité centrale encore plus amoindrie dans sa capacité d’intervention. Un aéroport confédéral sera donc sans doute un aéroport qui sera encore moins géré. Si nous allons vers le confédéralisme, ce seront les entités confédérées qui disposeront de l’essentiel des responsabilités. Il est évident que dans un cadre de confédéralisme, l’aéroport sera logiquement géré par l’entité confédérée flamande puisque c’est là que se trouve l’aéroport. Je ne suis pas demandeur de cela, mais le risque du confédéralisme est là. C’est effectivement la tendance dans laquelle on se trouve mais je ne suis pas non plus pessimiste. Il y quand même une résistance forte qui s’exerce vis-à-vis de l’aéroport, avec des actions juridiques. Depuis quelques mois, l’ensemble de la classe politique a voulu faire dormir le dossier mais il va rebondir. Je ne crois pas que les francophones aient abandonné toute dignité dans ce dossier et il y aura un refus du report des nuisances sur Bruxelles. Si nous ne revenons pas à une gestion rationnelle et objective de l’aéroport, nous allons vers une situation de conflit de plus en plus dure. A terme, je crois à une intervention ferme de l’Europe qui viendra taper sur les doigts du mauvais élève belge. Dans l’image d’un confédéralisme, il ne faut pas croire que la Flandre pourra faire tout ce qu’elle veut. Si nous allons vers deux ou trois états confédérés en Belgique, le droit européen s’appliquera intégralement. Je signale que le plan START a été projeté sans étude d’incidence préalable. Demain, si nous nous retrouvons dans un état confédéral, il y aura obligation de réaliser des études d’incidences. Aujourd’hui, dans l’état de la législation européenne, on ne construirait plus Chooz. Il faudrait prendre en considération les nuisances reportées sur les états voisins. L’obligation juridique européenne d’organiser une étude d’incidence ne s’applique pas entre Régions, mais bien entre états membres. Les entités voisines de la Flandre, dans une logique d’états confédérés, disposeront d’outils juridiques beaucoup plus forts pour s’opposer à des décisions unilatérales. Si la Flandre veut développer l’aéroport, elle sera amenée à prendre à sa charge la plus grande part des nuisances que cela va créer. La Flandre ne pourra pas faire autrement puisque l’augmentation du nombre de survols, imaginons qu’il s’agisse de les porter par exemple à 400.000, va modifier des situations qui concernent les entités voisines. Mais je ne plaide évidemment pas la cause du confédéralisme.

Peut-on dire que le gouvernement d’Yves Leterme est en position demanderesse vis-à-vis de la Région bruxelloise lorsqu’il est question de doubler les nuisances de l’aéroport fédéral ?

Si Yves Leterme veut doubler les activités de l’aéroport - mais le dit-il ? - je répondrai qu’il ne pourra pas le faire et qu’il rêve debout. D’autant plus s’il veut aller vers le confédéralisme.

Par rapport au risque à court ou moyen terme que la Flandre aboutisse la flamandisation de l’aéroport, quelle garantie aurions-nous pour que des communes comme Crainnem et Wezembeek-Oppem n’en deviennent pas les poubelles désignées ?

La régionalisation de l’aéroport fédéral me paraît être impossible dans le contexte institutionnel actuel. S’il y a une exigence de régionalisation de l’aéroport, il suffira de dire non. Le risque d’un coup de force n’existe pas. Je n’imagine pas que les policiers de la zone de Zaventem viennent un jour investir l’aéroport national et remplacent le drapeau belge par un drapeau flamand. Nous ne sommes pas dans le Chili de Pinochet. En cas de scission du pays ou de quasi scission, ce seront les lois européennes et internationales qui joueront et elles ne plaideront pas pour un développement à tout crin de cet aéroport. Dans un schéma apocalyptique de la scission du pays, l’état bruxellois mènera des actions juridiques au niveau de la Cour européenne de justice pour faire annuler les dispositions qui auront été prises en dehors d’une conformité avec la réglementation européenne.

Mais comment réagira le FDF si les populations de ces communes demandent majoritairement un rattachement à la Région bruxelloise en réaction notamment au risque de régionalisation de l‘aéroport, sachant que la NVA en a formulé l’exigence il y a quelques mois à la Chambre, pour obtenir une protection politique plus solide ?

S’il y un parti qui prône depuis toujours et sans ambiguïté l’élargissement de Bruxelles, c’est bien le FDF. On constate aujourd’hui que toutes les autres formations disent la même chose. Tant mieux si nous avançons désormais unis sur cette idée. La libre détermination des peuples est un principe de droit international et européen. Je suis d’ailleurs étonné qu’il n’y ait pas encore eu l’expression d’un engouement déclaré de la population des communes à facilité pour une adhésion la plus rapide possible. On n’a pas vu à ce jour une demande nette et massive venant des habitants de la périphérie quant à leur volonté de s’attacher à Bruxelles. Ce serait nécessaire au-delà des expressions des hommes politiques. Il faudrait organiser un référendum dans ces communes en demandant si leurs habitants veulent faire partie de la Région bruxelloise. En cas de réponse positive, mon soutien serait en tout cas plein et entier. Par rapport au dossier des nuisances aériennes, si les habitants de ces communes devaient se trouver sur le territoire flamand, il est clair que leur sort ne sera pas amélioré. Dans une logique confédérale future, c’est vrai que l’on peut craindre que soit sacrifiée une population qui ne représentera pas grand-chose, c’est à dire qui électoralement parlant ne pèsera rien au niveau d’un état flamand confédéré. Le FDF a été créé précisément pour se prémunir de tels risques. A cet égard, je ne peux que conseiller de lire le livre de Lucien Outers, « Le divorce belge », qui a été écrit il y a 40 ans et décrit tout ce qui s’est passé et va se passer.



Propos recueillis le 13/12/2006 par Gauthier van Outryve auprès de Didier Gosuin.

Le texte à été relu et approuvé par l'interviewé.