APRÈS EN AVOIR DÉLIBÉRÉ :

Vu le jugement rendu le 9 février 2001 par le Tribunal de première instance de Liège dont aucun acte de signification n’est produit ;

Vu les appels interjetés le 27 mars 2001 par la Région wallonne, la société SAB et la société TNT ;

Vu les appels incidents formés par les riverains ;

Vu les demandes nouvelles introduites à titre subsidiaire par les sociétés SAB et TNT ;

Vu la requête en intervention volontaire de Roger PARTHOENS, déposée le 29 avril 2004 ;

Vu la requête en intervention volontaire de Catherine DUVIVIER et consorts, déposée le 29 avril 2004 ;

Vu les conclusions et les dossiers des parties ;

Vu l’arrêt du 11 septembre 2001 qui a joint les trois appels et qui prévoyait un calendrier de procédure ;

Vu l’ordonnance du 17 juin 2003 de redistribution de la cause à la 10ème chambre de la Cour ;

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A. REMARQUES PREALABLES ET GENERALES

I. QUANT A LA METHODOLOGIE QUI SERA SUIVIE DANS L’ARRET

Attendu que, si la Cour prenait le temps de procéder à une analyse théorique approfondie de chaque principe ou règle invoqué dans les conclusions des différentes parties, l’arrêt n’aurait pu intervenir qu’après de très longs mois de délibéré et de rédaction ;

Que, certes, dans la suite de l’arrêt, la Cour relèvera les multiples principes et règles juridiques invoqués par les différentes parties à l’appui de leur argumentation ;

Que, néanmoins, compte tenu du temps déjà écoulé depuis la citation introductive d’instance, des risques évidents de réouverture des débats dans le cas d’espèce d’un litige qui continue à connaître fréquemment des évolutions, et, de l’intérêt de toutes les parties de voir leur litige se cristalliser enfin pour pouvoir prendre, dans le futur, les décisions qui s’imposeront ensuite, la Cour a estimé inadéquat de se lancer dans des considérations de nature doctrinale qui, tout en ayant un intérêt évident en soi, n’auraient pas un intérêt immédiat et pratique pour la solution du présent litige ;

Que, dans la même mesure, la Cour évitera de rentrer dans des controverses théoriques dont les solutions ne permettraient pas de changer l’analyse qui suivra ;

 II. QUANT AUX FAITS ET A L’OBJET DU LITIGE

Attendu que les faits de la cause et l’objet du litige tels qu’ils se présentaient durant la première instance ont été correctement relatés dans le jugement entrepris à l’exposé duquel la Cour se réfère, sous la seule réserve que n’a pas été soulignée la spécificité de certaines demandes des riverains représentés par Me CRAHAY et LUCAS, demandes qui ont trait au problème du respect des routes prédéfinies ;

Attendu que, dans la même perspective que celle précisée au point précédent, la Cour estime inutile de faire un exposé détaillé des faits qui se sont produits après le jugement entrepris, et ceci, d’autant plus que la Région wallonne, la société SAB, les riverains représentés par Me MISSON, les riverains représentés par Me CRAHAY et LUCAS, et, les riverains représentés par Me t’SERSTEVENS ET CAMBIER, notamment, ont fait un tel exposé dans leurs conclusions de synthèse respectives ;

Que la Cour renvoie à ces exposés qui doivent être retenus, à ce stade, en tant qu’ils peuvent constituer une liste objective des faits de la cause ;

Que les faits pertinents seront repris et envisagés au cours de l’analyse détaillée qui suivra ;

Attendu que, quant aux demandes, il y a lieu de constater qu’elles n’ont pas fondamentalement changé par rapport à la première instance ;

Qu’il est inutile, à ce stade, de relever des détails qui pourraient s’avérer sans intérêt dans la suite de l’analyse ;

Attendu que, quant aux différents moyens et arguments des parties, il serait aussi totalement improductif de passer son temps à les énumérer dans une introduction alors que ces moyens et arguments sont particulièrement nombreux et se présentent en cascade, à savoir avec des argumentations subsidiaires les unes par rapport aux autres ;

Qu’au surplus, pour éviter des redites ou des citations multiples, il est convenu, dans le cadre du présent arrêt, qu’à défaut de spécification, les arguments et moyens mentionnés comme étant ceux des riverains sont les arguments et moyens tels que développés dans les conclusions de Me MISSON qui a établi les conclusions les plus complètes et auxquelles les autres conseils renvoient sur de multiples points ;

Que les arguments qui sont défendus par un autre conseil ou les divergences dans les moyens seront attribués au conseil particulier qui les défend ;

 III. QUANT AUX POUVOIRS DES JUGES DES JURIDICTIONS ORDINAIRES

Attendu qu’aux pages 204 et suivantes de ses conclusions de synthèse, la Région wallonne produit une analyse particulièrement détaillée concernant les limites du pouvoir du juge et la responsabilité du législateur ;

Qu’elle a poursuivi cette analyse dans ses conclusions additionnelles portant sur le décret du 29 avril 2004 ;

Attendu que, sans vouloir contester la pertinence de cette analyse, il y a néanmoins lieu de relever deux éléments essentiels à ce stade, à savoir que :

- la Région wallonne ne conteste nullement que la responsabilité du législateur peut être retenue dans le cas de la violation d’une règle supranationale qui s’impose à lui ; or, dans le présent litige, les riverains invoquent la violation de telles règles, notamment la violation de l’article 8 de la Convention européenne des Droits de l’Homme (CEDH), moyen d’ailleurs retenu par les premiers juges ;

- avant de se retrouver directement ou indirectement reprises dans un décret de la Région wallonne, de nombreuses décisions essentielles dans le cadre de la gestion de la problématique en cause ont été prises de manière simplement informelle puis seulement reprises dans des actes de nature administrative ; or, à reconnaître qu’une décision administrative ait été fautive et aurait un lien de causalité avec le dommage invoqué, la Région wallonne n’explique pas par quel mécanisme et en quoi le fait que cette décision serait ensuite reprise dans un décret permettrait d’effacer la faute antérieure et ses conséquences ; sur ce point précis, on peut d’ailleurs relever que la Cour d’arbitrage, saisie par les riverains de la question de savoir si le comportement de la Région wallonne ne faussait pas le procès judiciaire en cours, a répondu par la négative, ce qui aurait tendance à accréditer la thèse que le fait de consacrer dans un décret une décision réglementaire fautive ne permettrait pas d’enlever tout effet à cette faute (voir le point B.16 de l’arrêt n° 50/2003 du 30 avril 2003 dans lequel ladite Cour mentionne que " Contrairement à ce que soutiennent les parties requérantes, le décret entrepris ne les empêche pas d’accéder aux tribunaux ou de poursuivre les procédures entamées et il ne modifie pas les conditions d’intentement de ces actions ", pièce III/5 du dossier principal de la Région wallonne) ;

Attendu que, dans cette mesure, la Cour ne rentrera pas précisément dans la distinction entre la responsabilité de la Région wallonne comme pouvoir législatif ou sa responsabilité comme pouvoir exécutif ou administratif ;

Attendu qu’au surplus, s’il est incontestable qu’il n’appartient pas au pouvoir du juge judiciaire de s’immiscer dans la nature politique que revêtent les décisions législatives, il lui est parfaitement permis de contrôler les actes d’exécution de ces décisions dans la mesure où ces actes ne sont pas une application mécanique et liée de la décision législative de nature politique ;

Que, par ailleurs, dans le cadre du contrôle que le juge judiciaire peut exercer à l’égard des actes de l’administration, s’il n’appartient pas à ce juge de se substituer à l’administration ou de dire que la solution adoptée par elle n’était pas la meilleure possible, il lui appartient, par contre, de rechercher si l’administration n’a pas adopté un comportement fautif ;

Que cette analyse ou " appréciation " possible du comportement fautif est loin d’être négligeable même si elle est qualifiée traditionnellement de marginale ;

 IV. QUANT AUX REGLES GENERALES DE LA PREUVE

Attendu qu’avant de rentrer dans l’analyse, il n’est pas inutile de rappeler une règle essentielle du droit de la preuve à savoir que c’est au demandeur originaire à rapporter la preuve des éléments nécessaires à établir la responsabilité qu’il souhaite voir établie ;

Qu’ainsi, c’est aux riverains de l’aéroport qu’il appartiendra d’établir toutes les composantes nécessaires pour leur permettre de postuler utilement leurs demandes ;

Que cette règle essentielle d’administration de la preuve est applicable pour tous les fondements juridiques invoqués par les riverains, à savoir, soit une responsabilité basée sur la faute ou l’ingérence, soit une responsabilité basée sur la théorie des troubles de voisinage ;

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B. PROBLEMES DE PROCEDURE

I. LES PARTIES NON PRESENTES OU REPRESENTES LORS DES AUDIENCES DE LA PROCEDURE D’APPEL

Attendu que les époux Gino RUSSO et Carine COLLET n’ont pas comparu et n’ont pas été représentés lors des audiences de plaidoiries alors qu’ils ont régulièrement été convoqués sur base des articles 747 et 748 du Code judiciaire ;

Qu’à la première audience des plaidoiries, les conseils de toutes les autres parties ont postulé ou marqué leur accord pour que la cause soit disjointe en ce qui concerne les époux précités ;

Qu’il y a lieu de faire droit à cette demande ;

 II. LES REQUETES EN INTERVENTION VOLONTAIRE FAITES PENDANT LES AUDIENCES DE LA PROCEDURE D’APPEL

Attendu que, par deux requêtes déposées le même jour et en cours des plaidoiries, des employés de la société TNT, d’une part, et, Roger PARTHOENS, d’autre part, ont demandé que leurs interventions volontaires soient déclarées recevables et qu’il leur soit donné acte du fait que seront pris en considération respectivement leurs intérêts particuliers quant à leur emploi et les intérêts " des travailleurs occupés par les différentes sociétés exploitantes sur le site aéroportuaire de Bierset " ;

Attendu qu’à l’audience du 30 avril 2004, Me MISSON a postulé que, dans la mesure où ces requêtes pourraient retarder le jugement de la cause principale, elles soient disjointes de la cause principale en application de l’article 814 du Code judiciaire ;

Attendu que la Cour constate déjà que la requête de Roger PARTHOENS pose un problème manifeste de recevabilité dans la mesure où ce dernier ne se présente pas en nom personnel mais comme " agissant en sa qualité de secrétaire régional de la Confédération du syndicat Chrétien de Liège " ;

Que les pièces déposées à l’appui de ces requêtes n’arrangent rien à ce problème de recevabilité, ces pièces étant des feuilles reprenant les coordonnées et les signatures de nombreuses personnes qui déclarent avoir donné mandat à la C.S.C. Liège-Huy-Waremme et à son conseil, Me CAVENAILE, " dans le but de défendre le volume de l’emploi … des Sociétés concernées ", à savoir, notamment, les sociétés TNT et CAL ;

Attendu que ce problème de recevabilité étant susceptible de retarder le jugement de la cause principale, il y a lieu de disjoindre l’examen des requêtes en cause, comme postulé par les conseils des riverains ;

 III. LES REPRISES D’INSTANCE, LES DESISTEMENTS D’INSTANCE ET LES AUTRES INTERVENTIONS VOLONTAIRES

Attendu qu’il y a lieu de donner acte aux parties concernées des actes suivants :

- acte de désistement d’instance de Vincent SCOUVEMONT (pièce 131 du dossier d’appel) ;

- acte de désistement d’instance des riverains Valéry ALEXANDRE et Eliane GOEF, Olivier VANMICHEL DIT VALET et Carole MISKOLCZY, Nathalie MATHIEU, Marie-Jacqueline DEPAS, Benoît MATIVAL et Marie LENOIR, Jean-Luc CHASLIN, Muriel MERCIER, Lydie et Loïc CHASLIN, Edmond CRUTZ et Christiane MICHEL, Félix RAEMACKERS et Jacqueline LENOIR, Jean-Marie BOLOGNE, Jeannine KERSTEN, Cécile, Sébastien et Bernard BOLOGNE, Joseph MISSOTEN et Françoise DELATTRE, Philippe BARON, Fabienne COUTEREELS, Perine et Maxime BARON (pièce 103 du dossier d’appel) ;

- acte de désistement d’instance, outre de plusieurs personnes déjà reprises dans la pièce 103, des riverains Jean DIRCKX et Augustine DHOINE, Gaston GHEURY et Denise DESSART, Domineco RIZZO, Rosalia SCOZZARO et David RIZZO, Jean-Paul RENETTE, Christiane NOEL et Olivier RENETTE, Catherine CLAES et Coralie MAROY (pièce 171 du dossier d’appel) ;

- acte de reprise d’instance de Jean-Luc COLLETTE en qualité d’administrateur provisoire de la succession de Henri COLLETTE, décédé le 7 mars 2000 (pièce 111 du dossier d’appel) ;

- acte de reprise d’instance de Paul THIRY en sa qualité d’héritier de Bernadette THIRY, décédée le 18 mars 2001 (pièce 173-1 du dossier d’appel) ;

- acte de reprise d’instance de Jean-Luc, Sébastien, Geoffroy, Henri, Christian et Patrick COLLETTE en leur qualité d’héritiers d’Yvette FRANCUS, décédée le 3 août 2001 (pièce 173-2 du dossier d’appel) ;

- acte de reprise d’instance de Jean-Luc, Sébastien, Geoffroy, Henri, Christian et Patrick COLLETTE en leur qualité d’héritiers de Henri COLLETTE, décédé le 7 mars 2000 (pièce 173-3 du dossier d’appel) ;

- acte de reprise d’instance de Jules THOMAS en sa qualité d’héritier de Marthe ROME, décédée le 26 mai 2003 (pièce 173-4 du dossier d’appel) ;

- acte de reprise d’instance de Gérard JAMOULLE en sa qualité d’héritier de Mariette LEMLIN, décédée le 4 juillet 2000 (pièce 173-5 du dossier d’appel) ;

- acte de reprise d’instance de Josette VROONEN en sa qualité d’héritière de Léon BECKERS, décédé le 12 août 2002 (pièce 173-6 du dossier d’appel) ;

- acte de reprise d’instance d’Anne RAUSCH en sa qualité d’héritière de Raymond MORSA, décédé le 1er novembre 2001 (pièce 173-7 du dossier d’appel) ;

- acte de reprise d’instance de Bernadette WOLFF en sa qualité d’héritière d’André RAEMAKERS, décédé le 18 mars 2001 (pièce 173-8 du dossier d’appel) ;

- acte en intervention volontaire de Sébastien et Nicolas DECELLE, nés respectivement le 28 janvier 1979 et le 31 mai 1982, et, domiciliés tous les deux chaussée Brunehault, 688, à 4042 Liers, fils de Guy DECELLE et Bernadette MAUS (pièce 134 du dossier d’appel) ;

- acte de désistement d’instance de Mr et Mme DUMONT-MATOUL ayant pour conseil Me CRAHAY et LUCAS (voir page 176 des conclusions de synthèse des deux précités, pièce 138 du dossier d’appel) ;

 IV. LA RECEVABILITE DE L’APPEL DE LA REGION WALLONNE

A. La prétendue illégalité de l’arrêté du Gouvernement wallon du 20 juillet 1999

Attendu que l’article 69 de la loi spéciale du 8 août 1980, tel que modifié par la loi du 16 juillet 1993, prévoit que, " sans préjudice des délégations qu’il accorde, chaque Gouvernement délibère collégialement, selon la procédure du consensus suivie en Conseil des Ministres, de toutes affaires de sa compétence " ;

Que le Gouvernement wallon a pris une règle de délégation, à savoir, l’article 12.10 de l’arrêté du 20 juillet 1999 portant règlement du fonctionnement du Gouvernement qui prévoit que chaque Ministre a reçu une délégation pour " les actions judiciaires exercées au nom du Gouvernement wallon tant en demandant qu’en défendant " ;

Attendu que la Région wallonne admet que cet arrêté n’a pas été soumis à la section de législation du Conseil d’Etat ;

Qu’elle précise néanmoins que cette omission ne peut avoir aucune conséquence car, en l’espèce, l’arrêté précisait qu’il était adopté dans une urgence suffisamment précisée ;

Attendu que la Cour partage et fait sien l’ensemble du raisonnement minutieux et détaillé émis correctement par la Région wallonne aux pages 192 à 195 de ses conclusions de synthèse, raisonnement qu’on peut résumer comme suit :

- l’arrêté en cause a été pris expressément " vu l’urgence " et aux motifs détaillés que " Considérant que le gouvernement estime que le Ministre Président doit bénéficier des mêmes prérogatives de direction du Gouvernement que le premier Ministre fédéral " et " Considérant qu’il convient de permettre au gouvernement de fonctionner de la façon la plus efficace possible ; que cette nécessité implique l’entrée en vigueur des présentes dispositions dans les plus brefs délais " (voir la copie de cet arrêté dans les dossiers complémentaires de documentation déposés par la Région wallonne) ;

- le contrôle exercé par les juridictions sur la motivation de l’urgence doit se borner à vérifier si la motivation se fonde sur une réalité et si la formule employée n’est pas une simple formule de style ;

- la motivation adoptée n’est pas stéréotypée mais est adaptée à la nature et à l’objet de l’arrêté qui était de procéder aux répartitions et aux délégations de compétence entre les membres du Gouvernement wallon ;

- dans une hypothèse similaire d’un arrêté de délégation pris sans consultation de sa section de législation, le Conseil d’Etat a retenu, à propos d’une motivation semblable à celle susmentionnée, que " la pertinence de ce motif est manifeste autant que suffisante " (voir page 25 de l’arrêt du 4 mars 1996 figurant en copie dans les dossiers complémentaires de documentation de la Région wallonne) ;

- la date de l’entrée en vigueur de l’arrêté constitue un autre élément utile pour apprécier l’urgence ; or, si ledit arrêté n’a été publié qu’au Moniteur belge du 12 août 1999, il est entré en vigueur avec effet rétroactif à sa date du 20 juillet 1999 ;

Attendu qu’en conséquence, il n’y a pas lieu de retenir l’illégalité susvisée ;

 B. L’absence de consensus au sein du Gouvernement wallon

Attendu qu’à ce stade, les différentes argumentations des riverains partent dans des sens différents ;

Que certains invoquent que le problème posé en l’espèce dépassait la compétence du Ministre KUBLA, responsable de la gestion des affaires aéroportuaires ;

Que d’autres prétendent, notamment, que le fait que la question de l’appel ait été signalée au Conseil des Ministres entraînait que cette question avait été évoquée par le Conseil et nécessitait alors une décision de consensus ;

Attendu qu’a priori, il y a lieu de retenir que, même si les nuisances générées par l’aéroport de Bierset peuvent toucher à la santé publique ou à l’environnement, il n’en reste pas moins que ces nuisances sont la résultante directe de l’exploitation de l’aéroport en cause ;

Que, dans cette mesure, le Ministre KUBLA étant compétent pour les affaires aéroportuaires, en ce compris l’équipement et l’exploitation des aéroports, il était compétent pour interjeter appel dans la présente affaire, les problèmes posés étant directement liés à la gestion de l’aéroport de Bierset ;

Qu’ainsi, la Cour ne peut partager le raisonnement fait aux pages 645 à 649 des conclusions de synthèse de Me MISSON qui aboutit à une logique non admissible et contraire à la délégation prévue car elle imposerait, pour toute décision de la Région wallonne sur une activité économique, à tout le moins, l’intervention du Ministre de l’économie, du Ministre de l’environnement, d’un Ministre de la santé publique et du Ministre du budget ;

Qu’en conséquence, la décision du Ministre KUBLA a été légalement prise en vertu de la délégation qui lui a été octroyée par l’arrêté de fonctionnement ;

Que Me MISSON mentionne, d’ailleurs, en page 653 de ses conclusions de synthèse, que c’est cette interprétation qui a été donnée par le Ministre Président VAN CAUWENBERGHE qui a encore précisé que " La question n’a pas été formellement évoquée dans le sens de l’évocation au sein du Gouvernement, mais a fait l’objet d’un point d’information, voilà la réalité " ;

Attendu qu’au surplus, et surabondamment, le fait de savoir s’il y a eu une véritable évocation devant le Conseil des Ministres n’a guère d’intérêt à la lecture de la décision qui a été prise à l’issue de la séance, à savoir, selon le procès-verbal qui doit faire foi, que " Le Gouvernement prend acte de la communication orale du ministre qui a la gestion aéroportuaire dans ses attributions " ;

Qu’il est évident que, par cette décision, le Gouvernement n’a marqué aucune opposition à la volonté signalée par ce Ministre de faire appel du jugement en cause ;

Que cette absence d’opposition correspond à la notion traditionnelle et à la procédure de consensus telle que mentionnée, notamment, dans l’article 69 de la loi du 8 août 1980 susvisée ;

Que, par ailleurs, en présence d’un procès-verbal qui fait foi de ce qui s’est produit en séance, il y a lieu d’écarter des déclarations politiques ultérieures de certains Ministres qui essayaient ainsi de sauver une crédibilité mise à mal par une décision qui ne leur convenait guère mais à laquelle ils ne s’étaient pas opposés dans le cénacle prévu ;

Qu’en conséquence, la Cour ne peut suivre ni le raisonnement principal développé par Me t’SERSTEVENS et CAMBIER ni leurs raisonnements subsidiaires émis, notamment, en cascade, aux pages 49 et 50 de leurs conclusions de synthèse ;

 V. LA RECEVABILITE DE L’ACTION ORIGINAIRE DES RIVERAINS AU SENS DE L’ARTICLE 17 DU CODE JUDICIAIRE

Attendu que la société SAB soulève une fin de non recevoir concernant l’intérêt à agir de certains riverains ( voir page 54 et suivantes de ses conclusions de synthèse) ;

Qu’elle dénie la qualité à agir, notamment, à des riverains qui auraient revendu leur immeuble en cours de procédure ou à des riverains qui auraient acquis leur immeuble " postérieurement à 1996 et a fortiori, en 1998 " ;

Attendu que, quant à la qualité des riverains à agir, la Cour constate qu’il n’est plus contesté que chaque famille de riverains, partie à la présente cause, a ou a eu un lien évident, soit en qualité de propriétaire, soit en qualité de locataire, avec un immeuble à partir duquel le bruit provenant des activités aéroportuaires pouvait être considéré comme une gène ;

Qu’au stade de la recevabilité générale des actions, il n’y a pas lieu de retenir les distinctions faites par la société SAB, chacune des familles de riverains ayant, à tout le moins, un intérêt à voir la situation juridique éclaircie, notamment, en ce qui concerne les nuisances passées dues au bruit susvisé et subies par chacune d’elles ;

Que les distinctions faites, à ce stade, par la société SAB, ne pourront voir leur pertinence examinée que dans le contexte plus précis, s’il échet, de l’examen des différentes demandes des riverains et des dommages postulés ;

Attendu que, par ailleurs, il y a lieu de relever que la société SAB, en termes de dispositif de ses conclusions de synthèse, ne tire pas les conséquences juridiques précises de l’irrecevabilité analysée ;

VI. LA RECEVABILITE DES DIFFERENTES DEMANDES AU REGARD DE L’ARTICLE 807 DU CODE JUDICIAIRE

Attendu que la Région wallonne estime que l’extension des demandes originaires des riverains est irrecevable au regard de l’article 807 du Code judiciaire (voir page 200 et suivantes et page 828 de ses conclusions de synthèse) ;

Attendu que l’article 807 précité permet de modifier ou d’étendre la demande, si les conclusions nouvelles contradictoirement prises, " sont fondées sur un fait ou un acte invoqué dans la citation, même si leur qualification juridique est différente " ;

Que cet article n’exige pas que la demande nouvelle se fonde exclusivement sur un fait ou un acte invoqué dans la citation ;

Attendu qu’en l’espèce, la citation introductive d’instance fait expressément référence aux conventions signées avec les deux compagnies aériennes de fret, parties à la cause ;

Que, même si des demandes précises n’avaient pas été formulées à cette époque sur ces points, la citation parle explicitement du fait que les conventions en cause sont la source des nuisances dont les riverains se plaignent, et, des conditions dans lesquelles ces conventions ont été signées ;

Qu’ainsi, la citation précise que " La région wallonne aurait dû ordonner des études d’incidence " ;

Que, de même, la citation parle du problème des permis requis dans le cadre de l’activité en cause ;

Attendu qu’au surplus, les demandes des riverains de " dire pour droit " que la convention du 26 février 1996 serait nulle pour différents moyens n’ont guère d’intérêt en soi mais ont pour utilité de voir établir une illégalité constitutive d’une faute au sens de l’article 1382 du Code civil ;

Que la violation de cet article 1382 est expressément mentionnée dans la citation ;

Attendu qu’il résulte de ces éléments que les extensions des demandes originaires des riverains sont recevables ;

 VII. LE MAINTIEN A LA CAUSE DE LA SOCIETE BELGOCONTROL ET DE L’ETAT BELGE

Attendu que la société Belgocontrol et l’Etat belge ont été maintenus à la cause par les trois requêtes d’appel susvisées mais uniquement pour que l’arrêt à intervenir leur soit déclaré commun et opposable ;

Attendu que les riverains n’ont pas introduit d’appel incident contre ces deux parties ;

Qu’en conséquence, ces deux parties sont encore exclusivement à la cause pour que l’arrêt à intervenir leur soit déclaré commun et opposable, et, il n’appartient pas à la Cour de statuer sur leur demande de " confirmer le jugement entrepris ", la Cour n’étant pas saisie des demandes originaires introduites contre ces parties ;

Attendu qu’au surplus, compte tenu des demandes reproduites par les riverains dans le cadre de leur appel incident, il y a un intérêt évident à ce que ces parties restent à la cause, les mesures postulées étant de nature à influencer directement certaines de leurs activités si elles étaient prononcées ;

Que, dans cette mesure, leurs dépens d’appel leur seront délaissés ;

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C. DISCUSSION AU FOND

a) LA RESPONSABILITE SUR LA BASE DE LA FAUTE OU DE L’INGERENCE

I. QUANT A LA BASE JURIDIQUE DES DEMANDES ORIGINAIRES

A. Quant à l’article 1382 du Code civil

Attendu que la base juridique centrale de l’action est l’article 1382 du Code civil ;

Que tous les autres moyens invoqués le sont dans le cadre de cet article ou en combinaison avec cet article, comme c’est le cas, notamment de l’article 8 de la CEDH ;

Attendu que, pour qu’il puisse être retenu utilement, cet article nécessite traditionnellement la présence de trois éléments, à savoir : 1) la faute, 2) le dommage, et, 3) le lien de causalité entre la faute et le dommage ;

Attendu que, quant à la faute, premier élément d’application de l’article 1382 précité, deux composantes peuvent être envisagées : soit une faute constituée par une illégalité, soit une faute appréciée en fonction d’une norme de comportement à savoir un comportement qui n’est pas un comportement normalement diligent et prudent ;

Attendu que c’est dans la première composante de la faute que s’inscrivent toutes les illégalités invoquées par les riverains ;

 B. Quant à l’article 8 de la CEDH

Attendu que cet article 8 énonce, dans son premier alinéa, que " Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance " ;

Que, dans le présent litige, c’est l’aspect respect de la vie privée et familiale qui est invoqué ;

Attendu que l’alinéa 2 de cet article précise qu’il ne peut y avoir d’ingérence d’une autorité publique dans l’exercice de ce droit que : si cette ingérence " est prévue par la loi " et si " elle constitue une mesure, qui dans une société démocratique est nécessaire à la sûreté nationale …, au bien-être économique du pays, … à la protection de la santé … ou à la protection des droits et libertés d’autrui " ;

Qu’on traduit traditionnellement cet alinéa en soulignant qu’une ingérence est possible si elle est légale et proportionnée par rapport à d’autres buts légitimes poursuivis ;

Attendu qu’il y a lieu de constater ici que le problème de la légalité de la mesure apparaît aussi à ce stade ;

 C. Conséquences provisoires pour l’analyse à venir

Attendu qu’ainsi, la présence d’une illégalité des mesures présente un intérêt tant dans le cadre de l’article 1382 C.c. que dans le cadre de l’article 8 CEDH, dans la mesure où, dans le cas de ce dernier article, la constatation d’une illégalité de la mesure d’ingérence peut déjà rendre cette ingérence inadmissible ;

Attendu qu’on peut déjà relever que le raisonnement qui peut être fait sur l’article 1 du 1er protocole additionnel est totalement parallèle ;

Qu’en effet, le premier alinéa de cet article énonce que " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d’utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international " ;

Que l’alinéa 2 précise que ces dispositions " ne portent pas atteinte … au droit …de mettre en vigueur les lois… nécessaires pour réglementer l’usage des biens conformément à l’intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou autres contributions ou des amendes " ;

Attendu qu’il peut être conclu à ce stade qu’il est indispensable d’analyser d’abord toutes les causes d’illégalités invoquées par les riverains avant de revenir à l’application des articles 1382 du Code civil et 8 de la CEDH ;

Attendu qu’au surplus, il y a déjà lieu de mentionner que certains actes sont invoqués à la fois comme constitutif d’une illégalité et comme constitutif d’une faute de comportement ;

Que ces actes seront d’abord analysés au point II suivant en tant qu’ils pourraient constituer une illégalité ;

Que, s’il échet, l’analyse sera poursuivie dans le cadre de l’analyse d’une faute de comportement (point IV ci-dessous) ;

 II. LES MOYENS BASES SUR DES ILLEGALITES

A. Dispositions du droit de la Communauté Européenne (CEE)

1. Les articles 81 (entente) et 82 (abus de position dominante) CE

Attendu qu’à l’audience du 21 mai 2004, Me MISSON a déclaré, pour lui-même et pour tous les conseils des riverains, qu’il renonçait aux moyens développés sur la base des articles 81 et 82 du Traité de Rome, à savoir les moyens tenant aux problèmes de monopole et d’entente sous la précision que cette renonciation était exclusivement faite dans le cadre de la présente instance ;

Attendu qu’il y a lieu de donner acte à ces conseils de cette renonciation ;

Que, dans cette mesure, la présente Cour s’abstiendra d’examiner, notamment, les pages 423 à 427 des conclusions de synthèse de Me MISSON ;

 2. Les aides étatiques (articles 87 et 88 CE)

Attendu qu’à l’audience du 21 mai 2004, Me MISSON a déclaré, concernant ce moyen sur les aides d’Etat, soit les articles 87 et 88 du Traité de Rome, qu’il venait de recevoir une lettre de la Commission Européenne précisant que la plainte qui avait été déposée a été rejetée il y a deux ans et que l’on avait oublié de l’en avertir en temps utile ; qu’il a signalé qu’il allait introduire un recours quant à cette décision devant le Tribunal européen ;

Qu’à l’audience du 24 mai 2004, Me MISSON a ensuite précisé qu’il renonçait, en son nom ainsi que pour les autres conseils des riverains, exclusivement dans le cadre de la présente instance devant la Cour d’appel de Liège, à invoquer les articles 87 et 88 du Traité de Rome par rapport aux aides publiques qui auraient été accordées par la Région wallonne aux sociétés présentes à la cause ;

Attendu qu’il y a lieu de donner acte à ces conseils de cette renonciation ;

Que, dans cette mesure, la présente Cour s’abstiendra d’examiner, notamment, les pages 376 à 423 des conclusions de synthèse de Me MISSON ;

 3. Les articles 10, 152 et 174 CE

Attendu que ces articles reprennent des principes particulièrement généraux ;

Que l’article 10 dit simplement que les Etats prennent toutes mesures destinées à assurer l’exécution des obligations découlant du présent traité ;

Que l’article 152 énonce un principe de protection de la santé publique ;

Que l’article 174 énonce les objectifs à poursuivre par la Communauté dans le domaine de l’environnement ;

Que, vu leur énonciation dans ces trois articles, ces principes généraux ne sont pas susceptibles d’avoir des effets directs en eux-mêmes ;

Attendu que, certes, ces principes peuvent servir de base à l’élaboration d’une directive mais c’est alors le respect de la directive elle-même qui devrait être analysée ;

Que, dans ce cadre, ces articles pourraient être compris comme une norme d’interprétation de la directive, mais qu’ils ne peuvent être invoqués en eux-mêmes comme une source d’illégalité ;

Que, c’est dans cette mesure, et dans cette mesure uniquement, que l’article 174 pourrait être considéré comme ayant un certain effet direct ;

Que, c’est dans le seul même ordre d’idée que ces articles, ainsi que d’autres dispositions internationales invoquées par les riverains, telle la déclaration internationale de Rio de 1992, dispositions qui n’ont pas non plus d’effet direct en elles-mêmes, peuvent être mentionnées non comme des normes susceptibles d’être retenues comme illégalités en cas de violation mais comme des normes permettant d’apprécier le comportement de l’administration dans le cadre de l’article 1382 du Code civil ;

Attendu que, quant au principe du " pollueur-payeur " que certains voudraient tirer directement de ces articles, même Xavier THEUNIS et Nicolas de SADELEER, qui sont assez en pointe sur l’application de ce principe mentionnent dans leurs réflexions finales que " A la différence des règles normatives au contenu précis, il (le principe " pollueur-payeur ") constitue un idéal régulateur, un objectif de politique juridique qui sous-tend la protection de l’environnement et donc aussi les instruments de sa réalisation législative. Plutôt esprit commun à un corps de règles que règle lui-même, le principe du pollueur payeur pourrait être au droit de l’environnement en voie d’émergence ce que la bonne foi est au droit des obligations, une valeur et un fondement " (voir leur article " Le principe du pollueur-payeur ; idéal régulateur ou règle de droit positif ? " in KLUWER, Editions Juridiques de Belgique, Aménagement – Environnement, 1995, n° spécial, page 15, article figurant en copie dans les dossiers complémentaires de documentation de la Région wallonne) ;

Attendu qu’un raisonnement similaire peut être tenu en ce qui concerne les principes de précaution, de prévention ou de développement durable qui peuvent être déduits des normes internationales susvisées ou encore du décret wallon du 21 avril 1994 relatif à la planification en matière d’environnement dans le cadre du développement durable ;

Attendu que, de même, il ne peut être retenu, en l’espèce, une violation directe de l’article 10 du traité CE qui ne prévoit qu’un principe très général de bonne administration sans la moindre précision ;

Attendu qu’au surplus, il résulte de l’analyse qui précède que la Cour estime inutile de poser à la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) une question préjudicielle sur l’interprétation des articles généraux du Traité de Rome (voir, notamment, la question 5 figurant en page 680 des conclusions de synthèse des riverains) ;

Que cette question est d’autant plus inutile que la Cour Européenne des droits de l’Homme s’est penchée sur les principes utiles en matière d’environnement ;

Que les arrêts rendus par cette Cour dans ce cadre seront examinés lors de l’analyse détaillée des arguments tirés de l’article 8 de la CEDH (voir point V ci-dessous) ;

 4. La directive CEE 85/337 sur l’évaluation des incidences et le décret wallon de transposition

Attendu qu’il y a lieu de relever, a priori, que, dans le cadre susvisé, les différents riverains ont défendu une argumentation qui a particulièrement évolué dans le temps et qui est restée diversifiée dans leurs actuelles conclusions de synthèse ;

Qu’ainsi, notamment, il est intéressant de souligner que la citation introductive d’instance ne mentionnait expressément comme moyen qu’une absence de permis d’exploiter, argument qui n’est plus défendu, la législation existante à l’époque ne prévoyant pas l’obligation d’un tel permis ;

Que certains riverains ont longuement invoqué, dans le cadre de la première procédure en référé intentée pour demander l’interdiction des vols de nuit, que la piste de l’aéroport avait été allongée ;

Que cet argument n’est plus non plus développé à ce stade, la Cour d’appel de Bruxelles ayant, dans son arrêt du 15 janvier 1998, rejeté cet argument après une longue analyse de la situation de fait invoquée (voir pièce 1.2.1. du dossier de la société SAB) ;

Attendu qu’avant d’examiner les arguments des riverains, il apparaît utile de préciser le cadre juridique invoqué (voir les copies des réglementations mentionnées dans le dossier complémentaire de documentation de la Région wallonne) ;

Que la directive en cause contient une annexe I qui contient une liste de projets pour lesquels l’évaluation des incidences est obligatoire ;

Que cette liste mentionne la " construction d’un aéroport " dont la piste de décollage et d’atterrissage à une longueur de 2.100 mètres ou plus " ;

Que l’annexe II de la directive mentionne des projets qui sont soumis à étude d’incidence lorsque les Etats membres " considèrent que leurs caractéristiques l’exigent " que, dans cette liste, figure la " modification des projets figurant à l’annexe I ", à savoir ainsi, la modification de la construction d’un aéroport ;

Que le décret du 11 septembre 1985 a transposé fidèlement la directive en cause, notamment, en reprenant textuellement la liste figurant dans l’annexe I de la directive ;

Que l’arrêté d’exécution du 31 octobre 1991 vise toujours la " construction … d’aéroports " même s’il étend l’application en précisant " dont la piste a une longueur de 1200 m ou plus, en ce compris l’allongement des pistes existantes au-delà de ce dernier seuil " (voir la copie du décret et de cet arrêté dans le dossier de documentation de la Région wallonne) ;

Attendu que, quant aux données de fait propres à l’espèce, il y a lieu de relever que la piste de l’aéroport de Bierset présente une longueur largement supérieure à 2.100 mètres, qu’elle existait bien avant l’entrée en vigueur de la directive et du décret de transposition, et, qu’elle n’a pas été allongée pour permettre l’arrivée des vols de nuits en 1996 et 1998 ;

Attendu que, compte tenu de ces éléments de faits, les riverains glosent longuement mais inutilement sur la notion d’aéroport ;

Qu’en effet, il est évident que, tant la directive que le décret, envisagent et définissent la notion d’aéroport par rapport à la longueur de sa piste et non par rapport aux installations annexes à la piste, tels des hangars ou même une tour de contrôle ;

Qu’au surplus, l’annexe I de la directive vise la " construction " d’un aéroport et l’annexe II, qui, pour rappel, ne vise seulement que des hypothèses pour lesquelles les Etats peuvent prévoir une étude d’incidence, parle de la modification d’un projet visé à l’annexe I, soit la modification de la construction ;

Qu’en l’espèce, il n’y a eu ni construction ni modification de la construction d’un aéroport au sens des dispositions invoquées dans la mesure où la piste de l’aéroport n’a pas été modifiée dans sa longueur ;

Qu’il résulte de cette analyse qu’il y a lieu de rejeter les arguments de Me LEBRUN, notamment, quant à une définition de l’aéroport tirée d’autres dispositions légales ou réglementaires (pages 83 et 84 de ses conclusions de synthèse) ou quant à une application de l’article 9 de l’arrêté du 31 octobre 1991 qui évoque un nouveau projet prévoyant " l’augmentation de capacité d’une installation existante de plus d’un cinquième de la capacité initiale et entraînant le dépassement de la capacité indiquée comme seuil dans l’annexe II " (voir page 80 et suivantes desdites conclusions de synthèse) ;

Attendu que c’est, d’ailleurs, les mêmes circonstances de fait qui entraînent l’immense difficulté, en réalité l’impossibilité, des riverains à trouver en quoi pourrait consister le projet ou l’autorisation visé par la directive en cause ;

Qu’en effet, en l’espèce, l’aéroport existait bien avant l’entrée en vigueur de la directive ;

Qu’il n’y a donc pas eu un projet ou une autorisation clairement identifiable et préalable, dans le sens de la directive ou du décret en cause, pour permettre les vols de nuit ou l’arrivée des intégrateurs de fret ;

Que le problème posé n’est pas un problème de construction ou de travaux mais un problème d’autorisation d’exploiter une infrastructure aéroportuaire existante ;

Que les riverains l’avaient bien compris dans le cadre de leur citation introductive d’instance mais qu’ils ont ensuite essayé de réorienter leurs arguments en constatant qu’un tel permis n’était pas légalement requis à l’époque ;

Attendu que, dans cette mesure, c’est de manière arbitraire que les riverains tentent d’analyser certains des actes ou décisions intervenus comme pouvant constituer un projet ou une autorisation au sens de la directive (voir, notamment, page 72 des conclusions de synthèse de Me LEBRUN) ;

Que, compte tenu du raisonnement fait ci-dessus, il est inutile de rentrer dans cette logique et, notamment, de s’interroger sur la qualité d’autorisation que pourrait ou non revêtir un plan de secteur ;

Attendu qu’ainsi, la Cour estime inutile de poser à la CJCE les questions préjudicielles mentionnées par les riverains ( voir, notamment, pages 350, 356 et 680 des conclusions de synthèse de Me MISSON) ;

Qu’on peut ajouter, quant à la jurisprudence de cette Cour, qu’un des conseils de la Région wallonne a correctement souligné à l’audience que l’arrêt concernant l’aéroport de Bolzano, à savoir l’arrêt W.W.F. contre " Autonome Provinz Bozen " (affaire C-435/97, arrêt du 11 septembre 1999, analysé, notamment, en page 345 des conclusions de synthèse de Me MISSON), n’était pas transposable à la présente affaire car dans l’hypothèse de l’aéroport de Bolzano, la piste de cet aéroport avait été allongée, élément de fait qui modifie évidemment tout le raisonnement à suivre et qui entraîne que ce cas ne peut être utilement invoqué ;

Que ce fait matériel essentiel est effectivement expressément relevé par la CJCE au point 4 de cet arrêt qui mentionne les travaux et aménagements essentiellement prévus dont " le prolongement de la piste de 1040 à 1.400 mètres " (voir la copie de l’arrêt qui figure dans les dossiers complémentaires de documentation de la Région wallonne) ;

Attendu que la même analyse que celle qui vient d’être faite peut être transposée dans le cadre des arguments invoqués au niveau du décret et de l’arrêté de transposition de cette directive ;

Qu’ainsi, il n’y a pas non plus d’illégalité formelle quant à l’absence d’étude d’incidence ;

Attendu que, dans le cadre de ce dernier décret et de son arrêté d’application, certains riverains invoquent encore que les notices d’incidences, rédigées dans le cadre des permis de bâtir octroyés pour des constructions à Bierset ou des permis d’exploitation de certaines infrastructures, auraient été insuffisamment motivées et seraient ainsi irrégulières ce qui devrait entraîner la nullité des permis de bâtir ou d’exploiter desdites constructions (voir notamment page 55 et suivantes des conclusions de synthèse de Me LEBRUN) ;

Attendu que, selon le décret et son arrêté d’application, la législation wallonne fait la différence entre les études d’incidences et les notices d’incidences qui ont pour but de permettre à l’administration d’apprécier si le projet devrait être soumis à une étude d’incidence ;

Attendu que les exigences que certains des riverains auraient voulu voir mentionner dans lesdites notices sont exorbitantes par rapport à la situation de fait et par rapport aux critères que le Conseil d’Etat estime nécessaires et suffisants ;

Qu’en effet, quant au contenu des notices, la jurisprudence du Conseil d’Etat est que l’éventuelle insuffisance du contenu de la notice doit s’apprécier en fonction de la connaissance qu’a l’administration de la situation précise en cause, or, il est évident, que l’administration était déjà éclairée, lors de la délivrance de ces permis, sur les incidences qu’avait l’aéroport de Bierset sur l’environnement (voir dans ce sens l’arrêt n° 75.999 du 29 septembre 1998, figurant en copie dans les dossiers complémentaires de documentation de la Région wallonne, arrêt dans lequel il est question d’un permis de bâtir pour la construction d’une station de lavage de véhicules dont la notice d’incidences mentionnait, notamment, " sans objet " à la rubrique " importance et itinéraire du charroi supplémentaire ", le Conseil d’Etat estimant que " pour compléter les deux rubriques relatives au charroi, le demandeur de permis a vraisemblablement compris ce terme comme désignant l’ensemble des véhicules nécessaires à l’exploitation, mais non ceux de la clientèle ; qu’en tout état de cause, la demande de permis portant sur un car-wash, c’est-à-dire un établissement destiné aux automobiles, il n’a pu échapper à l’autorité qu’un certain trafic consistant en la clientèle de l’établissement était prévisible ") ;

Que, par ailleurs, le seul fait que Me LEBRUN n’ait pas pu consulter toutes les notices d’incidences de tous les permis délivrés depuis 1992, ne peut permettre de conclure que l’absence de consultation possible d’une seule notice devrait entraîner la nullité du permis correspondant avec toutes les conséquences que les riverains attachent à cette nullité dans la mesure où il n’est nullement précisé les diligences faites pour obtenir cette consultation et les raisons invoquées de l’absence de cette consultation possible (voir page 69 de ses conclusions susvisées) ;

Attendu qu’on peut encore ajouter qu’il n’est pas admissible de globaliser tous les permis pour essayer d’en dégager un projet plus général qui ne correspond de toute manière pas à la notion de " construction " d’un aéroport telle qu’envisagée par les dispositions invoquées ;

Que les permis en cause sont une série de permis qui ne demandent pas, en eux-mêmes, une étude d’incidence et dont les notices présentes étaient, en soi, suffisamment motivées ;

Qu’en conséquence, les permis en cause n’étaient pas nuls ou illégaux ;

Attendu que, quant à l’argument tiré de la disposition du décret qui prévoit que " Lorsqu’elle estime que les incidences risquent d’être importantes, … l’autorité compétente prescrit l’établissement d’une étude d’incidence sur l’environnement " (article 10, § 4), cette disposition mentionne un pouvoir d’appréciation de l’administration qui ne peut être sanctionné dans le cadre d’une illégalité mais qui pourra être examiné comme constitutif d’une faute dans le cadre de l’analyse à faire ci-dessous ;

Attendu qu’en ce qui concerne les arguments spécifiques de Me CRAHAY et LUCAS sur la violation des dispositions susvisées, il y a d’abord lieu de constater que le reproche fait à la Région wallonne de n’avoir pas longuement répondu à leurs arguments n’est pas justifié dans la mesure où l’approche première des deux précités, même si elle est, a priori, très dissemblable des autres conseils des riverains, en ce sens que le facteur déclenchant de la nécessité d’une étude d’incidence ne serait pas, pour eux, la convention de 1996 mais les différents permis concernant les infrastructures de l’aéroport, octroyés par la Région wallonne, procède, en réalité, de la même interprétation non admissible des dispositions en cause quant à la notion de " construction " d’un aéroport, les précités envisageant en réalité dans ce cadre, sous couvert des effets directs et indirects des infrastructures, l’activité aérienne elle-même, soit la question de l’exploitation de l’aéroport et pas de sa construction (voir pages 116 et suivantes de leurs conclusions de synthèse) ;

Qu’en conséquence, les conclusions de synthèse des deux précités n’appellent pas d’autres développements que ceux faits ci-dessus tant quant aux arguments défendus que quant aux demandes de questions préjudicielles à poser à la CJCE ;

Qu’au surplus, la Cour doit constater que la lecture des conclusions dites de synthèse des deux précités est particulièrement malaisée dans la mesure où ces conclusions reprennent, de manière assez éparse, des morceaux d’argumentation émis dans d’autres conclusions alors que la dernière ordonnance de fixation de la cause avait expressément souligné la nécessité de rédiger des conclusions de synthèse ;

Attendu qu’au surplus, quant à ces illégalités et quant à l’utilité de poser des questions préjudicielles à la CJCE, il y a encore lieu de s’en référer à l’analyse qui suivra au point III suivant qui replace les illégalités dans le contexte des articles invoqués comme base centrale du litige ;

 B. Le droit national

1. La Constitution belge

Attendu que l’article 22 de notre Constitution mentionne le droit au respect de sa vie privée et familiale ;

Que l’article 23 énonce le droit à la protection d’un environnement sain, droit inscrit dans une série d’autres dont le droit au travail, le droit à la protection de la santé, et, le droit à un logement décent ;

Que l’article 16 traite de la protection de la propriété ;

Attendu que ces articles ne font que mentionner des principes généraux ;

Qu’en écrivant ces principes, le Constituant a eu égard aux principes définis par la Cour européenne des droits de l’homme (voir le point B.4.5. de l’arrêt n° 51/2003 du 30 avril 2003 de la Cour d’arbitrage qui cite les Documents parlementaires de la Chambre sur ce point) ;

Que dans cette mesure, ces principes ne peuvent recevoir une application que dans le même sens que l’analyse qui peut être faite pour les articles similaires de la CEDH et du Premier Protocole additionnel ;

Qu’il y a lieu de renvoyer à l’analyse qui suivra sur ces articles de la CEDH quant à l’étendue et à la manière dont ces droits sont protégés;

Attendu qu’au surplus, ces articles, particulièrement, les articles 22 et 23 ne peuvent être interprétés comme une règle qui contiendrait un principe général absolu et directement applicable de " standstill " ;

Qu’en effet, à admettre cette théorie, il faudrait alors interdire aux pouvoirs publics toute activité susceptible de créer une nuisance à l’environnement ;

Que le bruit pouvant être considéré comme une telle nuisance, un tel principe général de " standstill " conduirait à l’immobilisme des pouvoirs publics, ce que n’a certainement pas voulu le Constituant (voir aussi les considérations qui seront faites ci-dessous au niveau de l’analyse du nouveau décret du 29 avril 2004) ;

Que, de même, ces articles de la Constitution ne permettent pas de retenir un principe général absolu de précaution qui, à lui seul, permettrait de retenir une illégalité dans l’absolu ;

Que, par contre, ces deux principes, interprétés raisonnablement, pourront servir de base d’appréciation dans le cadre de la présence d’une faute ;

Attendu qu’au surplus, il y a lieu de souligner que la Cour ne peut partager les développements repris aux pages 52 à 60 des conclusions de synthèse de Me t’SERSTEVENS et CAMBIER dans la mesure où ces développements partent du principe erroné que la Cour d’arbitrage aurait retenu une violation directe du seul article 22 de la Constitution dans le cadre de son arrêt 51/2003 ;

Qu’en effet, la violation directe de cet article, de même que celle de l’article 8 de la CEDH, n’a pas été retenue par la Cour d’arbitrage ;

Que, dans cet arrêt, la Cour n’a retenu qu’un seul moyen " pris de la violation des articles 10 et 11, combinés avec l’article 22 de la Constitution " (voir le point B.9. de l’arrêt du 30 avril 2003, pièce III/6 du dossier principal de la Région wallonne) ;

Que cette violation d’un principe de non-discrimination sera examinée ci-dessous au point 6. consacré à la jurisprudence belge ;

 2. La loi sur l’emploi des langues

Attendu que les riverains invoquent que la convention du 26 février 1996 signée par la Région wallonne, la société SAB et la société TNT serait nulle au motif qu’elle a été rédigée en anglais, soit en violation de la loi sur l’emploi des langues ;

Attendu que ce moyen ne peut être retenu dans la mesure où, d’une part, la convention en cause n’est pas un acte administratif mais un contrat, et, d’autre part, cette convention avait une traduction officielle en français ;

Que, quant au fait que la convention n’est pas un acte administratif mais un contrat, on peut ajouter que la nullité de l’acte administratif détachable, qui a permis à la Région wallonne de signer cette convention, n’a pas été postulée devant le Conseil d’Etat et qu’aucun élément ne permet de penser que cet acte détachable serait contraire à la loi invoquée sur l’emploi des langues ;

Qu’au surplus, dans le seul cadre de la signature de cette convention, la société TNT n’est pas un administré, puisqu’elle n’est pas, par cette convention, destinataire d’une norme légale ou réglementaire, mais qu’elle est un partenaire commercial ;

Qu’est irrelevante sur ce point, la circonstance que, par ailleurs, la société TNT puisse avoir la qualité d’administré, notamment, pour des demandes de permis de bâtir de ses hangars ou pour l’application de certains arrêtés ultérieurs touchant directement ou indirectement son activité ;

Attendu qu’au surplus, quant à cette illégalité, il y a lieu de s’en référer à l’analyse qui suivra au point III suivant qui replace les illégalités dans le contexte des articles invoqués comme base centrale du litige ;

3. La contractualisation des pouvoirs administratifs et de police et l’excès de pouvoir ou l’absence de base légale

Attendu que l’analyse des parties à ce stade concerne la légalité de la convention signée le 26 février 1996 entre la Région wallonne, la société SAB et la société TNT ;

Attendu que se pose d’abord la question de savoir si la Région wallonne avait le pouvoir de conclure une convention telle la convention en cause ;

Attendu que ce point revient d’abord à se prononcer sur la présence d’une base légale pour réglementer une ingérence sonore ;

Que l’idée développée à ce niveau est que la Région wallonne n’aurait pas de compétence pour adopter une législation en matière de bruit ;

Attendu qu’outre le fait que la Cour d’Arbitrage a rejeté ce moyen dans un arrêt du 30 avril 2003 (voir arrêt 51/2003, point B.4.13), la présente Cour estime aussi que la Région wallonne étant compétente pour prendre les législations utiles pour les aéroports régionaux, elle est aussi compétente pour régler le problème du bruit généré par ces aéroports ;

Qu’en effet, raisonner autrement aboutirait à l’absurde, par exemple, dans la logique défendue par certains riverains, la Région wallonne serait compétente pour construire une autoroute mais pas pour installer des murs anti-bruit pour les habitants proches de cette infrastructure ;

Attendu que les riverains posent aussi le débat sur l’étendue du pouvoir exact de la Région wallonne en matière contractuelle ;

Attendu que, sur ce point, sans entrer dans des discussions byzantines, il y a lieu de retenir qu’il n’est nullement interdit à un pouvoir public de s’engager dans un contrat mais que, par contre, un pouvoir public ou une administration ne peut s’engager par contrat à renoncer à ses pouvoirs spécifiques d’autorité publique ;

Attendu que les riverains estiment que, dans la convention de 26 février 1996, la Région wallonne aurait renoncé à exercer certains de ces pouvoirs spécifiques, notamment quant aux types d’avions utilisés, quant à la manière de voler et quant à la réglementation de l’activité de la société TNT et à son indemnisation ;

Attendu qu’avant d’entreprendre une analyse plus détaillée, il y a lieu d’insister sur le principe premier en matière de renonciation, à savoir qu’une renonciation ne se présume pas ;

Que, dans cette mesure, comme le souligne la Région wallonne, si une clause est susceptible de deux interprétations, elle doit recevoir une interprétation dans le sens de sa légalité, à savoir qu’elle ne contient pas une renonciation (voir page 333 et suivantes de ses conclusions de synthèse) ;

Attendu qu’il y a lieu d’examiner les articles incriminés de la convention ;

Attendu qu’en ce qui concerne la manière dont la société TNT peut exercer son activité sur le site, on doit souligner particulièrement l’article 41.1 et .2 qui concernent les mouvements d’avions et de véhicules routiers et l’article 37 sur l’accessibilité de l’aéroport ;

Qu’en ce qui concerne les redevances, les règles contractuelles sont reprises aux différents points de l’article 40 ;

Qu’au surplus, de manière plus générale, l’article 8 contient des clauses quant " aux attentes raisonnables " que peut espérer la société TNT et l’article 9, une clause de responsabilité au bénéfice de cette même société ;

Attendu qu’à la lecture combinée de ces différents articles, et, compte tenu du principe premier applicable souligné ci-dessus, il y a lieu de rejeter les arguments invoqués par les riverains ;

Qu’en effet, en ce qui concerne les redevances et les accès au site pour les avions et les véhicules routiers, les engagements de la Région wallonne ne peuvent être arbitrairement scindés et examinés d’une manière isolée mais doivent être vus dans l’économie de la convention globale ;

Que, dans ce cadre, il n’est pas démontré à suffisance que les engagements de la Région wallonne ne seraient pas une contrepartie normale ou admissible des obligations prises par la société TNT dans le cadre de la même convention, à savoir, notamment, engager un nombre conséquent de travailleurs, faire des investissements particulièrement importants sur le site de Bierset et rester sur ce site pendant une durée minimum assez longue ;

Que le même raisonnement doit être suivi en ce qui concerne spécifiquement la délivrance des permis de bâtir à délivrer pour l’exercice de l’activité de la société TNT ;

Que, quant à l’article 9.1, la clause d’indemnisation au bénéfice de la société TNT est une clause très générale qui relève de la clause de style traditionnelle destinée à garantir, de manière générale, la bonne fin d’une convention dans la mesure où elle prévoit l’indemnisation de cette société dans le cas " du non-respect " par la société SAB et la Région wallonne " de leurs obligations respectives " ;

Que, si on fait une comparaison, tout à fait pertinente, avec la construction d’un immeuble pour les services de la Région wallonne, il est évident que celle-ci prend aussi des engagements importants vis-à-vis de l’entrepreneur qui va réaliser la construction, notamment quant aux délais du travail, à l’accessibilité au chantier, quant à la délivrance des permis utiles, notamment un permis de bâtir, et, quant au payement du prix, avec des intérêts conventionnels de retard à un taux particulièrement majoré par rapport aux taux légaux, et, quant à une indemnisation similaire en cas de retard de chantier imputable à l’administration ;

Que c’est dans la même perspective que l’article 12 de la convention prévoit que la Région wallonne garantit les obligations prises par la société SAB dans ce contrat (l’article 2.1, alinéa 2, aussi invoqué par les riverains représentés par Me LEBRUN, ayant une portée très générale et qui s’apparente, comme l’article 9.1 précité à une clause traditionnelle destinée à garantir la bonne foi dans l’exécution de la convention) ;

Que, par ailleurs, si l’article 9.2 prévoit des pénalités spécifiques au bénéfice de la société TNT, l’article 10 prévoit, à l’inverse, des indemnités importantes à payer par cette société pour " exécution tardive ou incorrecte " notamment en cas de " Retrait substantiel ", soit une réduction substantielle des activités à l’aéroport de Bierset, et, en cas de " Départ anticipé " (voir point 10.2 et .3 de la convention) ;

Attendu qu’au surplus, quant à l’article 8 de la convention, il y a lieu de constater que ce texte est rédigé d’une manière particulièrement subtile ;

Que, si ce texte semble d’abord contenir des obligations, pour la Région wallonne ou la société SAB, de s’abstenir de prendre une réglementation " d’une manière particulière ", à savoir au détriment des intérêts de la société TNT, la même phrase précise que ces obligations ne pourraient " contrevenir aux éventuelles dispositions impératives de la loi belge qui prévoiraient que la Région wallonne et la S.A.B. ne pourraient restreindre leur pouvoir réglementaire par voie contractuelle " :

Que ce texte prévoit ensuite une règle d’interprétation en trois points qui ne clarifie pas réellement les pouvoirs et obligations exacts de la Région wallonne et de la société SAB, le premier point mentionnant la liberté " de faire usage de leur pouvoir réglementaire comme bon leur semble " et les deux autres points parlant des " attentes raisonnables " de la société TNT ;

Attendu que, dans cette mesure, il y a lieu de revenir à la première règle susvisée à savoir que les renonciations ne se présument pas et de conclure, en conséquence, que la convention en cause ne contient pas une contractualisation inadmissible des pouvoirs administratifs et de police ou un excès de pouvoir ;

Attendu qu’on pourrait encore ajouter que l’interprétation d’une clause peut aussi s’apprécier en fonction de ce que les parties ont fait dans l’exécution de la convention ;

Que, sur ce point, la Région wallonne signale qu’elle a pris plusieurs réglementations qui réduisaient la manière dont la société TNT pouvait exercer son activité, notamment quant aux avions qu’elle pouvait utiliser ;

Qu’on peut, notamment, relever dans ce cadre le décret du 8 juin 2001, cité par la société TNT (p.37 de ses conclusions de synthèse) qui interdit, en principe, l’utilisation d’appareil qui dépasse les 87 dba, et, l’arrêté du Gouvernement wallon qui prévoit, depuis le 8 novembre 2000, l’interdiction d’exploiter la nuit des avions " hushkittés " avec des dérogations possibles mais seulement jusqu’au 1er juillet 2002 ;

Qu’ainsi, plus aucun avion " hushkitté " n’est exploité à Liège depuis le 1er juillet 2002, exigence bien plus restrictive que la directive européenne applicable à la même époque (voir p. 553 et 554 des conclusions de synthèse de la Région wallonne) ;

Qu’on peut ainsi constater que les parties à la convention n’ont nullement interprété cette convention comme une interdiction stricte pour la Région wallonne d’user de ses pouvoirs administratifs et de police ;

Attendu qu’on pourrait encore mentionner que l’harmonisation internationale indispensable dans la matière de la gestion de l’activité aérienne entraîne que la plupart des réglementations sur cette gestion sont déjà et devront être quasi exclusivement édictées par les organes supranationaux et, notamment, par l’OACI et par la CEE ;

Qu’ainsi, en tout état de cause, le pouvoir de la Région wallonne dans ce cadre est déjà et deviendra de plus en plus marginal ;

Que, de même, quant à la matière de la gestion de l’environnement, il résulte des moyens développés par les riverains eux-mêmes que les problèmes environnementaux sont aussi de plus en plus appréhendés au niveau international et que la marge d’appréciation de la Région wallonne se réduit, de toute manière, de plus en plus (voir les nouvelles directives CEE en matière d’évaluation des incidences et en matière d’évaluation et de gestion du bruit environnemental, en ce compris les nuisances causées par l’activité aéroportuaire, et, les arrêts de la Cour européenne des droits de l’Homme sur les nuisances environnementales, arrêts longuement cités, notamment, par Me MISSON dans ses conclusions de synthèse) ;

Attendu que l’analyse faite ci-dessus ne permet pas ainsi de retenir une illégalité qui tiendrait à " l’erreur manifeste d’appréciation " ou au " détournement de pouvoir de l’autorité délivrante " comme invoqué aux pages 93 à 95 des conclusions de synthèse de Me LEBRUN ;

Attendu qu’en ce qui concerne spécifiquement les moyens et arguments développés par Me CRAHAY ET LUCAS sur cette question de la contractualisation des pouvoirs de la Région wallonne, la Cour doit d’abord constater qu’alors que l’ordonnance du 25 juin 2003, prononcée sur base de l’article 748, § 2, du Code judiciaire, insistait encore sur le dépôt de conclusions de synthèse pour chaque partie, les deux conseils précités ont déposé des conclusions dites de synthèse mais qui font, à plusieurs endroits, simplement référence à leurs conclusions antérieures ou à des conclusions de la Région wallonne autres que ses conclusions de synthèse ;

Que cette pratique des citations partielles à des écrits antérieurs, outre qu’elle est condamnable en vertu de l’ordonnance précitée, entraîne des difficultés évidentes sinon une quasi-impossibilité à saisir la logique de l’argumentation et à y répondre ;

Que cette pratique est d’autant plus incompréhensible qu’en l’espèce, lesdits conseils semblent reconnaître que si on ne prend que les conclusions de synthèse de la Région wallonne, cette dernière y admet la pertinence de la question théorique telle que posée par eux (voir les trois points figurant en tiret, page 79 in fine de leurs conclusions de synthèse) ;

Que, c’est dans la mesure où lesdites conclusions de synthèse peuvent être comprises, qu’elles ne semblent pas contenir une argumentation à laquelle l’analyse faite ci-dessus n’aurait pas répondu ;

Qu’ainsi, les articles 37, sur les heures d’ouvertures de l’aéroport et 40 sur les redevances ont été repris dans l’analyse faite ci-dessus ;

Que, quant aux " Project agreements ", il est vain d’essayer de tenter des raisonnements à partir d’hypothèses dont la réalité n’est pas démontrée ;

Que, par ailleurs, la Cour ne peut partager la logique des précités qui revient à prétendre, indirectement, qu’un pouvoir public commettrait une illégalité en touchant, par un contrat, d’une quelconque manière, à un de ses pouvoirs qui peut faire aussi l’objet d’une réglementation ;

Qu’admettre cette logique entraînerait l’impossibilité pour un pouvoir public d’intervenir dans la moindre activité économique ;

Qu’au surplus, il y a lieu de ne pas mélanger les différents problèmes à ce seul stade de l’analyse ; que les critiques émises quant à la dispersion des trajectoires par rapport à une route prédéfinie ou quant à la définition d’un PEB au niveau des indices et des zones, même si elles ont leur importance et seront examinées ci-dessous, ne permettent pas de retenir un moyen d’illégalité basé sur la contractualisation invoquée ;

Attendu que, quant à des déclarations politiques sur la validité de cette convention, il y a lieu de se rapporter à ce qui sera dit ci-dessous dans l’analyse de la faute, quant à l’interprétation qui peut être donnée de ce type de déclarations ;

Attendu qu’enfin, même si on voulait suivre, quod non, le raisonnement des riverains quant à l’illégalité de certaines clauses litigieuses invoquées, il y aurait encore lieu de voir si l’illégalité de ces clauses devait avoir pour effet nécessaire d’entraîner la nullité de la convention elle-même ;

Qu’ainsi, pour triompher dans leur raisonnement, et lui donner un effet utile quant à leurs postulations générales, les riverains auraient encore dû démontrer que l’illégalité des clauses invoquées entraînait nécessairement la nullité de la convention du 26 février 1996 ;

Que cette démonstration n’est pas faite à suffisance ;

 4. Les illégalités budgétaires

Attendu que les riverains représentés par Me MISSON invoquent l’inconstitutionnalité des pratiques de débudgétisation et des réserves au regard du Pacte de stabilité européen ;

Attendu qu’en ce qui concerne une inconstitutionnalité des pratiques de débudgétisation, la Cour constate que les parties ne sont pas d’accord sur la réalité des faits qui sont invoqués ;

Que les documents déposés ne permettant pas de départager les affirmations des parties, la thèse des riverains, qui ont, comme dit ci-dessus, la charge de rapporter la preuve des éléments invoqués à l’appui de leur demande, ne peut être privilégiée ;

Attendu qu’au surplus, dans la mesure où un pouvoir public confie légalement à un tiers soit une concession soit la charge d’assumer certaines missions, il est évident que les comptes détaillés de ce tiers ne rentrent pas précisément dans le budget de ce pouvoir public ;

Que, par ailleurs, ce tiers, qu’il soit un organisme public ou une société privée est soumis aux règles de la comptabilité qui régissent la forme qu’a prise cet organisme ou cette société ;

Qu’à ce stade, les riverains ne tentent pas de démontrer que la concession ou la charge confiée à un tiers l’aurait été de manière illégale ;

Qu’ils ne prétendent pas et ne rapportent donc pas la preuve que les comptes de ce tiers seraient irréguliers ;

Attendu que, quant à l’affirmation que, dans le cadre des rachats et des travaux d’insonorisation, la Région wallonne n’aurait pas l’argent ou ne voudrait pas le mettre sur la table, il s’agit d’une affirmation totalement contestée par la Région wallonne et dont la preuve n’est pas rapportée à suffisance ;

Attendu qu’en ce qui concerne le Pacte de stabilité européen, les démonstrations des riverains sur les sommes en jeu, outre qu’elles sont contestées par la Région wallonne, ne permettent pas de retenir, avec une certitude suffisante, que ce Pacte serait mis en péril par le seul problème de la gestion des nuisances causées par l’aéroport de Bierset ;

 5. L’article 561 du Code pénal (tapage nocturne)

Attendu que ce moyen est principalement développé dans les conclusions de Me t’SERSTEVENS et CAMBIER ;

Attendu que l’alinéa 1er de cet article vise : " ceux qui se seront rendus coupables de bruits ou tapages nocturnes de nature à troubler la tranquillité des habitants " ;

Attendu qu’en l’espèce, il est évident que l’intention des émetteurs du bruit litigieux n’est pas de troubler la tranquillité des habitants mais d’exercer une activité économique précise dont la finalité, en soi, n’est pas de faire du bruit ;

Attendu que, par ailleurs, toujours dans le cas d’espèce, il s’agit des bruits faits dans le cadre d’une activité non seulement autorisée mais même réglementée par un pouvoir public ;

Attendu que, dans cette mesure, la présente Cour partage l’appréciation émise par la Cour de Cassation dans un arrêt du 6 septembre 1983 (Pas. 1984, p. 5) qui énonce que " cette contravention requiert soit un acte intentionnel, soit une négligence coupable " ;

Que les riverains représentés par Me CRAHAY et LUCAS ne contestent nullement cette appréciation et précisent correctement que l’auteur n’est pas punissable s’il a pris les mesures adéquates pour ne pas troubler le repos nocturne des voisins (voir page 133 de leurs conclusions de synthèse) ;

Qu’en conséquence, il y a lieu d’apprécier ces " mesures adéquates " de manière raisonnable et il ne peut être imposé aux sociétés de fret, dans le cadre de cet article, de changer toute leur flotte d’avions en acquérant les appareils " les moins bruyants qu’on puisse trouver sur le marché " (exigence figurant en page 116 des conclusions de Me t’SERSTEVENS et CAMBIER) ;

Attendu qu’en conséquence, la disposition en cause requiert une analyse similaire à celle qui devra être faite sur la faute au sens de 1382 du Code civil ;

Qu’il y a lieu de s’en référer à l’analyse qui sera faite ci-dessous, notamment quant aux avions autorisés à Bierset et utilisés par les sociétés de fret ;

 6. La jurisprudence belge : les arrêts d’annulation du Conseil d’Etat et l’arrêt d’annulation partielle de la Cour d’arbitrage

Attendu qu’en ce qui concerne les arrêts du Conseil d’Etat, les riverains n’ont pas présenté, dans leurs conclusions de synthèse, une analyse détaillée de chaque arrêt en rapport avec l’analyse du présent point ;

Qu’a priori, il semble que ces arrêts ont sanctionné soit une absence d’habilitation précise pour prendre les dispositions attaquées soit une insuffisance de forme ou de motivation de la mesure ;

.Qu’il semble aussi que les mesures annulées pouvaient être reprises quasi à l’identique après que les corrections nécessaires aient été apportées ;

Qu’en tout état de cause, même à retenir que ces arrêts seraient constitutifs, en soi, de fautes dans le chef de la Région wallonne, il y aurait lieu de poursuivre l’analyse pour ces illégalités en se référant au point III suivant de l’arrêt ;

Attendu que, quant à l’annulation retenue par la Cour d’arbitrage dans son arrêt n° 51 du 30 avril 2003, elle ne concerne que la délimitation de la zone B au regard d’une discrimination fondée sur le seul critère d’une situation semblable, portes et fenêtres fermées, pour les riverains de la zone B comparés aux riverains de la zone A (voir les points B.8.8. et B.8.9. de l’arrêt) ;

Qu’il s’agit donc d’une annulation tout à fait marginale par rapport à l’ensemble des moyens soutenus devant la Cour d’Arbitrage dans les deux procédures qui ont donné lieu, à ce jour, à un arrêt de cette Cour (voir l’autre arrêt du même jour qui, notamment, ne sanctionne nullement l’ouverture 24h/24h de l’aéroport de Bierset par rapport à une ouverture diurne de l’aéroport de Gosselies) ;

Que les riverains représentés par Me MISSON reconnaissent d’ailleurs que la Cour d’arbitrage s’est limitée à une " frappe chirurgicale " (voir page 4 de leurs conclusions complémentaires) ;

Attendu que, par ailleurs, il y a déjà lieu de souligner, à ce stade, l’angle de vue particulier que la Cour d’arbitrage adopte dans l’arrêt n° 51/2003 ;

Qu’en effet, si la Cour connaît de la légalité de normes théoriques, elle ne s’empêche nullement d’apprécier ces normes en fonction de leurs résultats pratiques ;

Que c’est dans ce sens qu’elle retient un critère de " portes et fenêtres fermées " dont il n’est pas question dans le libellé des normes théoriques qui lui étaient soumises ;

Que, de même, dans le point B.8.7. de son arrêt, si la Cour mentionne qu’il ne lui appartient pas " de donner une appréciation sur les conclusions des différents rapports établis par les experts ", elle " constate toutefois qu’aucun des rapports ne permet de conclure que les riverains de l’aéroport de Bierset pourraient occuper leur immeuble, sans qu’il soit porté une atteinte exorbitante au respect de leur vie privée, s’ils doivent subir des nuisances sonores qui se situent entre 65 et 70 dB(A) " ;

Qu’il y a lieu de constater ainsi que la Cour d’arbitrage ne sanctionne nullement le principe de la définition d’un PEB, l’indice Ldn retenu, ou le principe de la délimitation des zones suivant un plan qui tient compte d’une nuisance prévisible à long terme, mais qu’elle vise concrètement les riverains qui subissent réellement des nuisances qui se situent entre 65 et 70 dB(A) ;

Qu’en conséquence, on peut déjà relever ici la difficulté très particulière de donner une effectivité au point B.8.7. de cet arrêt en fonction des zones du PEB établies selon les normes de la Région wallonne, dans la mesure où ces zones sont établies, par principe, sur une activité à moyen ou à long terme de l’aéroport et non sur l’indice précis des nuisances sonores réellement subies par chacun des riverains ;

Attendu qu’il résulte de l’analyse qui précède que si la Cour peut partager le raisonnement de Me t’SERSTEVENS et CAMBIER quant aux principes émis sur la responsabilité de la puissance publique par le fait de son législateur, elle ne peut suivre le raisonnement émis quant à l’étendue des fautes invoquées par ceux-ci (voir pages 60 à 68 de leurs conclusions de synthèse) ;

Attendu qu’au surplus, si l’annulation susvisée peut être retenue à ce stade comme constituant une faute, il y a aussi lieu de poursuivre l’analyse en se référant au point III de l’arrêt qui suit immédiatement ;

 III. ANALYSE DE CES ILLEGALITES EN RAPPORT AVEC 1382 CC ET LES ARTICLES 8 DE LA CEDH ET 1 DU 1ER PROTOCOLE ADDITIONNEL)

A. En théorie

Attendu qu’au surplus, pour pouvoir être retenues utilement, il faudrait encore que ces illégalités puissent être contenues dans le cadre des articles susvisés ;

Attendu que, dans le cadre de l’article 1382 du CC, retenir une illégalité n’a un intérêt que si elle peut être mise en lien causal avec le dommage postulé ;

Attendu que les riverains partent du principe que ce lien causal est évident, ce que contestent les autres parties ;

Attendu, qu’a priori, une distinction pourrait être faite entre les illégalités invoquées à l’égard des actes ou des décisions prises pour créer ou faciliter les vols de nuit et les illégalités invoquées à l’égard des actes ou des décisions qui ont pour but de remédier aux nuisances générées par les vols de nuit ;

Qu’en effet, seules les illégalités de la première catégorie peuvent avoir un lien causal avec les dommages postulés ;

Que, pour les illégalités de la deuxième catégorie, on ne voit pas le lien causal avec les dommages, le but, dans ce cas, va dans l’autre sens, à savoir remédier aux nuisances et non pas les créer ;

Attendu que, dans le cadre des articles 8 et 1 susvisés, un raisonnement relativement similaire peut être élaboré ;

Que ces articles ne permettent que des ingérences légales ;

Que les illégalités invoquées peuvent être classées en deux catégories, à savoir, des illégalités quant à la création et à la facilitation de l’ingérence même et des illégalités qui touchent les mesures destinées à atténuer ou à remédier à l’ingérence au droit protégé ;

Que, dans cette mesure, seules les premières illégalités pourraient être retenues dans le cadre de ces articles comme un élément utile d’illégalité ;

 B. En pratique

Attendu qu’il résulte de l’analyse faite au point II précédent que la plupart des illégalités invoquées ne peuvent déjà pas être retenues utilement en tant que telles ;

Attendu que, par ailleurs, les seules illégalités qui ne peuvent être éliminées sur leur analyse interne, à savoir les illégalités tirées des arrêts d’annulation du Conseil d’Etat et de la Cour d’arbitrage rentrent manifestement dans la deuxième catégorie, à savoir que ces illégalités ne peuvent être retenues comme étant en lien causal avec les dommages postulés ;

Attendu que, pour rappel, la Cour d’arbitrage n’a nullement sanctionné les vols de nuit en eux-mêmes mais uniquement la délimitation de la zone B en tant que les riverains de cette zone connaissaient une situation similaire à ceux de la zone A en devant vivre portes et fenêtres fermées ;

Qu’ainsi, la seule faute à retenir est uniquement une violation du principe d’égalité entre les riverains de la zone A et de la zone B quant au fait de devoir vivre portes et fenêtres fermées mais sans que le principe même d’une délimitation des zones, l’indice de bruit retenu ou encore les mesures de rachat et d’insonorisation ne soient aussi sanctionnées ;

Que, dans cette mesure, on peut se demander quel est le lien entre les dommages invoqués et la seule violation retenue par la Cour d’arbitrage, et ceci, d’autant plus que cet arrêt de la Cour d’arbitrage ne précise nullement la manière dont il pourrait être remédié à cette discrimination (voir ci-dessus quant à l’analyse du décret du 29 avril 2004 au regard de cet arrêt 51/2003 de ladite Cour) ;

Qu’on pourrait aussi s’interroger sur le dommage précis qui pourrait être invoqué en liaison causale suffisante avec cette seule violation retenue par la Cour d’arbitrage ;

Que, sur ce point, les riverains n’exposent guère le dommage spécifique qui serait causé par cette discrimination qui ne pourrait, de toute manière, que toucher certains des riverains qui sont à la cause ;

Qu’il y a lieu de s’en référer aussi à l’analyse qui suivra du décret du 29 avril 2004 en ce qui concerne l’effet de l’arrêt susvisé sur les droits des riverains concernés, notamment sur un prétendu droit formel au rachat qui découlerait de cet arrêt ;

Attendu que, quant aux arrêts du Conseil d’Etat, les dispositions annulées avaient pour objet de remédier aux nuisances créées et non de les créer ou de les faciliter ;

Qu’au surplus, les annulations n’ayant été prononcées que pour des motifs de manque d’habilitation, manque de forme ou de motivation, les dispositions annulées pouvaient en conséquence être reprises à l’identique quant au fond ;

Que, dans cette mesure, le lien de causalité entre les dommages subis et le manquement n’est pas établi à suffisance ;

 C. Le raisonnement des premiers juges sur le lien de causalité

Attendu que les premiers juges ont encore poussé plus loin l’analyse du lien de causalité en regardant si, en supprimant l’illégalité invoquée, les dommages se seraient produits comme ils se sont réalisés ;

Que, cette analyse, qui correspond à la notion de lien de causalité, peut être retenue ;

Qu’ainsi, à reprendre cette analyse pour chaque illégalité invoquée, on peut encore s’interroger sur le lien causal réel que ces prétendues illégalités présentent avec les dommages en cause ;

Que, notamment, quant à la directive CEE 85/337 sur l’évaluation des incidences et au décret de transposition, il n’est nullement établi que, s’il y avait eu une évaluation ou une étude d’incidence ou encore des notices d’incidences plus détaillées, la Région wallonne n’aurait pas eu exactement la même appréciation quant à la politique aéroportuaire à suivre ;

Qu’il y a lieu d’ajouter que l’analyse faite à ce stade rend d’autant moins pertinentes les questions que les riverains veulent voir soumises à la CJCE dans la mesure où la réponse à ces questions, à défaut de lieu de causalité, n’aurait, en tout état de cause, aucun intérêt pour la solution du présent litige ;

Que, sur ce point, précis, il est d’ailleurs intéressant de relever que la Région wallonne n’a nullement abandonné sa volonté de modifier le plan de secteur et de faire allonger la piste de l’aéroport pour permettre l’utilisation d’avions gros porteurs à pleine charge, alors pourtant que des études d’incidence réalisées ultérieurement, à savoir, notamment l’étude Polyart, révèlent clairement et de manière détaillée le problème des incidences créées par la gestion actuelle de l’aéroport et qui seront encore augmentées par l’allongement de la piste et l’activité supplémentaire qu’elle permettra (voir la pièce 2.2.7 du dossier principal de la société SAB) ;

Que, quant à l’argument spécifique de la nullité de certains permis de bâtir ou d’exploiter, on peut relever que les infrastructures mentionnées à ce stade sont, certes, destinées à permettre ou à faciliter l’activité des sociétés de fret, mais que ce ne sont nullement ces infrastructures en elle-mêmes qui sont la cause des nuisances sonores subies par les riverains (voir le raisonnement que la Cour fait sien qui figure en pages 136 et 137 du jugement entrepris du 9 février 2001) ;

Que, quant à l’emploi des langues, à supprimer la version anglaise de la convention du 26 février 1996, il reste encore la version française qui entraîne les mêmes effets, les riverains parlant, en théorie, d’une possibilité d’ambiguïtés ou d’imprécisions quant à une traduction mais ne démontrant nullement que la traduction qui existe pose un problème d’interprétation par rapport au texte en anglais ;

Que, quant à la contractualisation des pouvoirs administratifs et de police et à l’excès de pouvoir, il n’est nullement établi que, si on avait supprimé les articles de la convention qui sont invoqués comme posant problème dans ce cadre, ladite convention n’aurait pas été signée avec les articles essentiels qui subsistaient ;

Que les développements faits par Me CRAHAY et LUCAS sur l’étendue précise de leurs demandes, qui auraient été mal interprétées par les premiers juges, ne sont pas pertinents à ce stade (voir pages 106 à 113 de leurs conclusions de synthèse) ;

Que, quant aux mesures annulées par le Conseil d’Etat ou la Cour d’arbitrage, ces mesures avaient pour but de gérer les nuisances sonores et, si elles avaient été appliquées, elles ne pouvaient qu’améliorer la situation de beaucoup de riverains ;

Qu’au surplus, il y a lieu de s’en référer à ce qui sera dit ci-dessous quant à l’analyse concrète des mesures de rachat et d’insonorisation, en soulignant déjà, à ce stade, que, malgré les annulations prononcées par lesdites juridictions, la Région wallonne a poursuivi la mise en place des mesures qu’elle voulait prendre ;

Que, notamment, les mesures de rachat se sont toujours poursuivies sous la réserve d’une seule période de suspension de quelques mois imposée par un arrêt du Conseil d’Etat ;

Qu’ainsi, le lien de causalité entre les annulations prononcées et le dommage invoqué n’est pas suffisamment établi ;

 IV ANALYSE SPECIFIQUE DE LA FAUTE DE COMPORTEMENT DANS LE CADRE DE L’ARTICLE 1382 DU CC

A. Préambule

Attendu qu’il est nécessaire, avant de rentrer dans cette analyse spécifique, d’en préciser les limites et de trouver une certaine logique pour examiner les différents actes et décisions reprochés aux défendeurs originaires ;

Attendu qu’il y a d’abord lieu de constater que quasi toute la logique fautive présentée par les riverains est axée sur le comportement de la Région wallonne ;

Qu’ensuite, il est invoqué que le raisonnement est transposable aux sociétés SAB, TNT, et, CAL, en signalant à peine les fautes précises qui peuvent leur être reprochées ;

Attendu que, pour rencontrer au mieux les arguments des parties, la Cour conservera cette logique de présentation ;

Attendu qu’au surplus, les différents conseils des parties ne présentent pas toujours leur analyse de la même manière dans la mesure où les riverains qu’ils représentent peuvent avoir des intérêts spécifiques ;

Qu’ainsi, les riverains représentés par Me CRAHAY et LUCAS ont pour point commun d’habiter dans des quartiers voisins de Saint-Georges-sur-Meuse et d’être ainsi particulièrement concernés par le problème de la dispersion des trajectoires des avions ;

Attendu que, pour conserver une certaine cohérence à l’analyse qui suivra, la Cour procédera à un examen chronologique des éléments invoqués comme fautifs ;

Attendu que, par ailleurs, dans le cadre ainsi prédéfini, il y a lieu de préciser les limites de l’analyse à savoir qu’il s’agit d’analyser le comportement d’un pouvoir public pour voir si ce comportement est ou non fautif ;

Que, dans ce cadre, le pouvoir d’appréciation du juge judiciaire est traditionnellement qualifié de marginal ;

Qu’il n’a pas à rentrer dans le pouvoir d’appréciation purement politique du pouvoir en cause ;

Qu’il ne peut apprécier si la décision prise était la meilleure ou si une autre décision non fautive était aussi possible ;

Que, néanmoins, la faute de comportement qui pourrait être retenue à ce stade est une simple faute par rapport à un comportement normal et diligent que l’on peut attendre d’un pouvoir public ;

Que, dans ce cadre, comme dit ci-dessus, les principes généraux qui ne peuvent pas être retenus directement dans le cadre d’une illégalité, à défaut d’effet direct, tels les principes de précaution ou de bonne administration peuvent trouver un écho intéressant pour la reconnaissance d’une faute de comportement ;

Attendu qu’au surplus, il est utile de préciser que la Cour ne s’attardera pas aux multiples déclarations qui ont été faites par de nombreux responsables politiques, déclarations dont il est très difficile de distinguer le côté purement politique, voire même électoraliste, du côté décisionnel ;

Que, dans cette mesure, il est aléatoire, et non admissible, de rechercher la preuve d’un aveu ou d’une critique réelle et constructive dans des déclarations qui peuvent aussi avoir été motivées par le fait d’un changement de majorité politique suivi d’un changement d’attribution ministérielle dans le cadre de la gestion des aéroports régionaux ;

Que, sur ce point, il est d’ailleurs pertinent de relater certains propos mentionnés dans les travaux préparatoires du décret du 29 avril 2004, en page 14, à savoir que le Ministre KUBLA affirme qu’il " n’avait jamais attaqué M. LEBRUN ", et qu’il " n’a jamais dit " que les désagréments de l’aéroport lui étaient imputables, et, que M. LEBRUN confirme que " Jamais M. le Ministre ne l’a attaqué ", sous la réserve d’un énervement la veille causé par les propos du CDH (voir pièce II/51 du dossier complémentaire de la Région wallonne) ;

Attendu qu’enfin, comme cela a été annoncé ci-dessus, l’analyse à suivre envisagera à nouveau certains actes et décisions qui, s’ils n’ont pas été considérés comme illégaux, pourraient néanmoins être considérés comme fautifs dans le cadre de la norme de bon comportement ;

Qu’à ce stade, il ne sera ainsi plus question de revenir sur la légalité des mesures mais uniquement d’analyser les mesures concrètes de la décision elle-même ;

Attendu que, par ailleurs, l’analyse tiendra compte de ce qui a été dit, au début de l’arrêt quant aux pouvoirs du juge des juridictions ordinaires ;

 B. Le transfert de la compétence pour les aéroports régionaux à la Région wallonne et les premières décisions prises

Attendu que le transfert de compétence pour la gestion des affaires aéroportuaires a été inscrit dans la loi du 8 août 1988 de réformes institutionnelles ;

Attendu qu’il n’est pas contesté qu’à l’époque, la gestion de cet aéroport présentait un déficit ;

Attendu qu’il n’était certainement pas fautif pour la Région wallonne de vouloir combler ce déficit et de faire bénéficier la région d’une infrastructure existante importante ;

Qu’il est utile de signaler à ce stade qu’avant le transfert de compétence à la Région wallonne, l’aéroport de Bierset avait déjà connu une certaine activité civile mais qu’il avait surtout servi comme aéroport militaire notamment en accueillant, pendant des années, des avions à réaction de chasse, à savoir des avions dont il n’est pas contesté qu’ils sont particulièrement bruyants ;

Attendu que c’est dans la cohérence de cette décision que la Région wallonne va créer la société SAB, soit une société dont l’objet social est le développement économique de l’aéroport de Bierset (voir pièce 1.1.5. du dossier principal de cette société, à savoir, son acte de constitution du 30 avril 1990) ;

Que c’est dans la même cohérence que la Région wallonne va commander une étude à un bureau spécialisé pour voir le développement possible au niveau économique ;

C. Les rapports Tractebel et la décision de les suivre

Attendu qu’en fin de compte, la société SAB a pu obtenir une copie du rapport Tractebel 1991 (voir la deuxième pièce de son dossier complémentaire) ;

Que, sans opposition des autres parties, le conseil de cette société a déposé ce rapport à l’audience du 21 mai 2004 en précisant qu’il avait communiqué ce rapport à toutes les autres parties et qu’il ne nécessitait pas de nouvelles conclusions ;

Que, dans cette mesure, la demande des riverains de condamner la Région wallonne à produire ce rapport est devenue sans objet ;

Attendu que, quant à ce rapport même, qui a été daté du 15 novembre 1991, il y a lieu de constater qu’il consiste en une " Etude du projet de développement d’activités aéroportuaires et annexes à Liège-Bierset " ;

Que ce rapport se qualifie de rapport intermédiaire sur l’analyse des contraintes et de l’offre ;

Que, plus précisément, ce rapport analyse assez longuement les opportunités du transport aérien avec des comparaisons chiffrées nombreuses, fait mention, mais sans une analyse détaillée, des contraintes notamment environnementales, liées à cette activité, analyse l’offre, plus particulièrement les opportunités pour l’aéroport de Liège-Bierset, et, conclut que " Le fret semble devoir constituer la priorité stratégique du développement de Bierset " ;

Attendu qu’aucun élément d’appréciation ne permet de dire que ce rapport aurait établi une analyse fautive ;

Attendu que, quant au rapport Tractebel de 1992, il précise qu’il complète le premier rapport du 15 novembre 1991 intitulé " Analyse des contraintes et de l’offre " et qu’il porte sur " l’analyse de la demande et l’étude stratégique des segments cibles " ;

Que ce rapport conclut à l’utilité de développer l’activité économique en privilégiant le fret ;

Que ce rapport parle déjà de l’approche à faire d’un grand intégrateur de fret express, TNT étant expressément cité dans le rapport (voir page 91 du rapport, pièce IX/9 du dossier principal de la Région wallonne) car il était, à l’époque, à l’étroit à Cologne avec UPS, un autre grand intégrateur de fret ;

Que, dans cette approche, ce rapport précise expressément que certains éléments compétitifs sont indispensables dans ce cadre et, notamment, l’importance des délais à savoir une ouverture 24h/24h de l’aéroport pour les mouvements des avions (voir page 92 du rapport) ;

Attendu qu’aucun élément ne permet de dire que cette analyse purement économique aurait été fautive ;

Attendu que la suite des évènements permet de dire que la Région wallonne a manifestement œuvré dans la direction conseillée par ces rapports ;

Qu’il y a lieu, encore à ce stade, de souligner, qu’à cette époque précise, la décision manifeste de principe de suivre ces rapports n’a pas été matérialisée par un acte précis et clair ;

Qu’il est néanmoins évident que c’est le rapport Tractebel de 1992 qui est la base de réflexion de toutes les décisions qui seront prises dans le futur et particulièrement de la convention signée, le 26 février 1996, avec la société TNT ;

Attendu qu’on peut déjà conclure à ce niveau que la décision de développer les vols de nuit a été une décision politique qui s’est appuyée sur une étude précise et qui reposait sur une motivation admissible, à savoir, développer une activité économique pour la région en utilisant une infrastructure existante qui était sous-employée et produisait un déficit budgétaire ;

Que, compte tenu de la nature de cette décision, de ses justifications, et, du fait qu’elle reposait sur une étude détaillée faite en deux parties, cette décision ne peut être, en soi, considérée comme fautive ;

Que l’on peut d’ailleurs souligner que Me CRAHAY et LUCAS ont mentionné, page 141 de leurs conclusions de synthèse, que " La décision de principe d’ouvrir celui-ci au transport nocturne de fret est de nature politique est donc manifestement étrangère aux débats ", et, que Me MISSON a précisé, en page 97 de ses conclusions complémentaires que " les riverains ne prétendent pas que les vols de nuit sont illégaux dans leur principe, mais qu’ils sont illégaux à Liège-Bierset en raison de la manière, clairement illicite à plusieurs points de vue, dont ils se sont concrètement développés " ;

Que la présente Cour partage aussi l’opinion de la Cour d’arbitrage qui, dans son arrêt 50/2003 du 30 avril 2003, mentionnait que " L’exploitation de deux aéroports poursuit, dans la perspective du bien-être économique et social de la Région wallonne, même dans des zones urbaines à forte densité de population, un but légitime, but qui ne peut être atteint sans répercussions négatives sur l’environnement " et que " Le choix fait par la Région wallonne de développer, pour l’aéroport de Charleroi, la fonction de transport de passagers, et, pour celui de Liège, la fonction de fret relève de ses compétences et de sa marge d’appréciation. Rien n’indique, en l’occurrence, qu’il y aurait eu un choix déraisonnable, celui-ci étant par ailleurs fondé sur une étude de marché menée en 1991-1992 " (points B.11.2. et B.12.1) ;

Que, certes, certains riverains affirment que l’activité de fret pratiquée par la société TNT pourrait être exercée d’une autre manière quant aux créneaux horaires utilisés ; que, néanmoins, l’analyse des riverains qui s’appuie sur un rapport d’un conseil technique, Eric MONAMI, est totalement contestée par la Région wallonne et la société SAB qui invoquent les rapports du CIRIEC sur ce point (voir, notamment, la pièce IX/6 du dossier principal de la Région wallonne dans laquelle le CIRIEC conteste l’analyse faite par Eric MONAMI) ;

Que, quant à l’intérêt économique des vols de nuit, il y a lieu de se reporter à ce qui sera dit ci-dessous quant à l’analyse de l’article 8 de la CEDH ;

Attendu que, si le choix de la décision n’est pas fautif, il reste encore à vérifier si l’exécution et les applications concrètes de cette décision n’ont pas été fautives ;

Qu’autrement dit, il y a lieu d’analyser si la Région wallonne a assumé, sans commettre de faute, les conséquences pratiques de son choix, notamment, en prenant les mesures appropriées pour gérer et diminuer l’impact des nuisances ;

 D. Les négociations avec les intégrateurs de fret et la convention TNT

Attendu qu’aucun élément de la cause ne permet de retenir une faute dans les négociations préalables avec les intégrateurs de fret ;

Qu’en tout état de cause, le seul élément pertinent à analyser sont les conventions qui ont été signées avec ces intégrateurs ;

Attendu que, certes, la convention signée avec la société CAL n’est pas produite ;

Que, néanmoins, cet élément est insignifiant dans la mesure où les activités de cette société sont d’une particulière infime importance par rapport à celles de la société TNT et où il n’est pas invoqué que cette société souhaiterait connaître un développement un peu conséquent à l’aéroport de Bierset ;

Attendu qu’ainsi, il y a lieu d’analyser, à ce stade, la convention du 26 février 1996 signée avec la société TNT et cette fois non plus sous l’angle de l’illégalité mais sous l’angle de la faute ;

Attendu que, dans ce cadre défini de l’examen d’une faute de comportement, il ne peut être admis de scinder artificiellement chaque petit avantage concédé à la société TNT en occultant les engagements pris par cette société ;

Qu’autrement dit, l’équilibre global de la convention doit être pris en compte ;

Attendu que, dans le cadre de cet équilibre global, le fait d’avoir signé la convention en cause n’est pas fautif ;

Qu’en effet, les avantages concédés par la Région wallonne à la société TNT étaient justifiés et contrebalancés par les engagements importants pris par cette dernière, au niveau, notamment, de l’emploi, des investissements sur le site, de la durée de la convention et des sanctions prévues si ces engagements n’étaient pas respectés ;

Que, dans cette mesure, la Cour ne peut pas partager l’appréciation, notamment, de Me CRAHAY et LUCAS qui, en isolant certains articles de cette convention, essaient d’en déduire certains comportements invoqués alors à faute tel le fait que le calcul des redevances d’atterrissage entraînerait, additionné à la présence de remises en fonction du volume d’activité, la société TNT à " charger ses avions jusqu’au maximum de leur capacité " (voir page 133 de leurs conclusions de synthèse) ;

Attendu que, par ailleurs, une faute de la société TNT dans un prétendu devoir d’information ne peut être retenue, l’activité que cette société pratiquait et ses conséquences étant ou devant être connues, dans ses diverses composantes, par un pouvoir public qui a pour compétence de gérer un aéroport ;

 E. La présence d’études commandées avant le début de l’activité de l’intégrateur TNT

Attendu que trois études ont été commandées avant le début de l’activité de la société TNT à savoir :

- l’étude A-Tech sur l’état des lieux acoustiques préalablement à l’arrivée de la société TNT, étude dont le rapport a été fait en juillet 1996 (voir pièce X/3 du dossier principal de la Région wallonne) ;

- l’étude du CEDIA sur l’étude acoustique prévisionnelle de l’aéroport dont le rapport date du 26 octobre 1996 (voir pièce X/4 du dossier principal de la Région wallonne) ;

- l’étude A-Tech sur l’optimalisation des routes de décollage et d’atterrissage, étude menée en partenariat par trois bureaux spécialisés soit A-Tech, le CEDIA et la société anglaise SPEEDWING pour le tracé de la route et soumis à l’accord de faisabilité de la société Belgocontrol, étude dont le rapport final a été dressé en avril 1998 (voir pièce X/5 du dossier principal de la Région wallonne) ;

Attendu que le fait d’avoir commandé ces études ne peut certainement pas être considéré comme une faute dans le chef de la Région wallonne ;

Qu’à l’inverse, il est évident que si la Région wallonne n’avait pas commandé ce type d’études qu’il y aurait eu lieu alors, à très juste titre, de lui reprocher une telle abstention ;

Attendu qu’avant de rentrer dans l’analyse technique des solutions proposées dans ces études et qui seront adoptées par la Région wallonne (voir les points suivants), il y a lieu de constater qu’un reproche important fait à ces études est en réalité ce qu’elles ne mentionnent pas ;

Qu’en effet, ces études sont des études techniques qui n’ont pas été réalisées comme aurait pu l’être une étude d’incidence ;

Que ce fait ne peut pas être reproché aux bureaux qui ont réalisé ces études en conformité avec ce qui leur a été demandé ;

Qu’au surplus, ces études ont intégré le problème spécifique de l’environnement de l’aéroport de Bierset (voir le rapport SPEEDWING tel que relaté à la page 22 des conclusions de synthèse de Me CRAHAY et LUCAS, notamment, le point 2.1 : … " l’exposition du bruit pose un problème spécialement compte tenu des vols de nuits envisagés. Au sud, se trouvent Liège et Seraing, qu’il s’agit d’éviter aussi bien pour les départs que pour les arrivées. Les deux quadrants situés immédiatement au Nord ne connaissent pas de zones urbaines mais bien des communautés rurales et des villages isolés, et il est nécessaire de réduire la nuisance sonore dans toute la mesure compatible avec la sécurité ") ;

Attendu que, par contre, on pourrait reprocher à la Région wallonne, même si elle n’y était pas tenue légalement (voir ci-dessus) de ne pas avoir, néanmoins, fait procéder à une telle étude ;

Attendu qu’ainsi, Me LEBRUN parle de " faute consistant en l’absence d’étude d’incidences " (voir page 91 de ses conclusions de synthèse) en invoquant " l’avis du conseil wallon de l’environnement pour le développement durable rendu le 28 octobre 2002 " ;

Que, néanmoins, à la lecture de l’extrait de cet avis, tel qu’il est mentionné dans lesdites conclusions, il y a lieu de constater que ce conseil utilise le mot " regrette " et mentionne ce qu’une telle étude aurait pu apporter mais n’utilise pas le terme " faute " ou " fautif " ;

Attendu que, dans ce même cadre, des riverains invoquent longuement l’étude d’incidence réalisée par le bureau Polyart (voir pièces 31/1 et /2 du dossier principal de Me MISSON) ;

Attendu que, quant à cette étude Polyart, on doit relever qu’elle est une étude d’incidence qui a été faite dans le cadre de la modification du plan de secteur de Liège et qui a été ainsi réalisée en 2001 ;

Que cette étude analyse, néanmoins, toute la problématique liée aux mesures prises ou à prendre pour limiter les nuisances pour les riverains, et, notamment, toute la question des rachats qui entraînent la désertification de certains quartiers ;

Que, certes, cette étude est très critique sur les conséquences de l’activité de l’aéroport ;

Que c’est un élément tout à fait normal puisque c’est le but de ce type d’étude ;

Que, contrairement à ce que prétendent certains riverains, cette étude ne remet pas expressément en cause les mesures détaillées qui avaient déjà été décidées, même si elle en souligne tous les inconvénients en terme de conséquences ;

Qu’il est assez surprenant de constater que cette étude, très critique pour les responsables de la gestion aéroportuaire, donne ensuite comme seule solution alternative intéressante aux mesures prises et en cours d’exécution, un déplacement des riverains, se trouvant dans les zones les plus touchées, dans des constructions faites par la Région wallonne à proximité mais en dehors des zones du PEB, à savoir une solution particulièrement stalinienne et encore plus inadmissible qu’un rachat qui laisse lui encore une assez grande liberté dans le choix d’un nouvel achat et dans la localisation de l’immeuble de remploi ;

Que, comme dit ci-dessus, on peut encore ajouter que cette étude n’a nullement empêché la Région wallonne de continuer à vouloir réaliser la modification du plan de secteur de Liège et l’allongement de la piste, élément qui démontre que, même si on estimait, soit légalement, soit en vertu du principe de précaution, que la Région wallonne aurait dû faire une étude ou une évaluation préalable des incidences, il n’est nullement démontré qu’une telle étude ou évaluation l’aurait fait renoncer à ses projets de développer l’activité de fret express par l’arrivée d’un gros intégrateur à Bierset.

Attendu que, par ailleurs, l’abondance des arguments finit par les rendre contradictoires ;

Qu’ainsi, si on peut effectivement considérer que les nuisances générées par l’activité de l’aéroport sont intolérables dans certaines zones, la conclusion logique à tirer, sous la seule réserve de la suppression des vols en cause, est qu’il faut permettre aux riverains concernés de se reloger en dehors de ces zones ;

Qu’on ne peut alors se plaindre du fait que certaines zones n’auront plus d’habitant ;

Attendu que, dans cette mesure, le fait de n’avoir commandé que les trois études susvisées n’était pas constitutif d’une faute dans le cadre de l’appréciation qui devait suivre des dispositions à prendre pour régler l’activité de l’aéroport et les nuisances sonores générées par cette activité ;

Attendu qu’on peut encore ajouter que le délai mis pour réaliser ces études n’est pas non plus fautif ;

Que, sur ce point, il ne peut être fait une comparaison utile avec le temps mis par les experts MUZET et VALLET pour rédiger leur rapport dans le cadre du projet d’utilisation nocturne de l’aéroport de Strasbourg par l’entreprise DHL ;

Qu’en effet, ces deux experts ont simplement exposé le diagnostic global des problèmes générés par les nuisances aéroportuaires, sans entrer dans les considérations techniques de route à retenir ou d’élaboration concrète d’un PEB si l’hypothèse était retenue ;

Que ces deux experts n’ont d’ailleurs pas conclu à la nécessité de rejeter le projet mais ont signalé qu’il était indispensable d’évaluer et de prendre en compte une série de données techniques qu’ils n’avaient pas et qui n’étaient pas déterminées au stade du simple projet étudié (voir pièce XI/1 du dossier principal de la Région wallonne) ;

Attendu qu’au surplus, la Cour estime non pertinent d’examiner les critiques faites par les riverains qui ont pour conseil Me CRAHAY et LUCAS à l’égard de certaines solutions évoquées dans ces trois études dans la mesure où lesdites solutions n’ont de toute manière pas été retenues in fine ni par ces études ni par la Région wallonne, et, ceci, qu’il s’agisse de solutions qui concernaient les routes possibles ou l’élaboration des limites du PEB (voir, notamment, page 148 de leurs conclusions de synthèse) ;

 F. Les solutions techniques de principes retenues par ces études et suivies par la Région wallonne dans la gestion du trafic aérien

1. Le problème de la route unique et de la dispersion

Attendu que, par des ordonnances de référé prononcées le 21 décembre 1998 (voir les pièces V/3 et /4 du dossier principal de la Région wallonne), Jean-Pierre DELBROUCK, a été désigné comme expert judiciaire aux fins de :

- décrire les procédures prévues et les instructions données aux pilotes de fret, à Bierset, pour le décollage et l’atterrissage ;

- de dire si ces procédures et instructions relèvent des carences de nature à accroître de manière significative les nuisances acoustiques pour les riverains ;

- de dire les modifications qui pourraient y être apportées pour réduire ces nuisances ;

- de préciser l’impact de ces modifications sur la sécurité et la rentabilité de l’aéroport ;

Attendu que, dans son rapport (voir pièce V/8 du dossier principal de la Région wallonne), même si l’expert DELBROUCK mentionne quelques petites mesures destinées à réduire les nuisances sonores, mesures dont il reconnaît lui-même qu’elles ne sont pas faciles à faire appliquer, il conclut de manière formelle et expresse que " L’exploitation opérationnelle de ce trafic est correcte, tant du point de vue des procédures de contrôle et des instructions données aux pilotes que de leur exécution " ;

Attendu qu’à la lecture des diligences faites par cet expert, il est indéniable qu’il a fait les analyses nécessaires, a pris le temps de la réflexion, et, a rencontré les personnes nécessaires pour tirer cette conclusion ;

Que, notamment, cet expert a longuement exposé les contraintes physiques et juridiques liées à l’aéroport de Bierset, notamment le fait que l’aéroport est toujours un aéroport militaire et les réalités du sens habituel des vents qui conditionnent le sens des mouvements des avions tant au décollage qu’à l’atterrissage ;

Attendu que ce rapport ne relève aucune faute dans le choix des routes de vols ;

Attendu que, par ailleurs, quant au choix d’une route unique, ce choix n’est pas en soi fautif ;

Qu’il a l’avantage de permettre de mieux cibler des zones d’exposition au bruit et les mesures de gestion des nuisances sonores, particulièrement quant, comme en l’espèce, l’aéroport ne dispose que d’une seule piste utilisable et que les créneaux horaires des vols principaux sont ciblés  ;

Que le choix d’une route unique ou d’un parapluie de route ne peut, de toute manière, que s’effectuer au bénéfice de certains mais au détriment d’autres ;

Que les discussions parallèles qui se produisent pour l’aéroport de Zaventem en sont encore l’illustration (voir l’arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 10 juin 2003 invoqué par les riverains, arrêt cassé par la Cour de cassation dans son arrêt du 4 mars 2004) ;

Attendu que, quant au problème de la dispersion, l’expert DELBROUCK a précisé et pris en compte le problème du phénomène de la dispersion des trajectoires en signalant les différents facteurs qui l’influençaient, facteurs qu’il qualifie de " difficiles à mesurer ", puis, a signalé qu’en " dépit de toute mesure coercitive tendant à éviter les dispersions des trajectoires, il faut accepter que dans une certaine mesure celles-ci sont inévitables ", et, a conclu que " on doit donc admettre que même en utilisant les derniers perfectionnements techniques en matière d’aide à la navigation, il y aura toujours une certaine dispersion de part et d’autre de l’axe défini comme " route à suivre " " ;

Que les riverains représentés par Me CRAHAY et LUCAS reconnaissent que, pour donner son appréciation, l’expert DELBROUCK avait d’ailleurs une connaissance précise de leurs critiques sur ce point (voir page 146 de leurs conclusions de synthèse qui mentionne un extrait du rapport de cet expert, à savoir : " Certains riverains consacrent d’importants développements au fameux virage qui est imposé par l’AIP et à la dispersion qui est jugée par eux comme anormale ") ;

Que, sur ce point précis, l’expertise acoustique de l’expert judiciaire PLOM n’apporte pas d’éléments supplémentaires dans la mesure où le phénomène de dispersion qu’il a constaté indirectement n’est pas contesté ;

Que, quant à l’ampleur exacte de ce phénomène, les parties sont contraires en fait ;

Attendu qu’au surplus, le phénomène ne peut non plus être exagéré ;

Qu’ainsi, on peut relever une analyse par la SOWAER des données sonométriques et des enregistrements radars transmis à Me MISSON, analyse effectuée en 2003 et qui conclut seulement à la présence de 8 écarts inexpliqués sur plus de 1.400 mouvements d’appareil par sonomètres et à moins de 0,6 % d’écart de trajectoire (voir la dernière page de la pièce XII/14 du dossier principal de la Région wallonne) ;

Qu’en tout état de cause, il n’est pas démontré que la dispersion existante des trajectoires à l’aéroport de Bierset serait supérieure à celle qui serait tolérée dans d’autres aéroports ou qu’elle serait fautive ;

Que, sur ce dernier point, il est assez malvenu et incongru d’essayer de tirer des arguments de certains extraits de la note de faits directoires faite, dans le cadre de l’expertise, par Mr TERZAKIS, représentant la société TNT, dans la mesure où, dans le cadre de cette note, celui-ci recherchait des solutions pour améliorer le problème, l’existence de propositions faites à ce sujet ne pouvant constituer indirectement un aveu de faute ;

Attendu qu’à la vue de l’ensemble des éléments susmentionnés, la Cour ne voit pas l’utilité d’entrer dans des polémiques techniques plus complexes, notamment quant au virage à droite et à une éventuelle vitesse imposée ou une vitesse " proposée maximale " dans ce virage, qui ne permettraient pas de retenir une faute dans la définition et l’application des routes aériennes retenues ;

Qu’au surplus, il aurait fallu, à tout le moins, pour pouvoir appuyer ces critiques un contre rapport technique détaillé qui aurait pu, alors, être soumis à l’expert judiciaire DELBROUCK pour une appréciation complémentaire, notamment quant au problème de la vitesse susvisée dans le virage (les deux rapports techniques figurant dans les pièces du dossier principal de Me CRAHAY et LUCAS, à savoir les rapports de J. RENAUD et Jean-Pierre GHOSEZ étant des rapports établis bien avant le rapport de l’expert DELBROUCK soit, respectivement les 11 et 17/10/1998 et ne constituant donc pas une critique des conclusions de cet expert judiciaire) ;

Qu’ainsi, pour souligner la complexité des problèmes techniques et la difficulté de les apprécier, on peut relever qu’il n’est pas contesté que si les avions utilisaient des procédures anti-bruit de type " power cut-back ", il est alors évident que la vitesse invoquée de 210 nœuds dans le virage ne pourrait être respectée ; qu’on ignore, au niveau de la nuisance sonore, quelle est la moins mauvaise solution technique, procédure anti-bruit ou vitesse imposée, pour l’ensemble des riverains concernés par cette nuisance (voir les pages 120 et 121 des conclusions de synthèse de Me t’SERSTEVENS et CAMBIER qui affirment que l’utilisation de cette procédure " power cut-back " est une cause d’ " amplification de la dispersion des nuisances sonores ") ;

Que, par ailleurs, la méthode de rédaction des conclusions de synthèse de Me CRAHAY et LUCAS, qui sont les conclusions qui insistent le plus sur les problèmes de gestion du trafic aérien, est malheureusement relativement confuse dans la mesure où des arguments y sont intégralement répétés à des endroits différents (voir la quasi-totalité de la page 140 qui se retrouve in extenso aux pages 157 et 158 desdites conclusions) et où des arguments totalement différents sont évoqués à des moments inattendus (voir la seule page 142 qui, dans le cadre de la recherche d’un comportement fautif, arrive à évoquer, sans développement utile à ce moment, plusieurs directives CEE, le problème des études d’incidences, l’arrêt HATTON de la CEDH, la convention du 26 février 1996, le rapport DELBROUCK et la question de l’imposition d’une vitesse de référence dans le premier virage) ;

Que cette difficulté spécifique tenant à ces conclusions n’est évidemment pas de nature à éclairer les problèmes techniques susvisés ou à en permettre une autre analyse ;

Qu’en conséquence, à défaut de faute retenue à ce stade et d’éléments suffisants pour accréditer leur thèse de la responsabilité de la Région wallonne ou d’une autre partie intimée par incident, la Cour ne peut prononcer les condamnations spécifiques postulées par les riverains représentés par Me CRAHAY et LUCAS, à savoir, notamment, la condamnation de payer aux parties intimées sur incident une astreinte par infraction en cas d’écart de plus de 300 mètres par rapport à l’axe des routes aériennes théoriques telles que publiées officiellement, ou, la condamnation de certaines parties intimées à communiquer tout enregistrement des trajectoires des aéronefs (voir page 168 des conclusions de synthèse des précités qui mentionnent encore le prononcé d’une expertise qui ne peut être acceptée pour les mêmes motifs) ;

 2. Le prétendu laxisme dans les règles appliquées

Attendu que les riverains invoquent, à ce stade, un laxisme dans les types d’avions utilisés, dans le contrôle des trajectoires et dans l’application des sanctions ;

Attendu que, quant aux avions utilisés, la preuve n’est nullement rapportée que la société TNT utiliserait des avions non conformes à la réglementation internationale de l’OACI ;

Que, quant à la réglementation wallonne, il résulte des explications, non contestées, de la Région wallonne, que sa réglementation est plus exigeante que la réglementation de l’OACI ou les directives de la CEE ;

Qu’il y a lieu, sur ce point, de relire ce qui a été dit ci-dessus au niveau du problème de la contractualisation des pouvoirs de la Région wallonne quant aux mesures ultérieures prises par celle-ci pour diminuer les nuisances générées par les avions eux-mêmes ;

Attendu que, quant à la faute, le comportement qui doit être retenu comme norme n’est pas un comportement idéal ou le meilleur possible, mais un comportement normalement diligent et prudent ;

Qu’ainsi, on ne peut exiger que les sociétés de fret n’utilisent que les avions les moins bruyants existants sans tenir compte de la capacité de ces avions ou même de la possibilité de se fournir encore ce type d’avion, tel le cas des avions type BAE, dont la société TNT signale, sans être contredite, qu’ils ne sont plus construits à l’heure actuelle (voir page 38 de ses conclusions de synthèse) ;

Que la société TNT précise encore qu’elle a retiré d’initiative de son réseau tous les Boeing 727 hushkittés bien avant que la réglementation ne le prévoie expressément (voir page 38 de ses conclusions de synthèse) et que tous les avions qu’elle utilise rentrent également dans les normes fixées par la Région wallonne, à savoir 87 dba selon le décret du 8 juin 2001 (voir page 37 des conclusions précités) ;

Que, de même, quant au phénomène de la dispersion, il est évident que cette dispersion pourrait être réduite s’il était imposé aux sociétés de fret de n’utiliser qu’un seul type d’avion avec un chargement prédéfini ; que, néanmoins, cette absence d’imposition ne peut être considérée comme fautive car elle est irréaliste au niveau de la logique de l’activité telle que pratiquée normalement par ces sociétés ;

Que c’est en réalité ce que les riverains représentés par Me CRAHAY et LUCAS regrettent de ne pouvoir obtenir dans la mesure où ils doivent bien reconnaître, indirectement, que la seule manière d’imposer une route " volable " était d’imposer un type d’avions et des normes de chargement (voir page 151 de leurs conclusions de synthèse) ;

Attendu que, quant au contrôle des trajectoires et aux sanctions, les riverains posent des affirmations de laxisme qui ne sont pas démontrées alors qu’elles sont contestées, notamment, par la société TNT ;

Que, sur ce point, il ne faut pas confondre le problème de la dispersion des trajectoires, phénomène inévitable, comme l’a signalé l’expert judiciaire DELBROUCK, et des trajectoires inadmissibles ;

Qu’on peut encore relever ici l’analyse susvisée faite par la SOWAER en 2003 ;

 G. Les solutions techniques de principes retenues par ces études et les premières mesures prises par la Région wallonne dans le cadre de la gestion des nuisances sonores

1. Les premiers indicateurs de bruit retenus par la Région wallonne

Attendu que, quant à ces indicateurs retenus, il résulte des multiples documents techniques déposés que l’indicateur de bruit retenu à l’origine par la Région wallonne soit le Ldn est un indicateur reconnu au niveau international et suffisamment fiable en soi ;

Attendu que, pour les mesures d’insonorisation, cet indicateur va être combiné avec un indicateur Lmax, indicateur qui est aussi un standard habituel dans cette matière ;

Qu’on ne peut pas reprocher à faute à la Région wallonne d’avoir combiné ces indices, ce qui est plutôt une garantie supplémentaire quant à la correction du résultat obtenu ;

Attendu que, par ailleurs, le fait que la Région wallonne ait, par après, retenu l’indicateur Lden, ne signifie nullement que l’utilisation de l’indicateur Ldn était fautif dans la mesure, notamment, où la Région wallonne signale, sans être contredite, que la différence de mesurage obtenu par ces deux indices est assez insignifiante soit plus ou moins un décibel ;

2. La définition du premier PEB et ses conséquences pratiques

Attendu qu’ici encore, il y a lieu de souligner que la question n’est pas de savoir si la Région wallonne a pris la meilleure réglementation possible mais si elle a commis une faute dans l’élaboration du PEB ;

Attendu qu’au surplus, il ne peut plus être question, à ce stade, de parler des illégalités retenues par le Conseil d’Etat ou la Cour d’arbitrage, illégalités qui ont été examinées ci-dessus ;

Que, plus précisément, à ce stade, il n’est plus question de savoir si les mesures prises étaient conformes à une norme d’habilitation ou à des règles formelles de motivation, mais il faut envisager le fond même de la mesure ;

Que cette dernière remarque est valable pour toute l’analyse qui suivra quant aux mesures prises pour la gestion des nuisances sonores ;

Attendu que, par ailleurs, dans le cadre des mesures de gestion du bruit, il ne peut non plus être reproché à la Région wallonne un changement dans les mesures initialement adoptées si, à la fois, les mesures adoptées au départ et les mesures prises par après n’étaient pas fautives ;

Attendu qu’enfin, il n’est nullement question de minimiser les nuisances manifestes subies par les riverains de l’aéroport de Bierset et les conséquences que ces nuisances peuvent avoir sur la santé ;

Que la seule question, à ce stade, est de voir si les mesures prises pour la gestion de ces nuisances sont ou non fautives ;

Attendu qu’il y a d’abord lieu de relever que le principe de départ de l’élaboration du PEB qui est de distinguer des zones de bruit autour de l’aéroport suivant l’importance de la nuisance sonore n’est nullement critiquable ;

Que le principe de 4 zones différenciées dans cette logique et le fait de prévoir des mesures précises pour chaque zone n’est pas non plus fautif ;

Que le fait d’avoir tablé, pour élaborer les zones, sur une exploitation maximale à long terme de l’aéroport est une mesure assez cohérente puisqu’elle évite des remaniements successifs des zones en cas de développement de l’activité ;

Attendu qu’en pratique, les chiffres retenus pour les 4 zones apparaissaient relativement cohérents ;

Que, certes, les riverains ont longuement critiqué la limite de 70 dB et ont avancé le chiffre de 66 dB repris dans un rapport de l’expert canadien BRADLEY (voir pièces X/1 et 2 du dossier principal de la Région wallonne) ;

Que, sur ce point, précis, outre le problème, soulevé par la Région wallonne, de la traduction correcte d’un rapport de cet expert, il y a lieu de souligner que la Région wallonne a soumis sa réglementation à cet expert qui a conclu que le plan de la Région wallonne était correct et réfléchi (voir son rapport du 23 avril 2002, pièce X/9 du dossier principal de la Région wallonne) ;

Qu’on peut encore relever que l’ACNAW, dans son avis précédant le nouveau décret du 29 avril 2004, à propos de cette référence initiale à ce rapport note que " Au-dessus de Ldn=66dB(A), ces effets sont très significatifs, selon l’auteur : le développement résidentiel devrait être stoppé " (voir pièce II/50 du dossier complémentaire de la Région wallonne, p.25) ;

Que, dans le même avis, si l’ACNAW considère qu’il doit exister une zone jugée " non habitable ", cette autorité ne donne pas un chiffre précis pour permettre de délimiter cette zone mais mentionne que, dans un avis rendu pour l’aéroport de Charleroi, elle a déjà " alerté les pouvoirs publics sur le danger qu’il pouvait y avoir à laisser des personnes résider en zone A, où l’indicateur de bruit dépasse 70 dB(A) en Lden " (voir page 26 de la pièce précitée) ;

Attendu que, quant aux premières délimitations des zones, on peut d’abord relever que les parties à la cause étaient d’accord de déclarer que les délimitations retenues assez rapidement, selon les cartes qui ont été projetées pendant les audiences de plaidoiries, correspondaient relativement bien aux constatations faites par l’expert judiciaire PLOM dans la qualification des nuisances en plusieurs catégories ;

Qu’au surplus, certes, il y a eu des tâtonnements quant aux délimitations cartographiques précises des zones ;

Que, néanmoins, même si ces tâtonnements avaient une importance très grande pour certains riverains, il n’est pas démontré à suffisance que les délimitations successives faites étaient fautives et, plus précisément, que le comportement suivi n’aurait pas été le comportement qu’aurait suivi une administration normalement diligente et prudente placée dans une situation identique ;

Que ces tâtonnements ont aussi été corrigés par l’application d’un principe d’égalité ;

Attendu que, quant aux mesures prises à l’origine au regard de chaque zone, on ne perçoit pas la faute d’avoir prévu des mesures de rachat pour la zone A et des mesures d’insonorisation pour les trois autres zones moins atteintes par la nuisance sonore ;

Que ces mesures ont aussi été accompagnées d’autres mesures qui visaient à accorder une prime aux locataires de la zone A pour leur déménagement et qui prévoyaient une indemnisation pour le préjudice commercial subi par certains riverains (voir, notamment, l’arrêté du 26 novembre 1998 mentionné en page 18 des conclusions de synthèse de Me MISSON) ;

Que certains riverains ont bénéficié de ces mesures spécifiques tel Vincent SCOUVEMONT qui se désiste de l’instance au motif " qu’un accord est intervenu entre le concluant et la SOWAER quant à l’indemnisation du trouble commercial subi (voir les conclusions de désistement, pièce 131 du dossier d’appel) ;

Qu’au surplus, sans entrer dans le détail, qui nécessiterait une analyse approfondie de certains recours introduits devant le Conseil d’Etat, il n’est pas non plus fautif de prévoir, en principe, des poches qui pourraient être incluses dans une autre zone pour des raisons urbanistiques ;

Qu’enfin, la Région wallonne a prévu la possibilité pour les riverains de demander que des mesures spécifiques de bruit soient prises au niveau de leur habitation avec à la clé un changement de zone en conséquence des résultats obtenus ;

Attendu qu’en ce qui concerne les mesures d’insonorisation, le seul fait que des premiers tests ont été réalisés sur l’ensemble de certains bâtiments ne devaient pas nécessairement entraîner que les insonorisations à venir devaient concerner toutes les pièces de chaque immeuble concerné ;

Qu’in fine, il n’est pas fautif d’avoir prévu un résultat à atteindre, soit 55 dB(A) dans les pièces de jour et 45 dB(A) dans les pièces de nuit ;

Que, par ailleurs, ces normes sont conformes aux normes conseillées par l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) selon la pièce 9/1 du dossier principal de Me MISSON (" résumé d’orientation des directives de l’OMS relatives au bruit de l’environnement "), aux normes reprises par la plupart des experts dans ce domaine (voir les références bibliographiques particulièrement longues qui suivent les rapports techniques déposés par la Région wallonne), et, sont des normes suffisamment protectrices si on les compare avec celles correspondantes prises dans d’autres aéroports des pays occidentaux de l’Europe (voir les tableaux figurant aux pages 167 à 172 des conclusions de synthèse de la société SAB) ;

Que ces normes internationales ont été élaborées en connaissance de tous les phénomènes liés aux nuisances sonores et, notamment, de la question de l’émergence ou de la problématique des personnes sensibles, éléments expressément mentionnés dans le résumé susvisé des directives de l’OMS ;

Qu’encore une fois, il ne peut être exigé, dans le cadre de l’analyse d’une faute, que l’auteur incriminé ait adopté le meilleur comportement possible ;

Qu’il est, en effet, évident que des normes encore plus basses pourraient être retenues dans l’absolu ;

Qu’il y a néanmoins lieu de rester réaliste particulièrement dans une société économiquement développée et qui connaît de multiples nuisances inévitables telles celles liées à l’industrie et aux transports routiers et ferroviaires ;

Que, dans cette mesure, même à admettre un principe de précaution ou de " standstill ", une faute ne peut être dégagée à ce stade ;

 3. Les premières mesures de rachat

Attendu que la décision théorique d’adopter un principe de rachat volontaire plutôt qu’une mesure forcée telle une expropriation pour cause d’utilité publique n’est pas, en soi, une décision fautive et ceci même si, en pratique, les riverains de la zone A ne peuvent raisonnablement trouver un acquéreur tiers pour leur immeuble ;

Qu’une procédure de rachat volontaire n’est pas nécessairement plus défavorable à l’administré ;

Que, d’ailleurs, beaucoup de procédures d’expropriation se clôturent dans la phase amiable après une simple négociation sur le prix ;

Qu’au surplus, l’avis de l’auditeur KOVALOVSZKY selon lequel on ne pourrait parler d’un véritable contrat est un avis qui n’a pas été retenu, sur ce point, par le Conseil d’Etat (avis longuement cité par Me MISSON en page 140 et suivante de ses conclusions de synthèse) ;

Que la Cour ne perçoit pas dans ces mesures une éventuelle violation de l’article 79, § 1er de la loi spéciale du 8 août 1980, disposition qui se contente d’autoriser les gouvernements des Régions à poursuivre des expropriations dans des conditions équivalentes à celles du législateur mais qui n’oblige pas ces gouvernements à recourir nécessairement à une telle procédure ;

Attendu que, quant au fait que le prix prévu est fixé sur base de la valeur au 31 décembre 1997, il n’y a aucune raison de penser que ce fait aurait pour but de faire baisser arbitrairement le prix ; que cette règle peut se justifier par la seule volonté que la diminution de valeur des immeubles due aux nuisances sonores ne puisse être invoquée pour la fixation du prix à payer ;

Attendu que, quant à la première procédure spécifique prévue pour les rachats, soit celle qui permettait une intervention de notaires pour évaluer le bien, il y a lieu de constater que des riverains l’ont attaquée immédiatement devant le Conseil d’Etat ;

Que, certes, le recours au Conseil d’Etat a abouti à la nullité de cette procédure mais uniquement au motif de l’absence d’habilitation expresse du pouvoir qui avait pris cette norme de procédure ;

Attendu que, si on rentre dans l’application pratique qui pouvait être faite de cette mesure, on ne voit pas en quoi, la procédure prévue était fautive ;

Attendu qu’il est intéressant, déjà à ce stade, de voir ce qui s’est passé ensuite de l’annulation de cette procédure ;

Que la Région wallonne a finalement prévu une simple procédure négociée traditionnelle comme dans une vente ordinaire ;

Que les riverains affirment à présent que la procédure n’offre pas suffisamment de garantie ;

Que c’est une attitude actuelle assez paradoxale si on la relie à celle qui a précédé ;

Qu’en tout état de cause, il y a lieu de constater que les procédures successives mises en place par la Région wallonne n’étaient pas et ne sont pas, en soi, fautives quant au fond de leur réglementation ;

Attendu que, quant à la concrétisation pratique des mesures et quant aux décisions individuelles de rachat, les riverains concernés se contentent d’affirmations (voir, par exemple, le cas des riverains Michel COUNSON et Patricia SENTS qui mentionnent, pages 24 et 32 de leurs conclusions de synthèse que " l’évaluation de leur immeuble et le prix proposé pour son rachat par la Région wallonne ne leur permettent pas d’envisager et d’acquérir un immeuble similaire " mais sans la moindre précision chiffrée et alors que leur dossier déposé ne comporte, pour seule pièce, que l’acte d’achat du terrain sur lequel l’immeuble a été construit) ou d’un exposé des faits insuffisamment précis pour apprécier l’existence d’une faute ou, encore, présentent des situations marginales qui ne peuvent être imputées à faute à la Région wallonne, tel le cas d’un riverain qui a subi une procédure de saisie immobilière en raison de ses dettes ;

Que la Cour ne peut que constater que les parties sont contraires en fait quant aux pratiques de la Région wallonne ou des organismes, dont la SOWAER, chargés par elle de procéder au rachat ;

Qu’on peut d’ailleurs relever que la plupart des riverains qui invoquent le fait que le rachat de leur immeuble n’est pas encore intervenu n’exposent pas précisément les difficultés intervenues quant à la procédure (voir l’exposé de la situation des riverains représentés par Me t’SERSTEVENS et CAMBIER, page 180 et suivantes de leurs conclusions de synthèse) ;

Que, plus précisément, quant aux prix obtenus pour les rachats, il n’est pas démontré que la Région wallonne ou ceux qui ont été chargés par elle de négocier les prix, commettraient des fautes ou auraient des attitudes abusives ; que les riverains ne rapportent pas non plus la preuve des immenses difficultés invoquées pour racheter un nouvel immeuble ;

Que les ordonnances de référés prononcées à Namur et figurant aux pièces V/10 du dossier principal de la Région wallonne accréditeraient plutôt la thèse inverse, qu’ainsi, à titre exemplatif, dans le cadre de la première pièce V/10, il est question d’une somme de 9.900.000 FB à payer par la Région wallonne selon l’accord déjà signé et ceci pour permettre aux riverains demandeurs à cette cause de payer le prix de 9.400.000 FB du nouvel immeuble qu’ils ont acquis (la pièce 10/1 citant la somme de 9.297.000 FB pour un prix de 7.900.000 FB pour le nouvel immeuble acquis, la pièce 10/2 mentionnant la somme de 4.658.700 FB pour un prix de 3.800.000 FB, la pièce10/3 citant la somme de 3.900.000 FB pour un prix de 4.000.000 FB et la pièce 10/5 reprenant une somme de 4.175.000 FB pour un prix de 3.300.000 FB) ;

 4. Les premières mesures en matière d’insonorisation

Attendu que l’étude des procédures pour l’exécution des mesures d’insonorisation a été confiée à l’EDSI, soit à une division du MET de la Région wallonne ;

Attendu que ce service a d’abord fait procéder à 6 tests d’insonorisation sur des immeubles différents ;

Qu’il a ensuite déterminé 14 maisons représentatives de l’habitat de la zone concernée et a fait surveiller les travaux dans ces 14 immeubles ;

Attendu que les riverains critiquent vivement les tests et travaux réalisés ;

Attendu que, néanmoins, ces critiques ne permettent pas de dégager une faute au regard des éléments suivants qui figurent dans les rapports dressés par l’EDSI dans ce cadre (voir les rapports du 3 mai 2000 et de janvier 2001, pièces X/7 et 10 du dossier principal de la Région wallonne) ;

Qu’en effet, on peut relever notamment que ;

- les premiers tests prévoyaient une insonorisation générale de tout l’immeuble, alors que la norme finalement retenue était une différenciation entre les pièces de séjour et les pièces de nuit ;

- l’insonorisation prévue dans les premiers tests était en conséquence beaucoup plus coûteuse que dans le second, l’insonorisation n’y étant pas conçue de la même manière ;

- les indices de satisfaction recueillis par ce service, après les travaux du deuxième test sur les 14 maisons représentatives de l’habitat, étaient globalement fort satisfaisants, sous réserve d’un habitant qui ne ferme pas les portes utiles des pièces de nuit, à savoir qu’il rend inutile les mesures d’insonorisation de ces pièces ;

- selon les rapports susvisés de l’EDSI, ces travaux comportaient un système de ventilation qui devait permettre de ne pas dormir " dans un bunker non aéré " (voir les critiques émises, pages 161 et 162, dans les conclusions de synthèse de Me t’SERSTEVENS et CAMBIER) ;

- le dossier de Me MISSON contient, certes, quelques attestations de certaines personnes qui avaient bénéficié d’une isolation et qui reviennent sur leur appréciation favorable (voir pièces 10/45 à 50 dudit dossier), mais, à examiner ces attestations, on constate que ces personnes se plaignent principalement parce qu’en raison de la chaleur du mois de juin 2003, elles ont rouvert les portes et les fenêtres pour dormir, ce qui enlève évidemment tout effet à l’isolation acoustique qui avait été faite ;

- la réglementation prévoyait, a priori, un plafond pour le coût de l’insonorisation d’une habitation, mais ce plafond pouvait être dépassé par une simple décision ministérielle et aucun élément ne permet de penser que le Ministre concerné ou ses services commettraient nécessairement des fautes dans leur appréciation ;

- la réglementation ne prévoyait nullement que les riverains devraient avancer les coûts des travaux d’insonorisation, elle prévoit, au contraire que même les honoraires et frais de l’évaluateur des travaux choisi par le particulier seront payés par elle ;

Attendu qu’au surplus, le fait d’avoir ultérieurement confié la responsabilité de la réalisation des travaux d’insonorisation à la SOWAER n’est pas en soi fautif dans la mesure où la Région wallonne ne conteste pas que sa responsabilité globale dans la gestion des nuisances sonores peut toujours être invoquée ;

 5. Le problème général du coût et de la faisabilité des mesures de gestion du bruit

Attendu que, quant au coût de ces mesures, les riverains en font une appréciation particulièrement maximaliste en retenant que les mesures à prendre doivent être les mesures les plus idéales possibles et qui tiendraient compte des situations exceptionnelles ;

Attendu que, par ailleurs, il faut souligner qu’un budget n’est qu’une prévision qui est susceptible d’être réajustée selon les besoins qui fluctuent ;

Attendu qu’en tout état de cause, il appartient à la Région wallonne de prendre ses responsabilités à ce niveau et d’affecter les budgets nécessaires à la réalisation concrète des mesures décidées ;

Que la Région wallonne affirme qu’elle prendra lesdites responsabilités et qu’aucun élément du dossier ne permet de dire qu’elle ne sera pas capable de le faire ;

Que si, d’ailleurs, dans l’avenir, elle ne le faisait pas, ce fait nouveau pourrait être invoqué dans le cadre d’une nouvelle procédure judiciaire ;

Attendu que, quant à la faisabilité des mesures, à savoir la faisabilité des mesures d’insonorisation, il n’est pas établi avec une certitude utile que les entreprises susceptibles de faire les travaux d’insonorisation prévus soient en nombre insuffisant ou que ces travaux ne pourraient pas permettre d’atteindre les objectifs prévus par la réglementation ;

Que, sur ce point encore, les parties font assaut d’arguments techniques contraires notamment quant aux coefficients d’insonorisation et quant à certaines impossibilités techniques ;

Que, dans cette mesure, une faute de la Région wallonne n’est pas établie à suffisance ;

 6. Les nuisances autres que les nuisances sonores

Attendu que certains riverains font état de nuisances environnementales autres que les nuisances sonores telles celles qui seraient dues aux résidus de kérosène brûlé, d’huile, et, de produits de déglaçage des avions ;

Attendu que les explications techniques des riverains sur ce point sont assez indigentes ;

Qu’il ne suffit pas d’invoquer la possibilité d’une pollution mais de démontrer l’existence d’une faute dans la gestion de ces nuisances, et, à tout le moins, une existence suffisamment vraisemblable d’une pollution concrète dont ils seraient victimes en subissant un dommage quantifiable ;

Que, dans cette mesure, la demande de désignation d’un expert chimiste ne peut être retenue ;

 H. Les modifications des mesures de gestion du bruit et le décret du 29 avril 2004

Attendu que la Cour relève que les parties n’ont pas fait une étude juridique directe et exhaustive des modifications des premières mesures jusqu’au décret du 29 avril 2004, même si ces modifications sont évoquées de manière factuelle et à différents endroits de leurs conclusions de synthèse, notamment dans le cadre de certains recours au Conseil d’Etat et à la Cour d’arbitrage ;

Que, dans cette mesure, la Cour ne procédera pas non plus à une telle étude et se contentera d’une analyse du décret du 29 avril 2004 en précisant, s’il échet, le caractère innovant ou non des mesures en cause ;

Attendu qu’en ce qui concerne ce décret du 29 avril 2004, certaines parties ont finalement rédigé des conclusions additionnelles particulièrement longues et même répétitives quant aux arguments et moyens déjà visés ;

Qu’au surplus, les deux conseils des riverains qui ont conclu sur ce décret ont adopté des positions assez divergentes puisqu’un des deux seulement introduit, à titre subsidiaire, une demande formelle de poser des questions préjudicielles à la Cour d’arbitrage ;

Que, pour essayer de garder une cohérence dans l’analyse, la Cour regroupera, à ce stade, toutes les questions que suscite ce décret, en ce compris les éventuelles questions préjudicielles et ceci, sous la seule réserve, si nécessaire, de l’analyse à faire des articles de la CEDH ;

Attendu que, par ailleurs, même si la Cour ne refusera pas la demande des parties de rentrer dans l’analyse de ce décret, il y a néanmoins lieu de souligner que l’analyse demandée est assez paradoxale et périlleuse dans la mesure où ce décret n’était pas publié lors de la prise en délibéré de la cause, peut encore être modifié ultérieurement, et, a besoin de dispositions d’application pour avoir un effet concret ;

Qu’ainsi, pour l’analyse précise des modifications apportées et des critiques faites par les conseils des riverains, il ne pourra qu’être tenu compte des intentions du législateur wallon telles que relatées dans les travaux préparatoires de ce décret ;

 1. Les pouvoirs du juge judiciaire par rapport à ce décret

Attendu qu’il y a lieu de se référer à ce qui a déjà été écrit antérieurement sur ce point tant au début de l’arrêt que dans le préambule figurant avant l’examen concret de la faute ;

Que, pour rappel, compte tenu des circonstances particulières de la cause et des moyens juridiques invoqués, la présente Cour estime être en droit d’examiner le comportement de la Région wallonne sans distinguer entre sa qualité de législateur et celle de pouvoir exécutif ou d’administration ;

Que, dans cette mesure, la Cour n’examinera pas le moyen tiré par Me MISSON d’une éventuelle violation des articles 6, 13 ou 14 de la CEDH invoqués, déjà en page 519 et suivantes de ses conclusions de synthèse, quant aux principes de procès équitable, de l’égalité des armes et du droit à un recours effectif ;

 2. Les mesures prévues en elles-mêmes dans le décret et contestées par les riverains

Attendu que, quant au nouvel indice de bruit Lden retenu, ce choix ne peut être considéré comme fautif au motif, notamment qu’il tient compte des périodes de la journée pendant lesquels les vols sont réalisés et qu’il anticipe sur l’indice figurant dans une directive CEE du 25 juin 2002 qui n’est, certes, pas encore applicable mais qui pourrait le devenir dans les années à venir pour l’aéroport de Bierset ;

Qu’au surplus, les riverains avaient longuement critiqué l’indice Ldn qui, pour eux, ne pénalisait pas suffisamment les vols de nuit ;

Que l’indice Lden est un indice plus tempéré ;

Qu’il y a donc, globalement, une amélioration et non une régression, même si les riverains signalent que les distinctions des périodes d’heures qui sont retenues dans le cadre de cet indice ne leur suffisent pas ou que les créneaux horaires utilisés par la société TNT sont déjà actuellement saturés, cette dernière circonstance étant déjà présente depuis longtemps ;

Que, par ailleurs, l’indice Lmax est conservé ;

Attendu que, quant à l’élaboration d’un plan d’exposition au bruit, le décret prévoit deux plans d’exposition au bruit à savoir, un plan de développement à long terme (PDLT) qui correspond à une utilisation maximale de l’aéroport, et un plan d’exposition (PEB) qui correspond à un plan à 10 ans soit à moyen terme ;

Qu’à priori, même si on peut regretter une similitude de noms peu heureuse, il y a lieu de constater que la différence entre les deux plans n’est pas fautive ;

Qu’en effet, dans les multiples reproches faits au premier PEB, se trouvait le fait qu’il ne correspondait pas à une réalité relativement actuelle puisque le développement de l’aéroport est loin d’être maximal ;

Que ce fait pouvait expliquer que certains riverains, se trouvant dans la zone A et qui pouvaient ne pas avoir encore à endurer des nuisances réellement insupportables, préféraient rester dans leur habitation ;

Que la création d’un PEB à moyen terme avec les 4 zones A’ à D’ n’est pas en soi fautive ;

Qu’enfin, il est évident que le nouveau PEB étant un plan à moyen terme, il concerne, au départ, moins d’habitations que le PDLT ou l’ancien PEB qui était établi sur base d’une utilisation maximale à très long terme de l’aéroport ;

Attendu que, quant à la délimitation des zones B’, C’ et D’, le seuil retenu est certes augmenté d’un décibel vers le haut ;

Que, néanmoins, cette différence de minime importance ne peut être considérée comme fautive en soi et ceci d’autant plus que les seuils sont à présent définis par l’indice Lden et plus par l’indice Ldn qui était moins favorable aux riverains même si la différence n’est guère sensible ;

Que le décret prévoit, certes, que les niveaux maxima devraient être fixés " au droit des sonomètres fixes ", que, néanmoins, à défaut, au stade du décret, de définir le réseau de sonomètres fixes, il est difficile d’affirmer que cette disposition apportera, nécessairement, un changement négatif ;

Attendu que, quant à la règle des 10 dépassements du niveau de bruit maximum, il y a lieu de souligner les éléments suivants :

- cette règle des 10 dépassements est loin d’être une règle soudainement prise et réductrice de la réglementation antérieure, cette règle était une règle connue et déjà retenue par l’expert judiciaire PLOM dans les critères qu’il avait retenus pour apprécier la qualité des nuisances sonores subies par les riverains, mission qui lui avait été confiée par une ordonnance de référé de Liège à la demande des riverains (voir le rapport final du 17 avril 2000, pièce 3/18 du dossier principal de Me MISSON, pages 22 à 24 dans lesquels cet expert mentionne notamment que " Si l’on désire donc être pragmatique, on peut retenir deux chiffres, à savoir que 45 dBA, dix fois par nuit au droit du dormeur, à l’intérieur des pièces d’habitation, constituent l’apparition du risque de réveil et que 52 dBA, dix fois par nuit au droit du dormeur, à l’intérieur de la pièce d’habitation correspond à la quasi-certitude que celui-ci est réveillé ") ;

- cette règle est aussi évoquée et admise par les experts MUZET et VALET dans leur rapport sur le projet d’utilisation nocturne de l’aéroport de Strasbourg (voir ce rapport de septembre 1996, p.29 et p.35, pièce XI/1 du dossier principal de la Région wallonne) ;

- la lettre de Madame BERGLUND, longuement citée par Me MISSON dans ses conclusions complémentaires, est, certes, un avis autorisé en la matière mais n’est, d’après un autre expert, qu’un avis personnel qui va au-delà des normes OMS et " tente d’établir des normes idéales … inapplicables dans nos sociétés actuelles " (voir la première pièce du dossier complémentaire de la société SAB, soit un commentaire de cette lettre par le Professeur FONTAINE de l’Université de Liège qui précise encore que les normes qui prévoient de " ne pas dépasser approximativement 45 dB Lamax plus de 10 à 15 fois par nuit " sont " des normes largement admises par la communauté scientifique ") ;

- il n’est pas contesté que la directive européenne de 2002 à laquelle se réfère Madame BERGLUND dans la lettre susvisée (voir pièce 9 du dossier complémentaire de Me MISSON) n’est pas applicable en soi, à l’heure actuelle, et ne concerne pas l’aéroport de Bierset dont le nombre de mouvements est inférieur à celui prévu pour l’application de cette directive ;

- même l’ACNAW, dans son avis concernant l’avant-projet du décret, n’a pas une position absolument tranchée puisqu’elle écrit que " l’ACNAW recommande que les dépassements de ces valeurs Lmax soient à tout le moins limités, en nombre et en intensité " (voir page 28 de la pièce II/51 du dossier complémentaire de la Région wallonne) ;

- sans vouloir polémiquer exagérément sur la valeur respective de la pièce 9/1 du dossier principal de Me MISSON, intitulé " résumé d’orientation des directives OMS " et des pièces 25 et 25 bis de son dossier complémentaire qui proviennent du dossier de la Région wallonne et qui sont le texte complet en anglais émanant de l’OMS et la traduction en français des passages utiles à la cause, il est néanmoins pertinent de souligner que, au point 4, qui reprend les valeurs " guides ", il est expressément mentionné, quant aux effets du trouble de sommeil, que " En conséquence, il est important de limiter le nombre d’évènements de bruit avec un LAmax dépassant 45 dB ", et, que, le point 6 ne donne que des " recommandations … considérées comme appropriées ", et mentionne notamment que " Les gouvernements devraient adopter des directives de santé, concernant les nuisances sonores, comme étant des objectifs à atteindre à long terme " ;

- que c’est dans ce dernier sens que le propre conseiller technique de Me MISSON traduit les normes de l’OMS lorsqu’il écrit textuellement dans son rapport que : " La nuit, l’OMS recommande d’éviter autant que possible les événements sonores de plus de 45 dB(A) Lamax et en tout état de cause, de ne pas dépasser un maximum de 10 à 15 pics de bruit de 45 dB(A) en Lamax " (voir page 33 de son rapport de février 2003 (pièce 17/15 du dossier principal de Me MISSON) ;

- surabondamment, la Région wallonne précise dans ses conclusions sur ce décret que cette règle était aussi admise dans son rapport préliminaire par le collège d’expert qui a été désigné par les premiers juges dans le jugement ici entrepris ;

- au surplus, le décret habilite le Gouvernement à fixer un nombre de dépassements inférieur ;

Que, par ailleurs, on peut relever le paradoxe auquel aboutissent les reproches faits à la Région wallonne quant à cette règle des dix dépassements et quant aux amendes administratives pour sanctionner certains dépassements de bruit ;

Qu’en effet, dans la mesure où semble établi le fait que certains types d’avions gros porteurs ne pourraient respecter lors de leur décollage, lorsqu’ils sont à pleine charge, le seuil de bruit de 87 dB(A) Lamax, il aurait été aberrant de fermer les yeux et de ne pas intégrer cette circonstance dans une législation cohérente ;

Qu’on ne peut ainsi reprocher à la Région wallonne d’avoir pris un décret qui tient compte d’une situation qui repose sur une réalité ;

Que, certes, une autre solution aurait été d’interdire tous les avions qui ne pouvaient respecter cette limite à pleine charge ;

Que, néanmoins, cette solution n’aurait pas été admissible pour les sociétés concernées dans la mesure où la logique de leurs activités entraîne une utilisation de certains types d’avions, parfaitement autorisés par la réglementation internationale et très fréquemment utilisés dans le transport de fret, tels les Boeing 747 ;

Qu’enfin, le seul fait que certains avions, à pleine charge et au moment du décollage, dépassent 87 dB(A) Lamax, ne signifie nullement que cette limite est aussi dépassée au niveau des habitations des riverains concernés, dans la mesure où ces habitations ne se situent pas juste au niveau de la piste d’envol de l’aéroport ;

Attendu que, quant à l’existence d’un choix entre le rachat et l’insonorisation pour certains riverains des zones A’ et B’, il y a lieu de constater que ce choix ne peut être considéré, en lui-même, comme fautif à la vue du fait qu’un nombre non négligeable de riverains souhaitent, en tout état de cause, rester dans leurs habitations et ceci pour des raisons qui leur sont propres (voir ci-dessous les chiffres, non contestés, repris par SERINFO-LIEGE, en avril 2003, soit 5 ans après le début des vols de la société TNT, à savoir pour la zone A, que sur 1412 dossiers possibles pour les maisons, 557 dossiers n’étaient pas encore rentrés dans la procédure, et, 128 des maisons acquises étaient toujours occupées par l’ancien vendeur ou locataire (voir pièce XIII/5 du dossier principal de la Région wallonne) ;

Qu’il n’est pas non plus fautif de prévoir exclusivement le rachat pour les riverains situés à l’intérieur de la zone A’ et qui supportent déjà actuellement des niveaux égaux ou supérieurs à 70 dB(A) ;

Qu’à ce stade encore, il faut relever qu’il n’est pas fautif de déjà prévoir les mesures applicables en fonction d’une estimation de la nuisance à venir et d’ainsi anticiper sur l’avenir, tout en prévoyant des mesures intangibles de rachat pour ceux qui supportent dès à présent la nuisance de 70 dB(A) ;

Attendu que, en ce qui concerne les travaux d’insonorisation, les quelques modifications contestées par les riverains ne sont guère significatives et n’apparaissent pas fautives en soi et ceci d’autant plus que le coût possible des travaux a été porté à 50 % de la valeur vénale de l’immeuble ;

Que, quant aux pièces qui peuvent être insonorisées, la Région wallonne affirme que la situation est la même que celle qui était antérieurement pratiquée ;

Que le nouveau décret contient une liste des travaux financés qui apparaît assez complète tout en n’étant pas exhaustive, et, qui prévoit, notamment, le " placement d’une ventilation mécanique " ;

Que, quant au fait que la limite de 45 dB(A) n’est plus garantie, il y a lieu de relever que, sous réserve de la règle maximum des dix dépassements, cette règle reste garantie sauf dans la zone A du PDLT ;

Que, pour cette dernière zone, pour rappel, le principe de départ était le rachat et non l’insonorisation ; qu’ainsi, la garantie de résultat qui avait été donnée ne concernait pas cette zone ;

Qu’enfin, les riverains concernés auront encore la possibilité, après avoir obtenu des travaux d’insonorisation, de changer leur choix et de demander le rachat de leur immeuble ;

Attendu qu’en ce qui concerne la zone D’, soit la zone la moins atteinte par les nuisances sonores, le fait de ne prévoir que le bénéfice d’une prime fixe n’est pas en soi fautif ;

Attendu qu’au surplus, au regard des éléments repris dans les tableaux de la société SAB pour différents aéroports européens, les normes adoptées par la Région wallonne ne peuvent, par comparaison, être déclarées fautives (voir pages 167 et suivantes des conclusions de synthèse de la société SAB) ;

 3. Quant à la régression des mesures au regard du principe de " standstill "

Attendu que des riverains estiment que le décret du 29 avril 2004 constitue une régression de la situation antérieure et serait ainsi contraire au principe de " standstill " qui pourrait être dégagé de certaines normes dont les articles 22 et 23 de la Constitution ;

Attendu qu’il y a d’abord lieu de rappeler que ce principe de " standstill " doit être compris de manière raisonnable sous peine d’empêcher toute nouvelle activité économique ou tout développement d’une activité existante qui pourrait générer une nuisance environnementale ;

Attendu que, dans cette mesure, ce principe ne peut être invoqué qu’en présence d’une régression significative (voir l’arrêt n° 169/2002 rendu le 27 novembre 2002 par la Cour d’arbitrage, cité en page 49 des conclusions complémentaires de Me t’SERSTEVENS et CAMBIER, qui précise, dans une matière différente, à savoir le droit à l’aide sociale, que l’obligation de " standstill " " interdit d’adopter des mesures qui marqueraient un recul significatif du droit garanti " et qui ajoute que cette obligation ne prive pas le pouvoir concerné " d’apprécier de quelle manière ce droit sera le plus adéquatement assuré ") ;

Attendu qu’au surplus, une régression ne peut être retenue que s’il s’agit d’une régression concrète, à savoir pas d’une régression théorique ou d’une régression par rapport à des mesures espérées qui n’ont jamais été appliquées ;

Attendu que, dans cette limite, le décret en cause ne contient pas une régression suffisamment significative pour constituer une faute ou violer un principe de " standstill " ;

Qu’en effet, notamment, :

- les anciennes zones C et D n’ayant pas été concrètement délimitées antérieurement, il est vain de faire des comparaisons avec les zones C’ et D’, dans la mesure où aucun riverain des ces anciennes zones n’avait encore bénéficié de mesures concrètes ;

- le décret a conservé un principe d’égalité qui permet de bénéficier des mesures plus protectrices d’une autre zone en fonction de la réalité des nuisances subies ;

- le choix laissé pour les riverains de la zone A’ n’est plus possible et le rachat doit être prévu si le seuil réel atteint déjà en réalité 70 dB(A) ;

- le choix laissé aux autres riverains de la zone A’ et B’ est un choix réversible ;

- les zones du PEB " font l’objet d’une révision triennale sans que les nouvelles zones ainsi délimitées puissent être réduites par rapport à celles définies avant la révision " ;

Attendu qu’au surplus, il y a lieu de relever que la section de législation du Conseil d’Etat, dans son avis sur l’avant-projet de ce décret n’a pas relevé un éventuel problème avec l’application de ce principe ;

 4. Quant à la philosophie du décret

Attendu que les riverains affirment que le décret a été pris pour des motifs purement économiques, élément contesté par la Région wallonne ;

Attendu que l’analyse faite ci-dessus permet seulement de retenir que la Région wallonne a voulu, d’une manière jugée non fautive, tenir compte d’une réalité plus contemporaine qu’un horizon lointain d’une utilisation maximale de la capacité de l’aéroport ;

Attendu qu’au surplus, on peut encore relever que, la quasi-totalité des arrêtés de la Région wallonne ayant été systématiquement contestés pour des raisons d’insuffisances d’habilitation, de forme, ou de motivation, on ne peut reprocher à la Région wallonne d’avoir réagi en prévoyant un décret pour pallier à ces difficultés ;

Que, d’ailleurs, les mesures prévues dans ce décret ne sont souvent qu’une mise en concordance des mesures de gestion qui s’imposent en fonction des multiples décisions obtenues par les riverains devant les juridictions administratives ;

Attendu que, par ailleurs, certes, le décret, en lui-même, ne résout pas les difficultés concrètes d’application des mesures qui devront être précisées dans des arrêtés d’application ;

Qu’il est, néanmoins, prématuré et purement hypothétique d’imaginer ce que pourrait dire le Conseil d’Etat saisi d’éventuels recours en annulation, notamment, quant à un trop grand pouvoir d’appréciation que le décret laisserait au Gouvernement wallon ;

Qu’en raison de cette même circonstance, il est évident que les seules dispositions de ce décret ne permettent pas de définir les détails du droit subjectif de chaque riverain à un rachat ou à une insonorisation ; que cet élément n’est néanmoins pas, en soi, fautif ;

 5. Quant à la faisabilité financière et matérielle des mesures prévues dans le décret

Attendu que les riverains relèvent des estimations de la SOWAER pour l’avenir et affirment que ces estimations démontrent l’insuffisance des moyens pour réaliser les mesures prévues dans le décret ;

Attendu que la Région wallonne continue d’affirmer qu’elle mettra les moyens financiers utiles pour l’application du décret en cause ;

Que, ne pouvant pas répondre par écrit aux conclusions complémentaires des riverains, les conseils de la Région wallonne ont insisté, lors des dernières plaidoiries, sur le fait que les projets invoqués des budgets de la SOWAER n’avaient été faits que sur base des constatations antérieures quant aux réactions des riverains par rapport aux procédures qui existaient mais que ces budgets pouvaient évidemment être modifiés suivant les demandes futures et les besoins;

Attendu qu’il n’y a pas d’élément suffisant qui permettrait de dire que la Région wallonne n’a pas la volonté ou la capacité d’assumer ces obligations financières ;

Que, si tel était le cas dans l’avenir, un tel fait pourrait lui être reproché ;

Attendu qu’au surplus, quant à la faisabilité même des mesures d’insonorisation, les reproches des riverains sont assez contradictoires : d’une manière générale, il reproche à la SOWAER d’en faire trop peu mais, quant aux travaux insonorisations, ils estiment que le rythme des travaux qu’elle prévoit n’est pas tenable ;

Que, par ailleurs, d’après le Ministre KUBLA, le rythme des travaux d’insonorisation s’est accéléré, ce dernier ayant indiqué, au cours des travaux préparatoires du nouveau décret " qu’à la fin mars 2004, plus de deux cents maisons ont été complètement isolées " (voir page 19 du rapport desdits travaux, pièce II/51 du dossier complémentaire de la Région wallonne) ;

Qu’en tout état de cause, l’exécution correcte et en un temps raisonnable de ces mesures pourra toujours être à nouveau soumise aux juridictions ordinaires et appréciée par elles ;

 6. Quant aux arrêts de la Cour d’arbitrage et à d’éventuelles questions préjudicielles

Attendu qu’il y a d’abord lieu de rappeler que la seule annulation prononcée par la Cour d’arbitrage est une annulation qui concerne la délimitation de la zone B par rapport au motif unique d’une violation de l’égalité avec les riverains de la zone A quant au seul critère des portes et fenêtres fermées (voir ci-dessus, ce qui a été dit au stade de l’analyse des illégalités invoquées) ;

Que la Cour d’arbitrage, alors qu’elle était saisie de toute la problématique du développement de l’aéroport de Bierset, n’a pas sanctionné les vols de nuit en eux-mêmes, l’indice de bruit retenu, le principe des zones du PEB et de ses seuils théoriques, le rachat d’habitations et le principe des travaux d’insonorisation ;

Attendu que certaines parties à la cause présentent des interprétations fort divergentes de cet arrêt 51/2003 ;

Qu’ainsi, les riverains représentés par Me t’SERSTEVENS et CAMBIER présentent, dans leurs conclusions complémentaires, une interprétation qui va bien au-delà de l’annulation de la délimitation de la seule zone B et qui remet en cause quasi toutes les mesures attaquées devant la Cour d’arbitrage, ce qui ne correspond pas à ce qu’a fait cette Cour et qui rend cette interprétation non admissible ;

Qu’ainsi, notamment, si la Cour d’arbitrage a parlé des riverains de la zone B qui devraient vivre " portes et fenêtres fermées " (voir le point B.8.8. de l’arrêt), ce n’est pas dans le cadre d’une violation directe de l’article 22 de la Constitution ou de l’article 8 CEDH, mais uniquement pour conclure à une violation du principe d’égalité, lesdits riverains ne se trouvant pas " dans une situation essentiellement différente de celle dans laquelle se trouvent les habitants de la zone A " (voir le point B.8.9. qui se termine par les mots " de sorte que la différence de traitement critiquée n’est pas raisonnablement justifiée " et le point B.9. qui précise que le moyen, qui est déclaré fondé, est " pris de la violation des articles 10 et 11, combinés avec l’article 22, de la Constitution) ;

Que, par ailleurs, il ne peut nullement être déduit de cet arrêt que tous les riverains " des zones C et D de cet aéroport ont été discriminés, en ce qu’ils n’ont pu bénéficier des mesures adéquates d’accompagnement " (page 45 des conclusions complémentaires de Me t’SERSTEVENS et CAMBIER) ;

Attendu que cet arrêt peut recevoir une interprétation logique et cohérente ;

Qu’en effet, dans la mesure où la Cour n’a pas sanctionné les règles définissant le PEB et prévoyant les mesures applicables, on peut retenir que la Cour a eu égard, non à une situation théorique qui pourrait avoir lieu dans un horizon lointain, mais à la situation concrète vécue par certains riverains, à savoir que des riverains de la zone B devaient, en pratique, vivre portes et fenêtres fermées ;

Attendu qu’en conséquence, en définissant des zones plus proches de la réalité concrète, avec un indicateur a priori plus adéquat et en donnant le choix à tous les riverains situés en zone B’, soit la zone où l’indicateur est égal ou supérieur à 66 dB(A) en indice Lden, d’opter aussi pour le rachat, il apparaît que le nouveau décret a pallié à la seule violation qui avait été retenue par la Cour d’arbitrage ;

Attendu que, quant aux questions que Me t’SERSTEVENS et CAMBIER veulent voir poser à la Cour d’arbitrage, il y a lieu de se demander si ces questions sont pertinentes et utiles, et, notamment si la réponse à ces questions ne se trouve pas déjà dans les arrêts antérieurs de la Cour d’arbitrage ;

Attendu que, dans ce cadre, la Cour constate un problème méthodologique évident ;

Qu’en effet, les deux conseils précités mentionnent systématiquement la question d’une violation " des articles 10 et 11 de la Constitution lus isolément ou en combinaison avec les articles 22 et 23 de la Constitution et 6 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme ", à savoir qu’ils invoquent uniquement l’existence d’une situation de discrimination, mais font ensuite une comparaison entre la situation qui existait avant le décret avec la situation qui existait après le décret ;

Que, pourtant, dans le cadre d’une violation du seul principe d’égalité, la comparaison doit concerner des personnes ou des groupes de personnes qui sont, à un moment identique, dans des situations similaires, mais qui ne sont pas régies par les mêmes normes ; elle ne peut porter sur un changement dans le temps de normes applicables à une même personne ou au même groupe de personnes ;

Que raisonner autrement en viendrait à retirer le droit au législateur, dans toutes les matières, de restreindre d’une quelconque manière les droits d’une personne ou d’un groupe de personnes par rapport à sa situation antérieure ;

Que l’activité du législateur serait alors quasi paralysée ;

Qu’on peut d’ailleurs relever, sur ce point, la jurisprudence même de la Cour d’arbitrage, reprise dans un arrêt 68/2004 du 5 mai 2004 (se trouvant sur le site informatique de cette Cour et repris par extraits au Moniteur belge du 21 mai 2004) qui a déclaré non fondé le recours en annulation d’un requérant qui invoquait que, déclaré en faillite en 1996, il n’avait pu bénéficier de l’excusabilité sur base de la législation applicable lors de la clôture de sa faillite, soit en 2001, et, qu’alors que cette législation avait été invalidée par la Cour d’arbitrage, la nouvelle loi prise ensuite, soit la loi du 4 septembre 2002, ne permettait pas de revoir sa situation car elle n’avait pas d’effet rétroactif ;

Attendu que, si on analyse toutes les questions suggérées, on retrouve ce même problème méthodologique, à savoir qu’il est systématiquement demandé une comparaison entre la situation avant le décret, telle qu’interprétée par les conseils susvisés, et la situation après le décret ;

Attendu qu’au surplus, certaines questions posées partent du principe que l’arrêt n° 51/2003 aurait donné des droits précis et intangibles à certains riverains, notamment en matière de rachat ;

Que cette affirmation est assez osée ; que cet arrêt ne fait que constater une violation du principe d’égalité dans une hypothèse bien précise de comparaison mais ne mentionne nullement comment le législateur wallon pourrait ou devrait remédier à cette violation ;

Que la section de législation du Conseil d’Etat, dans son avis donné sur l’avant-projet de décret, ne dit rien quant à une éventuelle méconnaissance de l’autorité de la chose jugée de l’arrêt n°51/2003 de la Cour d’arbitrage en ce qui concerne le décret lui-même ;

Que, comme dit ci-dessus, il est prématuré de s’avancer sur les éventuelles mesures d’application qui seront prises dans des arrêtés du Gouvernement wallon ;

Attendu qu’on peut ainsi analyser plus précisément les questions suggérées dans les conclusions complémentaires de Me t’SERSTEVENS et CAMBIER, à savoir que :

- la première question suggérée part du principe, qu’avant le nouveau décret, certains riverains pourraient tirer de l’arrêt 51/2003, un droit au rachat qu’ils n’auraient plus avec ce nouveau décret (voir page 51 desdites conclusions) ;

- la deuxième question suggérée part du même principe en visant les riverains concernés par la modification de 65 à 66 db(A), en omettant, au surplus, de préciser que l’indice de référence n’est plus le même, soit le Lden à la place du Ldn (voir page 52 desdites conclusions) ;

- la troisième question part du principe que certains riverains pouvaient, avant le nouveau décret, bénéficier d’une prime que le nouveau décret ne prévoit plus : est visé le fait que la zone D’ débute désormais à 56, et non plus 55 dB(A) ; or, outre l’omission susvisée quant au changement d’indice de référence, il y a lieu de souligner que l’ancienne zone D n’avait pas été délimitée et qu’aucun riverain de cette zone n’avait pu ainsi, concrètement, bénéficier d’une prime (voir page 52 desdites conclusions) ;

- la quatrième question part du même principe que la première, à savoir que certains riverains pourraient tirer de l’arrêt 51/2003, un droit au rachat (voir page 53 desdites conclusions) ;

- la cinquième question part d’une comparaison entre la législation antérieure qui ne prévoyait pas une règle de 10 dépassements, et le nouveau décret ; cette question n’est, au surplus, pas admissible dans la mesure où elle assimile à tort (voir l’analyse faite ci-dessus) la réglementation de l’OMS et un avis personnel de Madame BERGLUND (voir page 54 desdites conclusions) ;

- la sixième question part du principe, qu’avant le décret, les riverains se trouvant en zone C auraient bénéficié d’une garantie de résultat quant à l’affaiblissement sonore alors que, certains d’autres eux, dont les habitations seraient " non reprise(s) en zone C’ et D’ ", ne pourraient plus obtenir qu’une prime à l’isolation (voir page 55 desdites conclusions) ;

- la septième question part du principe que des riverains qui étaient situés en zone D de l’ancien PEB ne pourraient plus bénéficier de la prime prévue s’ils sont situés dans la zone D’ du PDLT " alors que ces mêmes riverains pouvaient en bénéficier, grâce à la réglementation antérieure " (voir page 55 desdites conclusions) ;

Attendu que, dans cette mesure, la Cour n’estime pas pertinent de poser les questions telles qu’elles sont formulées ;

Attendu qu’il résulte de toute l’analyse susvisée du décret, notamment au regard d’un principe de " standstill ", que la présente Cour n’estime pas utile ou pertinent de poser des questions à la Cour d’arbitrage ;

 H. Le problème de la chronologie de la mise en place des solutions techniques retenues avec le début des vols de la société TNT

1. La possibilité d’anticiper les mesures avant le début des vols de TNT

Attendu que les riverains reprochent à la Région wallonne de ne pas avoir anticipé certaines mesures avant le début des vols de TNT ;

Attendu qu’en ce qui concerne la période entre 1992, soit le deuxième rapport Tractebel, et 1995, soit le début des négociations avec la société TNT, il ne peut être reproché à faute à la Région wallonne de ne pas avoir déjà lancé des études sur la gestion de la nuisance dans la mesure où de telles études ne pouvaient se justifier qu’à partir du moment où des contacts sérieux et qui avaient des chances d’aboutir étaient entamés avec la société TNT ;

Que la première étude CEDIA a été commandée en temps utile, soit avant que la convention avec la société TNT soit finalisée (voir pièce X/3 du dossier principal de la Région wallonne) ;

Attendu qu’au surplus, cette première étude, contrairement à ce qu’affirment certains riverains, ne permettait nullement de déjà définir un PEB, cette étude n’étant qu’un état des lieux préalable à l’arrivée de la société TNT qui n’intégrait nullement l’analyse de la nuisance sonore que les vols de cette société allaient créer ;

Attendu que la seule exigence raisonnable ne peut concerner qu’une concordance des mesures avec les vols litigieux et pas une anticipation ;

 2. La concordance des mesures avec le début des vols de TNT

Attendu qu’en ce qui concerne les mesures liées à la gestion du trafic aérien, il y a lieu de constater qu’une quasi-concordance s’est produite entre les mesures susvisées quant aux routes à suivre et le début des vols de TNT ;

Attendu que, quant aux mesures relatives à la gestion des nuisances sonores, on peut relever les éléments suivants :

- le Ministre compétent pour la gestion des affaires aéroportuaires a transmis au Gouvernement wallon une note du 30 avril 1998 (voir la pièce II/9 du dossier principal de la Région wallonne), note qui contient le " programme-cadre visant à accompagner le développement des activités aéroportuaires en région wallonne ;

- cette note traite longuement du problème du contrôle et de la maîtrise du bruit dans les zones du PEB ; elle mentionne les indices, les limites théoriques des zones, et, les mesures urbanistiques à prendre ;

- cette note est soumise au Gouvernement wallon pour qu’il en approuve les principes ; elle mentionne qu’elle est accompagnée d’un projet d’arrêté délimitant la première zone d’exposition au bruit, soit la zone A, et d’un projet de promesse unilatérale d’achat pour cette zone, projets à soumettre aux collèges échevinaux concernés pour qu’ils soient associés rapidement aux décisions à prendre (voir page 19 de la note) ;

Attendu qu’il résulte de cette note que l’administration de la Région wallonne avait déjà élaborée à ce moment, soit quasi concomitamment avec le début des vols de la société TNT, les lignes essentielles de la politique à suivre pour les mesures de gestion du bruit ;

Attendu qu’au surplus, les arrêtés pratiques pour les mesures de rachat ont été pris le 10 septembre 1998, soit à peine plus de 6 mois après le début des vols de TNT ;

Qu’ainsi, deux arrêtés de la même date prévoyaient respectivement la délimitation de la zone A et la procédure de rachat avec le concours de notaires pour la fixation du prix ;

Qu’on peut encore relever que, selon les écrits mêmes des riverains, cette délimitation de la zone A avait effectivement été soumise aux Communes concernées avant d’être officialisée (voir le 2ième alinéa de la page 34 des conclusions de synthèse de Me CRAHAY et LUCAS) ;

Que, comme dit ci-dessus, ces mesures étaient déjà élaborées dans le cadre de la note du 30 avril 1998 mais devaient être préalablement soumises à la concertation des pouvoirs locaux ;

Attendu qu’il y a ainsi lieu de constater que les mesures concrètes les plus urgentes, soit celles relatives à la gestion du trafic aérien et celles liées à la gestion du bruit dans la zone du PEB la plus exposée, étaient prises soit quasi concomitamment soit dans un délai raisonnable au regard du début des activités de la société TNT ;

 3. Les mesures non exécutées en concordance avec le début des vols de TNT

Attendu que les mesures concrètes relatives aux insonorisations n’étaient pas prêtes en concordance avec le début des vols de la société TNT ;

Attendu que, néanmoins, la Cour estime ne pas devoir retenir une faute à ce niveau aux motifs suivants :

- les mesures d’insonorisation ne concernaient pas, à l’origine, la zone la plus exposée du PEB, pour laquelle seules des mesures de rachat étaient envisagées ;

- la finalisation de ces travaux d’insonorisation devait nécessiter des essais de faisabilité avant de les lancer sur une grande échelle ;

- ce type de travaux demandait une participation active et positive des riverains (voir le point suivant quant à l’analyse détaillée de cet élément) ;

- si on compare la situation des riverains de l’aéroport de Bierset par rapport à celle des riverains d’autres aéroports, il faut constater que des mesures concrètes d’insonorisation ne peuvent raisonnablement que prendre un temps conséquent avant d’être réalisées (voir sur ce point les tableaux figurant aux pages 167 à 172 des conclusions de synthèse de la société SAB) ;

Attendu qu’il résulte de cette analyse qu’une faute de concordance des mesures ne peut être retenue pour la période du début des vols de la société TNT ;

 I. La chronologie ultérieure, l’évolution des mesures et l’allongement de la piste

Attendu que, quant la chronologie ultérieure, il y a lieu, d’abord, de relever qu’on ne peut pas reprocher à la Région wallonne une inactivité normative ;

Qu’en effet, on peut relever, notamment, suivant l’exposé chronologique figurant en tête des conclusions de synthèse de Me MISSON, outre les multiples mesures pour définir et organiser les travaux d’insonorisation :

- en application des deux arrêtés susvisés du 24 septembre 1998 délimitant la zone A et établissant une procédure de rachat, l’adoption, le 6 octobre 1998 du Règlement des notaires ;

- en décembre 1998, un arrêté prévoyant des mesures d’accompagnement des locataires, dont une prime de 150.000 FB ;

- en avril 1999, un décret modifiant la loi du 18 juillet 1973 relative à la lutte contre le bruit ;

- en mai 1999, un arrêté établissant des mesures d’accompagnement pour les troubles commerciaux ;

- en juillet 2000, un nouvel accord cadre du Ministre wallon compétent pour les affaires aéroportuaires ;

- en octobre 2000, la nouvelle délimitation de la zone A, suite à une annulation du Conseil d’Etat ;

- en décembre 2000, deux arrêtés prévoyant la délimitation de la zone B et une nouvelle procédure de rachat ;

- trois décrets du 8 juin 2001 dont les deux premiers seront soumis à la Cour d’arbitrage et donneront lieu aux arrêts 50 et 51/2003 susvisés, à savoir, un premier décret qui concerne les aéroports régionaux et prévoit, notamment, l’ouverture 24h/24h de l’aéroport de Bierset, un deuxième décret qui modifie la loi du 18 juillet 1973 relative à la lutte contre le bruit, et, un troisième décret qui institue une autorité indépendante chargée du contrôle et du suivi en matière de nuisances aéroportuaires ;

- en mai 2001, la création d’une procédure d’insonorisation en zone B avec un arrêté d’application en juillet de la même année ;

- le 25 octobre 2001, un décret modifiant la loi du 18 juillet 1973 susvisée et introduisant un principe d’égalité devant les nuisances sonores ;

- en novembre 2001, un arrêté relatif à l’exercice des missions confiées à la SOWAER ;

- en avril 2002, des nouvelles délimitations des zones A et B ;

- en novembre 2002, à la suite de l’annulation de la procédure de rachat, la SOWAER est chargée de négocier les rachats par une procédure classique et individuelle de vente ;

- en avril 2003, approbation par le Gouvernement wallon des plans financiers de la SOWAER,

- en juin 2003, nouvelle délimitation de la zone A, le Conseil d’Etat ayant suspendu la précédente délimitation ;

- en janvier 2004, un arrêté prévoyant des sanctions administratives pour les compagnies aériennes qui dépasseraient certains seuils de bruit ;

- le 28 avril 2004, le vote du nouveau décret de la Région wallonne qui modifie la loi précitée du 18 juillet 1973 ;

Attendu que, certes, il y a lieu, ensuite, de s’interroger sur le fait de savoir si les circonstances que certaines mesures ont été annulées, reprises, modifiées et que, même, certains mesures concrètes ne sont toujours pas perceptibles sur le terrain est imputable à faute à la Région wallonne ;

Attendu que, sur ce point, à défaut de faute préalable retenue de la Région wallonne, les circonstances susvisées ne peuvent être appréciées sans tenir compte de l’attitude des riverains ;

Que sur ce point précis, on peut relever les éléments suivants :

- bien avant même le début des vols de nuit de la société TNT, certains riverains avaient déjà assigné en référé, devant les juridictions bruxelloises, la Région wallonne, l’Etat belge et la société SAB pour, notamment, obtenir l’interdiction de ces vols (assignations d’octobre 1996 qui ont finalement abouti à un arrêt de la Cour d’appel de Bruxelles du 15 janvier 1998 ( voir pièce V/1 du dossier principal de la Région wallonne) ;

- une nouvelle demande d’interdiction de ces vols a été postulée devant le juge des référés de Liège, parallèlement à des demandes en matière d’expertise (voir l’ordonnance du 15 décembre 1999, pièce V/5 du dossier principal de la Région wallonne) ;

- le juge des référés de Namur a été saisi d’une demande similaire d’interdiction des vols (voir l’ordonnance du 31 juillet 2000, pièce V/7 du dossier principal de la Région wallonne) ;

- la quasi-totalité des mesures prises par la Région wallonne ont été ou sont attaquées devant le Conseil d’Etat ou la Cour d’arbitrage selon le type de la norme en cause ;

- selon les chiffres non contestés mentionnés dans un rapport environnemental de SERINFO-LIEGE, en avril 2003, soit 5 ans après le début des vols de la société TNT, on peut relever que, pour la zone A, soit, pour la procédure de rachat, 557 dossiers pour les maisons sur 1412 possibles n’étaient pas encore rentrés dans la procédure, 128 des maisons acquises étaient toujours occupées par l’ancien vendeur ou locataire, et, que, pour les insonorisations de la zone B, sur 1960 dossiers possibles, 1149 n’étaient pas rentrés dans la procédure et 399 n’avaient pas encore retourné le formulaire d’aides délivré (voir pièce XIII/5 du dossier principal de la Région wallonne) ;

Attendu que, certes, cette attitude des riverains ou de certains d’entre eux ne peut leur être reprochée à faute ;

Que, néanmoins, cette attitude négative de blocage ou d’opposition systématique à toutes les mesures prises par la Région wallonne peut avoir pour effet de considérer que le fait que les mesures ont été modifiées et même que certaines n’ont toujours pas reçu d’application sur le terrain n’est pas constitutif de faute dans le chef de la Région wallonne qui s’est trouvée acculée dans de multiples procédures dont la logique globale était loin d’être évidente à suivre ;

Qu’on soulignera encore sur ce dernier point, qu’alors que certains riverains avaient obtenu la suspension de toutes les procédures de rachat en cours sous peine d’une astreinte très importante à charge de la Région wallonne, d’autres riverains assignaient cette même Région wallonne pour obtenir sa condamnation, sous astreinte, à leur payer le prix convenu dans le cadre de cette procédure de rachat (voir les pièces V/10 du dossier principal de la Région wallonne) ;

Que cette attitude de blocage peut d’ailleurs être couplée à l’attitude attentiste, relevée par le rapport susvisé de SERINFO, de beaucoup de riverains, attitude qui peut être reprise comme un élément objectif d’appréciation même si elle n’est nullement reprochable en soi et peut s’expliquer par des considérations humaines, affectives et sentimentales (voir page 562 des conclusions de synthèse de Me MISSON) ;

Que cette attitude attentiste était d’autant plus problématique que les mesures de gestion de la nuisance sonore impliquaient la nécessité d’une coopération des riverains quant aux mesures d’insonorisation à faire dans leurs habitations et quant à la procédure de rachat qui repose sur un mode volontaire ;

Qu’il faut aussi reconnaître que l’attitude ou la situation de certains riverains est assez surprenante, si pas contradictoire, avec la thèse générale défendue des nuisances insupportables, de l’inhabitabilité et de l’impossibilité de faire des travaux d’isolation dans la zone A ; ainsi, dans les conclusions de synthèse de Me t’SERSTEVENS et CAMBIER, est mentionné le cas d’époux dont l’immeuble a finalement été classé en zone A et qui " se réservent le droit de demander le rachat de leur maison à la Région wallonne, avec demande d’option de rester au maximum 5 ans dans leur habitation, le temps de retrouver ou de construire un autre logement offrant les mêmes commodités que leur habitation comportant sanitaires et 4 chambres au rez-de-chaussée " (voir pages 195 à 198 desdites conclusions qui précisent toutefois que ces époux avaient bénéficié d’ " essai d’insonorisation à titre expérimental " sous la direction de l’EDSI, travaux que certains membres de la famille trouvent insuffisants dans les pièces de nuit, qui n’ont pas concerné " le salon et la salle à manger ", et, que les conseils susvisés qualifient de " tentative d’isolation acoustique ") ;

Attendu qu’au surplus, comme l’analyse en a déjà été faite ci-dessus, le seul fait que des mesures aient été modifiées par la Région wallonne n’est pas en soi fautif ;

Qu’encore une fois, si certains riverains souhaitent légitimement les meilleures mesures possibles, l’idéal ou l’excellence n’est pas le critère de la norme de comportement à retenir ;

Attendu qu’on peut encore constater que l’attitude de la Région wallonne, dans le cadre des multiples procédures introduites contre elle, n’a pas été fautive ni dans la diligence mise à corriger les mesures ni dans sa volonté de continuer à appliquer des mesures de gestion de la nuisance sonore ;

Qu’ainsi :

- comme dit ci-dessus, la Région wallonne a toujours poursuivi les rachats d’habitation qui n’ont été stoppés que pour une courte période et ceci en raison de la menace d’une astreinte d’un montant particulièrement dissuasif ;

- il n’est pas démontré que la Région wallonne soit restée inactive de manière fautive après des annulations du Conseil d’Etat ou l’arrêt n° 51/2003 de la Cour d’arbitrage ;

- le processus d’élaboration du décret du 29 avril 2004 est resté raisonnable : l’avant-projet est adopté en première lecture par le gouvernement wallon le 24 juillet 2003 alors qu’une étude précise a dû être réalisée pour saisir la portée des deux arrêts prononcés par la Cour d’arbitrage le 30 avril 2003, cet avant-projet est soumis à la section de législation du Conseil d’Etat le 11 septembre 2003 et à l’ACNAW le 15 septembre 2003 (voir le rapport de cette autorité du 30 octobre 2003), et, le projet sera voté par le parlement wallon puis promulgué le 29 avril 2004 (voir les documents parlementaires, pièce II/51 précitée) ;

- le rythme des travaux d’insonorisation s’est accéléré, le Ministre KUBLA ayant indiqué, au cours des travaux préparatoires du nouveau décret " qu’à la fin mars 2004, plus de deux cents maisons ont été complètement isolées " (voir page 19 du rapport des documents précités) ;

* * * * * * * * * *

Attendu que, dans le cadre de leurs conclusions complémentaires, tant la Région wallonne que les riverains représentés par Me MISSON et ceux représentés par Me t’SERSTEVENS et CAMBIER ont à nouveau conclu sur le problème spécifique de l’attitude des riverains au regard des différents décrets et arrêtés de celle-ci ;

Que la Cour relèvera d’abord que l’accord qui avait été pris à l’audience n’autorisait que des conclusions complémentaires sur le nouveau décret lui-même ;

Que, dans ce cadre, les parties pouvaient, certes, situer les nouvelles dispositions du décret dans la logique de leurs moyens antérieurs ;

Que, par contre, ces parties ne pouvaient profiter de ces conclusions pour développer à nouveau une argumentation antérieure qui n’était pas réellement modifiée par l’adoption d’un nouveau décret, telle l’argumentation quant à la " stratégie contentieuse " des riverains ;

Qu’au surplus, si la Région wallonne a établi une dizaine de nouvelles pages sur ce sujet (voir pages 131 à 141 de ses conclusions complémentaires, et, que les riverains représentés par Me t’SERSTEVENS et CAMBIER ont répliqué brièvement (voir pages 28 à 31 de leurs conclusions complémentaires), les riverains représentés par Me MISSON y ont répondu par plus de 40 pages (voir les pages 60 à 102 de leurs conclusions complémentaires) qui n’ont plus pu faire l’objet de contradictions écrites ;

Attendu que l’accord quant aux conclusions complémentaires ne concernait pas que les parties mais aussi la Cour qui était déjà suffisamment chargée par les écrits respectifs des nombreuses parties et qui avait bien précisé, dans les deux dernières ordonnances de fixation de la cause, que l’argumentation des parties devait figurer dans un seul écrit de conclusions de synthèse ;

Qu’en conséquence, la Cour estime qu’elle est en droit d’écarter lesdites conclusions complémentaires dans la mesure où elles dépassent l’accord qui avait été pris aux audiences de plaidoiries ;

Que, néanmoins, pour éviter encore des frustrations supplémentaires, la Cour mentionnera brièvement que :

- il n’est pas exact de prétendre que la Région wallonne avait renoncé à cet argument dans ses conclusions de synthèse, les pages 647 à 668 desdites conclusions étant intitulées " A titre subsidiaire, quant aux comportements des riverains prétendument victimes des fautes de l’appelante " ;

- la présente Cour n’a nullement envisagé l’attitude des riverains ou de certains d’entre eux comme constituant une faute ou comme pouvant empêcher, en application de la théorie de l’abus de droit, la réparation des dommages prétendument causés par la faute de la Région wallonne, mais a uniquement envisagé cette attitude dans le cadre très restreint de la question de savoir si le retard dans la mise en œuvre concrète de certaines mesures était imputable à faute à la Région wallonne ;

- dans cette mesure, la Cour ne répondra pas aux arguments qui concernent une faute, un abus de droit des riverains, ou un renversement de la charge de la preuve, la preuve en cause restant la preuve de la faute de la Région wallonne et l’absence de faute de la Région wallonne n’impliquant nullement la faute des riverains ou de certains d’entre eux ;

- la présente Cour n’a pas utilisé et n’utilisera pas les termes de " stratégie comportementale " ou " stratégie contentieuse " avec le côté négatif qui s’y attache ;

- s’il serait inadmissible de prétendre que les riverains commettraient des fautes en ayant mené des procédures judiciaires qu’ils ont gagnées, il est aussi inadmissible de prétendre que la Région wallonne profiterait " en réalité de l’existence de décisions qui lui sont défavorables pour retarder la prise de mesures en faveur des riverains " : le fait, notamment mentionné ci-dessus quant à la continuité des rachats, démontrant l’inverse de cette affirmation ;

- pour ne pas encore alimenter les polémiques, la présente Cour ne fera pas état des notes prises à l’audience quant aux plaidoiries des conseils des riverains, même si ces notes étaient éclairantes tant pour le passé que pour le futur et ceci malgré ou à cause du nouveau décret du 29 avril 2004 ;

* * * * * * * * * *

Attendu que, quant à l’allongement de la piste, cette décision ne peut être considérée, en soi, comme fautive ;

Qu’en effet, à ce stade, il y a lieu de relever que l’étude d’incidences faite par la société AIB-VINCOTTE ECOSAFER " sur l’environnement de l’allongement de la piste principale de l’aéroport de Bierset " mentionne que " Sans considérer d’accroissement du fret transporté, l’allongement de la piste permet de modifier la flotte en diminuant le nombre de petits porteurs et en les remplaçant par des gros porteurs. Cette modification de la répartition entre gros et petits porteurs a un effet bénéfique sur les niveaux globaux Ldn ", et, conclut que " La comparaison des alternatives confirme que le projet étudié est le plus favorable tant du point de vue environnemental que du point de vue technique et économique " après avoir souligné que " Parmi les impacts négatifs du projet, la problématique du bruit reste au cœur du débat, mais n’est cependant pas directement liée à l’allongement de la piste proprement dit mais bien au maintien et au développement de l’activité de l’aéroport "(voir pages 10 et 25 du résumé non technique, pièce 17/1 du dossier complémentaire de Me MISSON) ;

Que, par contre, il appartiendra à la Région wallonne et aux autorités qu’elle a déléguées de mettre en place les mesures pratiques destinées à gérer sans faute les conséquences de cet allongement ;

Que, dans la mesure où cet allongement n’est pas encore entamé, il ne peut être tiré aucune conclusion quant à l’attitude future de la Région wallonne ;

 J. Le problème de la communication avec les riverains et l’attitude éthique de la Région wallonne

Attendu que, dès qu’elle a obtenu la compétence de la gestion des aéroports régionaux, la Région wallonne n’a pas fait mystère sur le fait qu’elle voulait un développement économique de ces infrastructures existantes (voir sur ce point, les multiples coupures de presses déposées par les parties à la cause) ;

Que la création de la société SAB était un pas évident en ce sens ;

Que, parallèlement, la Région wallonne créait, en avril 1991, un organe de concertation chargé d’aborder les problèmes environnementaux, organe composé d’un représentant des associations locales de défense de l’environnement (voir page 647 de ses conclusions de synthèse) ;

Que la Région wallonne précise que ce comité a été élargi, en mai 1997, à un représentant des 15 communes concernées par le PEB ainsi qu’à deux représentants des associations de riverains de l’aéroport ;

Que, dès le mois d’avril 1998, était mise en place la cellule SERINFO qui avait, notamment, pour mission essentielle d’informer les riverains de l’aéroport ;

Attendu que la Région wallonne détaille longuement, sans être contredite, les nombreuses et diverses mesures qui ont été prises dans le cadre de l’information ;

Attendu qu’en réalité, le problème rencontré n’est pas un problème de manque de mesures d’information mais un problème d’incommunicabilité entre, d’une part, de nombreux riverains, et, d’autre part, la Région wallonne et les organes qu’elle avait chargés des missions d’information ;

Attendu qu’on peut encore relever ici le problème susmentionné de l’attitude de certains riverains ou de certaines associations de riverains qui ont eu une attitude de blocage systématique et même d’attaque méthodique contre la quasi-totalité des mesures prises par la Région wallonne pour la gestion des nuisances sonores ;

Qu’on peut ainsi rappeler les multiples recours devant le Conseil d’Etat ou la Cour d’arbitrage et les demandes répétées, dans trois instances territorialement différentes de référé, de l’interdiction des vols en cause ;

Attendu qu’il y a lieu de constater que les buts poursuivis, d’une part, par la Région wallonne, et, d’autre part, par certains riverains ou par des associations de riverains étaient tellement divergents que le dialogue était impossible ;

Attendu que, dans ce contexte de confrontation perpétuelle, on ne peut retenir, comme la preuve d’une faute ou d’un aveu, des propos tenus qui peuvent s’expliquer soit par une exaspération importante soit par une volonté de couper court aux conflits ;

Attendu qu’on ne peut, en raison de ces circonstances spécifiques, reprocher à la Région wallonne un manquement dans la communication ;

Attendu qu’au surplus, dans ce même contexte très particulier, on ne peut non plus reprocher à la Région wallonne une faute éthique pour n’avoir pas communiqué aux riverains tous les rapports et les éléments techniques en sa possession dans la mesure où elle savait que certains ne cherchaient qu’à s’emparer de ces documents dans le seul but d’en rechercher les éléments susceptibles d’alimenter des procédures de recours contre ses décisions ;

 K. L’article 1382 sous l’angle de la violation du principe d’égalité

Attendu qu’in fine de son analyse de l’article 1382, Me MISSON présente, dans ses conclusions de synthèse, une quatrième partie intitulée " L’article 1382 sous l’angle de la violation du principe d’égalité " (voir pages 601 à 610 desdites conclusions) ;

Attendu que, dans cette partie, sont repris des éléments et arguments dont l’analyse a déjà été faite ci-dessus, tels l’interprétation à donner à l’arrêt n° 51/2003 de la Cour d’arbitrage, l’élaboration des seuils du PEB, les principes applicables en matière de rachat et de travaux d’isolation, et, les nouvelles dispositions contenues dans le décret du 29 avril 2004 ;

Qu’il y a lieu de répéter ou d’ajouter que :

- l’arrêt susvisé de la Cour d’arbitrage a un effet particulièrement limité puisque, sans contester en soi le principe même de l’élaboration du PEB, les indices retenus et l’ensemble des seuils des zones, il annule exclusivement la définition de la zone B en tant que les riverains de cette zone sont placés dans une situation similaire à celle de la zone A au regard du seul critère de devoir vivre dans leurs habitations " portes et fenêtres fermés " (voir point B.8.8. dudit arrêt) ;

- cet arrêt ne mentionne nullement comment cette seule violation retenue devrait être réparée ;

- selon les travaux préparatoires du décret, la nouvelle définition des zones du PEB doit permettre aux riverains de la zone B’, de bénéficier des mêmes mesures, dont le rachat, que ceux de la zone A’ ;

- les constatations de l’expert PLOM ont, certes, permis à de nombreux riverains de mettre un chiffre et une appréciation sur la nuisance qu’ils subissaient, néanmoins, la manière dont ces constatations ont été réalisées, soit avec un nombre restreint d’appareils et une limite dans le temps très courte par endroit relevé, ne permettait nullement d’élaborer un PEB ou des zones correctes sur ces seules constatations (voir le rapport de cet expert qui écrit, en page 35, que, compte tenu de la dispersion constatée, " Nous pouvons donc conclure que cette approche de points maîtres et points esclaves qui nous avait paru prometteuse n’est pas une bonne approche du phénomène, que l’on réalise les mesures sur un jour ou sur cinq jours, ces périodes étant trop courtes pour un traitement statistique suffisant. L’expert a donc pris le risque de donner une classification par point en se servant uniquement de ses relevés objectifs et d’une technique d’intrapolation, basée sur son expérience d’acousticien ", pièce 3/18 du dossier principal de Me MISSON) ;

- un principe d’égalité reconnu par la Région wallonne permet aux riverains se trouvant dans une zone, mais subissant les nuisances plus fortes d’une autre zone, de bénéficier des mesures prévues par cette dernière zone ;

 L. La présence d’autres éléments fautifs dans le chef de la Région wallonne ?

Attendu qu’on pourrait, certes, encore épingler certains petits éléments dans les décisions et l’attitude de certains défendeurs originaires ;

Qu’on pourrait citer, notamment, à ce stade, le fait que la Région wallonne aurait continué à subsidier certains travaux de construction ou d’aménagement en zone A pour des équipements d’utilité collective alors que la volonté politique d’accueillir un grand intégrateur qui pratiquait une activité de fret express de nuit était déjà définitivement acquise ;

Qu’il est aussi reproché à la Région wallonne et à la société SAB une attitude qui entraîne le blocage de l’expertise ordonnée par les premiers juges (voir page 51 des conclusions de synthèse de Me MISSON) ;

Que, sur ce dernier point, il résulte des explications des parties données aux audiences de plaidoiries que les conseils des riverains veulent, à présent, obtenir la récusation de deux des trois membres du collège d’expert (voir aussi pages 16 et 17 des conclusions complémentaires de Me MISSON) ;

Que, dans cette mesure, il n’est pas envisageable de parler de blocage imputable à la Région wallonne et à la société SAB ;

Attendu que, néanmoins, tous ces petits éléments ne sont pas suffisamment significatifs pour être retenus à faute et ne pourraient, de toute manière, pas être mis en lien causal avec les dommages propres que peuvent invoquer les riverains, à savoir les dommages causés par les nuisances sonores ;

Attendu que, par ailleurs, certains riverains postulent en termes de dispositif de leurs conclusions que " Pour les riverains qui auraient signé dans leur acte de vente, une clause stipulant qu’ils s’engageaient à se désister de toute action ou de toute réclamation indemnitaire, dire pour droit que ce procédé s’assimile à une contrainte fautive et illicite au regard de la CEDH et dit pour droit que cette clause est nulle " (voir, notamment, page 674 des conclusions de synthèse de Me MISSON) ;

Que cette demande nouvelle et très particulière n’est guère explicitée dans la motivation des conclusions de synthèse des riverains, l’épisode de cette clause y étant mentionné en précisant que la SOWAER s’est rétractée sous la menace d’une action en référé (voir le dernier paragraphe de la page 562 et les trois premières lignes de la page 563 des conclusions de synthèse de Me MISSON) ;

Qu’en tout état de cause, la Cour ne perçoit pas l’intérêt des riverains à postuler une telle demande dans la mesure où ni la Région wallonne ni une autre partie défenderesse originelle n’a invoqué, dans ses conclusions de synthèse, l’existence de cette clause pour conclure à l’irrecevabilité de l’action des riverains qui l’avaient signée ;

Que, de toute manière, on ne perçoit pas le lien de causalité entre cette clause et le dommage postulé qui est le dommage engendré par les nuisances sonores produites par l’activité de l’aéroport de Bierset ;

 M. La situation particulière des trois sociétés SAB, TNT et CAL

Attendu que l’analyse qui précède n’a pas permis de retenir une faute de la Région wallonne ;

Attendu qu’a fortiori, il ne peut être retenu une faute dans le chef de la société SAB qui est une société qui a toujours agi en fonction des règles et directives données par la Région wallonne ;

Que, plus particulièrement, aucune faute ne peut lui être reprochée dans sa gestion spécifique, notamment, dans sa gestion des fonds destinés à atténuer les nuisances causées aux riverains, gestion qui était, d’ailleurs, contrôlée par la Région wallonne ;

Qu’il ne peut non plus être reproché à cette société d’avoir simplement agi pour la réalisation de son objet social, à savoir le développement économique de l’activité aéroportuaire à Bierset et ceci, même si ce développement a entraîné la présence de nuisances évidentes pour les riverains ;

Qu’ainsi, en ce qui concerne spécifiquement des dérogations pour l’utilisation de certains types d’avions, il ne peut être reproché à la société SAB d’avoir simplement demandé, en conformité avec la réglementation applicable, certaines dérogations à la Région wallonne, cette dernière gardant la responsabilité de les accorder ou de les refuser ;

Attendu que, quant à la société CAL, aucune faute n’est suffisamment démontrée ;

Que, dans ses conclusions, cette société expose que le vol de nuit auquel elle recourt est nécessité par les produits transportés qui sont des produits frais de l’agriculture et de l’horticulture, principalement des fleurs coupées qui sont livrées au marché d’Amsterdam ;

Que cette société conteste formellement qu’un journaliste aurait pu assister à " l’embarquement nocturne de vaches polonaises " (voir page 10 de ses conclusions de synthèse) ;

Qu’au surplus, la particulière petitesse de l’activité de cette société à Bierset n’a pratiquement quasi aucun impact sur les nuisances supportées par les riverains, cette société n’utilisant qu’un ou deux avions et ceci même si ces avions sont des Boeing 747 (voir page 437 des conclusions de synthèse de Me MISSON) ;

Attendu que, quant à la société TNT, si elle a été accusée de tous les maux, notamment de voler n’importe où, n’importe comment et avec des avions obsolètes, force est de constater que ces accusations ne sont pas suffisamment prouvées que pour être admises ;

Que, même, dans le sens inverse, comme signalé ci-dessus, on peut relever une analyse par la SOWAER des données sonométriques et des enregistrements radars transmis à Me MISSON, analyse effectuée en 2003 et qui conclut seulement à la présence de 8 écarts inexpliqués sur plus de 1.400 mouvements d’appareil par sonomètres et à moins de 0,6 % d’écart de trajectoire (voir la dernière page de la pièce XII/14 du dossier principal de la Région wallonne) ;

Qu’au surplus, il n’est pas non plus prouvé que cette société ne respecterait pas l’ensemble des réglementations qui s’impose à elle ;

Que, par ailleurs, cette société, qui est une société privée à but lucratif, ne peut se voir imposer une obligation spécifique de précaution ou une obligation particulière d’information dans la mesure où son activité est parfaitement connue par les pouvoirs publics et utilise en partie le domaine public ;

Que, dans cette logique, indépendamment de toutes obligations contractuelles dont elle pourrait bénéficier, il est évident que si, comme le voudraient certains riverains, il était imposé brutalement à cette seule société, et pas à ses concurrentes directes, de changer complètement sa flotte d’avion et de ne plus utiliser des avions gros porteurs traditionnellement présents dans le transport de fret, cette société ne pourrait qu’en tirer les conséquences évidentes en raison de l’impossibilité économique de poursuivre ses activités à Liège-Bierset avec des conditions d’exploitation beaucoup plus drastiques et onéreuses que celles du marché belge (cas de DHL à Bruxelles) ou du marché international voisin (cas de UPS et de la compagnie FED EX) ;

Qu’enfin, il ne peut être reproché à faute à la société TNT les créneaux horaires qu’elle utilise dans la mesure où ses concurrents, à savoir les sociétés de fret express, poursuivent leurs activités, en Belgique ou dans d’autres pays d’Europe occidentale, en bénéficiant des mêmes créneaux horaires de nuit ;

Que, sur ce point des créneaux horaires, il y a lieu de relever qu’il n’est pas pertinent de comparer l’aéroport de Bierset avec des aéroports qui n’abritent pas des sociétés pratiquant la même activité que la société TNT, à savoir le transport de fret express ;

Que, par ailleurs, la seule comparaison technique, faite par les riverains, avec un concurrent direct de la société TNT est une comparaison faite sur ¾ de page et qui ne fait mention que d’une note technique de la compagnie UPS quant à sa politique d’utilisation des types d’avions, note qui date de 1992 (voir page 140 des conclusions de synthèse de Me t’SERSTEVENS et CAMBIER) et qui est ainsi obsolète ;

 V. ANALYSE SPECIFIQUE DE L’ARTICLE 8 CEDH ET DE L’ARTICLE 1 DU PREMIER PROTOCOLE ADDITIONNEL

1. Préambule

Attendu qu’on peut d’abord relever que la Région wallonne, dans ses conclusions de synthèse, ne conteste pas que des nuisances sonores telles celles générées par les activités de l’aéroport de Bierset peuvent constituer une ingérence au regard du droit au respect de la vie privée et familiale ou une atteinte au droit de propriété ;

Attendu qu’au surplus, avant d’entrer dans l’analyse, il y a lieu de cerner le problème qui reste à être examiné en conséquence de tous les éléments déjà dégagés ci-dessus ;

Qu’ainsi, pour rappel, le problème de la prise en compte d’illégalités a déjà été analysé et aucune illégalité utile n’a été retenue pour l’application spécifique des articles de la CEDH et du Premier Protocole additionnel étudiés à ce stade, soit que l’illégalité invoquée n’était pas retenue comme telle, soit que l’illégalité en cause n’était pas une illégalité des mesures créant l’ingérence mais une illégalité touchant seulement aux mesures destinées à gérer les nuisances sonores, soit que l’illégalité vantée n’était pas en lien causal suffisant avec le dommage invoqué ;

Que la notion de faute a été écartée, en ce compris une faute de chronologie dans les mesures prises ;

Que, sur ce point, il y a lieu de considérer repris à ce stade toute l’analyse faite ci-dessus quant à la faute ;

Qu’en conséquence, le seul problème qui peut encore être examiné à ce stade est la question de savoir si l’ingérence dans la vie privée et l’atteinte au droit de propriété sont des mesures proportionnelles en fonction du but poursuivi et ceci en prenant en compte les mesures prévues par la Région wallonne pour la gestion des nuisances sonores ;

Attendu qu’au surplus, comme déjà signalé ci-dessus, la Cour ne partage pas l’interprétation particulièrement extensive que Me t’SERSTEVENS et CAMBIER veulent donner à l’arrêt n° 51/2003 de la Cour d’arbitrage ;

Que ladite Cour n’a nullement retenu une violation de l’article 8 de la CEDH et qu’il n’est pas admissible, en isolant certains considérants de l’arrêt de prétendre qu’il serait " logique de considérer que la Cour d’arbitrage a implicitement mais certainement admis la violation " de cet article (voir page 78 des conclusions de synthèse des précités) ;

 2. L’article 8 de la CEDH

Attendu que, dans le souci de ne pas rentrer inutilement dans des controverses doctrinales, la présente Cour n’établira pas une analyse détaillée de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’Homme, notamment quant à la nature exacte du droit à la protection d’un environnement sain, qui est, selon la Région wallonne un droit de la troisième génération (voir page 431 et suivantes de ses conclusions de synthèse), dans la mesure où la reconnaissance même de ce droit n’est pas niée ;

Que, dans la même optique, la Cour évitera, dans la mesure du possible, de pénétrer dans les questions de la différence entre les ingérences, ou obligations négatives, et les obligations positives, et, dans le problème de l’effet horizontal des droits protégés par la CEDH ;

Attendu qu’a priori, il y a lieu de constater que la Cour européenne a encore eu à connaître très récemment du problème des nuisances aéroportuaires ;

Que, dans cette mesure, la présente Cour s’attachera exclusivement à l’analyse approfondie faite par la Cour européenne de ce cas très récent ;

Attendu que ce cas récent a donné lieu à deux arrêts de la Cour européenne, à savoir un premier arrêt du 2 octobre 2001 rendu par la troisième section de la Cour composée de 7 magistrats, puis, un arrêt du 8 juillet 2003, rendu par la Grande Chambre sur demande du Gouvernement anglais, à savoir, un arrêt rendu par 17 magistrats de la Cour (voir pièces XII/16 et 17 du dossier principal de la Région wallonne, affaire HATTON et autres contre Royaume-Uni) ;

Que si le premier arrêt avait retenu, en l’espèce, par 5 voix contre 2, une violation de l’article 8 de la CEDH, le deuxième arrêt a dit, par contre, par 12 voix contre 5, qu’il n’y avait pas eu de violation de cet article ;

Que, dans cette mesure, la présente Cour estime qu’il n’est pas admissible, pour la présente analyse, de retenir les principes mentionnés par le premier arrêt ou dans les opinions dissidentes du deuxième arrêt, dans la mesure où la conclusion de ce premier arrêt, quant à l’article 8 en cause, n’a plus du tout été retenue dans le second arrêt ;

Attendu que, quant aux éléments utiles repris dans l’arrêt du 8 juillet 2003, qu’on qualifiera comme les parties à la présente cause d’arrêt HATTON II, il y a lieu de retenir que :

- la Cour européenne précise elle-même (voir point 120 de l’arrêt) que, dans les affaires antérieures où des problèmes environnementaux l’ont amenée à conclure à des violations de la Convention, ses constats se fondaient sur une inobservation par les autorités nationales de certains aspects de la réglementation interne (voir affaire GUERRA et affaire LOPEZ OSTRA), ce qui n’est pas le cas dans l’affaire HATTON ;

- pour justifier la réglementation des vols de nuit, il est légitime pour l’Etat en cause de prendre en compte des intérêts économiques, l’alinéa 2 de l’article 8 autorisant les restrictions nécessaires au bien-être économique du pays, les intérêts cités à ce stade étant " non seulement les intérêts économiques des compagnies aériennes et autres entreprises et ceux de leurs clients, mais aussi, et surtout, les intérêts économiques du pays dans son ensemble " (voir point 121 de l’arrêt) ;

- l’examen à faire est celui d’un juste équilibre, un statut spécial ne devant pas être accordé aux droits environnementaux dans cette analyse (voir point 122 de l’arrêt) ;

- dans le cas des vols de nuit, l’appréciation à faire est celle relative à la règle normale applicable aux décisions de politique générale et non celle applicable à une ingérence par une mesure pénale (voir point 123 de l’arrêt) ;

- l’appréciation à faire est une appréciation en fait (voir points 124 et 125 de l’arrêt) ;

- quant à l’appréciation du juste équilibre du côté des intérêts économiques, la Cour ne procède même pas à une quelconque analyse à ce sujet et se contente de dire que " Quant aux intérêts économiques faisant contrepoids à l’opportunité de restreindre ou de supprimer les vols de nuit pour atteindre les buts mentionnés, la Cour juge raisonnable de présumer que ces vols contribuent, du moins dans une certaine mesure, à l’économie générale " (voir point 126 de l’arrêt) ;

- pour apprécier le juste équilibre, la Cour estime devoir aussi prendre en considération les mesures mises en place pour atténuer les effets du bruit généré par les aéronefs (voir point 127 de l’arrêt) ;

- la Cour relève que, dans des questions complexes de politique environnementale et économique le processus décisionnel doit nécessairement comporter la réalisation d’enquêtes et d’études appropriées, de manière à permettre l’établissement d’un juste équilibre entre les différents intérêts concurrents en jeu (voir point 128 de l’arrêt) ;

- la question à se poser est, en définitive, de savoir si les autorités ont ou " n’ont pas dépassé leur marge d’appréciation dans la recherche d’un juste équilibre entre, d’une part, le droit des personnes touchées par la réglementation litigieuse à voir respecter leur vie privée et leur domicile, et, d’autre part, les intérêts concurrents d’autrui et de la société dans son ensemble " (voir point 129 de l’arrêt) ;

Attendu que, si on applique ces principes et éléments au cas de l’aéroport de Bierset, il y a lieu de constater que l’analyse à faire est celle de la marge d’appréciation de la Région wallonne dans le cadre du juste équilibre à respecter entre les ingérences subies par les riverains et les intérêts économiques du développement de l’activité en cause et, ceci, en regardant aussi les mesures mises en place pour la gestion du bruit et en vérifiant si les décisions prises l’ont été sur base d’enquêtes et d’études appropriées ;

Attendu que, dans ce cadre, il y a lieu de relever les éléments suivants ;

- au niveau des enquêtes et études appropriées, la Région wallonne avait à sa disposition une étude économique, soit l’analyse faite par Tractebel, et trois études techniques, à savoir l’étude A-Tech de 1996, l’étude du CEDIA et l’étude réalisée par A-Tech, notamment, en collaboration avec le bureau SPEEDWING ;

- il n’est pas prouvé que ces études étaient insuffisantes pour permettre à la Région wallonne de mesurer correctement les ingérences générées par l’activité litigieuse et de prendre des décisions en connaissance de cause ;

- les mesures prises pour la gestion des nuisances sont assez nombreuses, soit réglementation des routes aériennes, réglementation du type d’avions utilisés, réglementation pour l’élaboration d’un PEB, réglementation pour le rachat de certains immeubles et réglementation pour des insonorisations (voir les commentaires faits ci-dessus quant aux détails de ces réglementations) ;

- alors que la Cour européenne se contente d’une présomption d’intérêt économique des vols de nuit, en l’espèce, l’intérêt économique a été relevé et analysé par le CIRIEC dans plusieurs rapports (voir les pièces IX/3 à 6 du dossier principal de la Région wallonne) ;

- dans cette mesure, il n’est pas utile de rentrer dans les polémiques quant au nombre exact, à la qualité et au coût des emplois générés par l’activité aéroportuaire sur le site de Bierset ;

- c’est ainsi, à titre quasi superfétatoire, qu’on peut relever, les chiffres importants d’emplois directs et indirects sur le site aéroportuaire même, à savoir, en 2001, au minimum 1.761 + 554 emplois, chiffres n’incluant nullement les emplois indirects hors du site et les emplois induits (voir page 105 du rapport final de septembre 2002 du CIRIEC, pièce IX/5 du dossier principal de la Région wallonne) ;

- dans cette même mesure, et, par ailleurs, la Cour ne s’attardera pas au rapport invoqué, au niveau budgétaire du coût économique de l’emploi généré par l’aéroport, par Me t’SERSTEVENS et CAMBIER (voir page 83 et suivantes et pages 145 et suivantes de leurs conclusions de synthèse), ce rapport, qui reconnaît la création d’un nombre non négligeable d’emploi, procédant à des estimations du coût des emplois créés en partant d’hypothèses maximalistes, notamment, en matière de frais d’isolation (voir ce rapport en pièce 54 du dossier principal des précités) ;

- il est, certes, possible de contester l’utilité économique théorique des vols de nuit (voir, notamment, page 122 et suivantes des conclusions de Me t’SERSTEVENS et CAMBIER), néanmoins, l’intérêt économique ne peut s’apprécier, à ce stade, d’une manière théorique et macroéconomique mais doit s’analyser en fonction de la plus-value apportée par les activités de l’aéroport à la région qui l’entoure, notamment, en terme d’emploi ;

Attendu que, par ailleurs, compte tenu du point 122 susvisé de l’arrêt, à savoir qu’un statut spécial ne devant pas être accordé aux droits environnementaux dans l’analyse du juste équilibre, la Cour ne peut suivre le raisonnement fait par Me MISSON (pages 540 à 547 de ses conclusions de synthèse) et par Me t’SERSTEVENS et CAMBIER (page 105 et suivantes de leurs conclusions de synthèse), raisonnement dans lequel il est estimé qu’il y aurait, quod non, une prépondérance de la protection de la santé publique par rapport aux considérations économiques ;

Que, dans cette même mesure, la Cour estime inutile et non pertinent de poser la question préjudicielle mentionnée à la page 547 desdites conclusions de Me MISSON ;

Attendu que, quant à l’application de l’article 8 en cause, le nouveau décret du 29 avril 2004 ne permet pas une autre analyse ;

Qu’en effet, quant aux études préalables, outre les études précitées qui sont toujours pertinentes, d’autres études ont encore été commandées et faites pour apprécier les mesures à prendre en matière de gestion des nuisances ;

Que l’on peut mentionner sur ce point :

-l’étude précitée de l’expert canadien BRADLEY, auquel la Région wallonne a soumis sa réglementation, qui a conclu que le plan de la Région wallonne était correct et réfléchi (voir son rapport du 23 avril 2002, pièce X/9 du dossier principal de la Région wallonne) ;

- l’étude du professeur FONTAINE " de la relation du bruit aéroportuaire à la santé " - " A propos de l’aéroport de Liège (voir pièce XI/2 du dossier principal de la Région wallonne) ;

- l’étude du professeur LINKOWSKI intitulée " Région wallonne – Bierset : expertise " du 14 novembre 2003 (voir pièce XI/3 du dossier principal de la Région wallonne) ;

Que, par ailleurs, plusieurs études d’incidence ont été faites dans le cadre de la modification du plan de secteur de Liège et dans le cadre de l’allongement de la piste ;

Que les bureaux qui ont réalisé ces études devaient, légalement, être structurellement indépendants des défendeurs originaires ;

Que toutes ces études, qui intégraient la situation spécifique de l’aéroport de Bierset, notamment le fait que cet aéroport fonctionne avec une piste unique, une trajectoire unique et une concentration temporelle, donnaient à la Région wallonne les bases nécessaires à une appréciation de la situation ;

Attendu que, par ailleurs, quant aux mesures de gestion du bruit à prendre en compte, il y a lieu de se référer à l’analyse faite ci-dessus tant au niveau des premières mesures que des mesures prévues dans le nouveau décret ;

Attendu qu’enfin, il y a eu une prise en compte de la situation des riverains, cet élément imposant seulement que le pouvoir public ait les éléments d’appréciation sur cette situation, ce qui était manifestement le cas par le biais, notamment, de SERINFO ;

Que la Région wallonne disposait aussi d’études spécifiques sur la situation des effets de la nuisance sonore pour les riverains de l’aéroport de Bierset (voir les études citées ci-dessus) ;

Que, dans le cadre du décret du 29 avril 2004, si l’association des riverains " Net Sky " n’a pas été auditionnée, c’est au motif que sa lettre ne mentionnait nulle part un souhait d’être entendue par le Parlement wallon et que ce courrier était suffisamment précis dans son contenu et dans ses objectifs (voir page 3 du rapport contenu dans les documents parlementaires du décret, pièce II/51 du dossier complémentaire de la Région wallonne) ;

Que, par contre, les députés wallons ont entendu un exposé de membres de l’ACNAW, soit l’autorité de contrôle des nuisances sonores aéroportuaires en Région wallonne, dont l’indépendance n’a jamais été contestée, et, un exposé de Jean NUMERLIN, directeur de la cellule d’études et de développement en ingénierie acoustique (CEDIA) à l’Université de Liège (voir page 8 et suivantes de la pièce précitée) ;

Attendu qu’au surplus, il est particulièrement hasardeux de tenter une comparaison entre la situation de fait de l’aéroport d’Heathrow et la situation de fait de l’aéroport de Bierset dans la mesure où les seuls éléments de fait relatés par les arrêts HATTON sont particulièrement minces et peu détaillés ;

Qu’au contraire, on pourrait, à tout le moins, s’interroger sur la situation précise vécue par les riverains repris dans l’arrêt HATTON II en rapport avec les chiffres cités pour les nuisances sonores subies par ceux-ci " avant 6 heures tous les matins " (voir le premier paragraphe du point 27 de l’arrêt HATTON II), alors que l’arrêt ne parle pas de mesures précises d’isolation ou de rachat pour les immeubles habités par ces riverains ;

Que l’interrogation est encore plus forte si on consulte, dans les tableaux non contestés de la société SAB, les actions mises en œuvre pour la gestion spécifique du bruit à Heathrow avant l’année 2000 (voir page 168 des conclusions de synthèse de la société SAB qui mentionne depuis cette année 2000, une obligation progressive d’abaisser le bruit pendant la période nocturne de 2 ou 3 Db, soit de voir " la limite de 97 Db baisser à 94 Db ") ;

Qu’on pourrait encore s’interroger sur les enquêtes étonnantes, en comparaison avec les plaintes des riverains de Bierset, faites auprès de 400 riverains de Heathrow et de trois autres gros aéroports anglais, dans la mesure où, selon ces enquêtes telles que rapportées au point 35 de l’arrêt HATTON II, " Il s’en dégageait que très peu de personnes vivant dans le voisinage d’un aéroport risquaient, une fois endormies, de voir leur sommeil gravement perturbé par le bruit des avions, et que, par comparaison, avec la moyenne globale d’environ dix-huit réveils nocturnes non causés par le bruit des aéronefs, même un grand nombre de mouvements nocturnes bruyants n’entraîneraient qu’une augmentation minime des réveils nocturnes chez un individu moyen. Le rapport concluait que les résultats de l’étude sur le terrain ne mettaient pas en évidence aucun élément indiquant que le bruit généré par les aéronefs fût susceptible de laisser des séquelles ", et, si " ses conclusions se fondaient sur des effets moyens ", seul un pourcentage particulièrement minime de sujets de l’étude, soit " (2 à 3 %) " était plus sensible que " la moyenne à cette nuisance " ;

Attendu qu’à tout le moins, il n’est pas suffisamment démontré que les riverains de Bierset seraient dans une situation certainement moins favorable que les riverains d’Heathrow ;

Que, surabondamment, si une comparaison précise devait être faite, elle ne pourrait non plus se limiter à envisager la situation des seuls requérants de l’affaire HATTON mais devrait concerner l’ensemble des mesures prises pour gérer les nuisances sonores subies par tous les riverains de l’aéroport d’Heathrow ;

 3. L’article 1 du Premier Protocole additionnel CEDH

Attendu qu’une grande partie de l’analyse qui vient d’être émise quant à l’article 8 susvisé est aussi applicable pour l’article 1 en cause ;

Attendu que, par ailleurs, pour rappel, la violation doit s’apprécier en fonction des mesures prises par la Région wallonne pour la gestion des nuisances ;

Qu’ainsi, il y a lieu de souligner, quant au respect du droit de propriété, l’existence des mesures spécifiques de rachat et d’insonorisation prévues par la Région wallonne ;

Qu’il y a lieu de s’en référer à tout ce qui a été mentionné antérieurement dans le présent arrêt quant aux principes et quant aux détails de ces mesures ;

Que, pour les cas qui peuvent être considérés comme des violations du droit de propriété en raison du caractère particulièrement élevé des nuisances, il leur est loisible d’obtenir le rachat de leur immeuble ;

Que, quant aux procédures concrètes de rachat, ces mesures n’ont pas été jugées fautives et la preuve n’est pas rapportée que les sommes octroyées par la Région wallonne dans ce cadre seraient insuffisantes pour considérer qu’une juste indemnisation n’a pas été donnée aux riverains concernés ;

Que, quant aux mesures d’insonorisation, il n’est pas prouvé que ces mesures ne seraient pas satisfaisantes ou qu’il y aurait une atteinte suffisamment grave au droit de propriété des riverains concernés ;

Attendu que, par ailleurs, les références à d’autres réglementations reprises à ce stade à la page 577 des conclusions de synthèse de Me MISSON n’apportent rien de plus à l’analyse ;

Que, comme déjà dit ci-dessus, l’article 16 de la Constitution reprend un principe général qui n’est pas différent de celui de l’article 1er du Premier Protocole ici en cause, et, l’article 79, § 1er de la loi spéciale du 8 août 1980 n’est qu’une disposition qui autorise les gouvernements régionaux à recourir à des expropriations ;

Que l’article 544 du Code civil qui définit l’étendue du droit de propriété est, certes, un article qui est à la base de la théorie des troubles de voisinage qui sera étudié ci-dessous mais n’est pas une disposition qui permettrait, pour le cas d’espèce, de poser une autre constatation spécifique et séparée de celle faite dans le cadre de l’article 1er du Premier Protocole ;

 b) LA THEORIE DES TROUBLES DE VOISINAGE

Attendu qu’à ce stade encore, la présente Cour évitera de rentrer dans des controverses doctrinales dont l’intérêt immédiat ne serait pas utile quant à la solution du litige ;

Que, d’ailleurs, l’appréciation en fait n’est pas fondamentalement différente suivant l’explication et le fondement doctrinal donnés à cette théorie qu’elle concerne uniquement des particuliers ou qu’elle concerne des personnes privées dans leur rapport avec une autorité publique ;

Attendu qu’au surplus, il n’est évidemment pas question de nier l’importance des nuisances sonores causées par l’activité réalisée sur le site de Bierset mais de voir si la théorie invoquée peut être appliquée au cas d’espèce ;

Attendu que la théorie des troubles de voisinage repose sur la notion d’une rupture de l’équilibre, soit entre des fonds voisins, soit vis-à-vis des charges publiques ;

Qu’il y a donc lieu de s’interroger sur l’équilibre et sur la rupture de l’équilibre ;

Attendu que, quant aux circonstances de fait pour définir l’équilibre, il y a lieu de constater la caractéristique de la cause qui est la présence d’un aéroport qui est particulièrement ancien puisqu’il a été construit durant les années 1914-1918 ;

Attendu que les riverains ne contestent évidemment pas cette présence particulièrement ancienne de l’aéroport mais font état du fait que cet aéroport n’avait qu’une activité réduite au début des années 1990 ;

Attendu que ce fait est exact mais ne démontre pas que c’est précisément ces années qui doivent être prises en compte pour apprécier l’équilibre ;

Qu’en effet, avant cette période, l’aéroport avait connu une activité militaire relativement intensive notamment avec des avions de chasse, avions dont il n’est pas contesté qu’ils sont particulièrement bruyants ;

Que, dans ce cadre, les premiers juges avaient d’ailleurs correctement relevé que : " Le fait que l’activité ait d’abord été exclusivement militaire ne permet pas, en soi, de conclure que le développement ultérieur d’une activité civile a rompu l’équilibre des charges normales du voisinage … Le fait que l’activité militaire ait décru depuis un certain temps, compte tenu du contexte militaire international, n’est pas relevant. Une recrudescence de cette activité reste, au demeurant, autant envisageable qu’un accroissement des mouvements civils " (voir page 152 du jugement entrepris) ;

Attendu qu’on peut aussi poser le problème d’une manière beaucoup plus générale, à savoir quel est le trouble normal auquel on peut s’attendre à la proximité d’un aéroport ?

Attendu que ce problème a déjà été posé récemment pour l’aéroport de Zaventem ;

Que la Cour d’appel de Bruxelles, dans un arrêt du 24 janvier 1997, a rejeté l’application de cette théorie (voir pièce V/11 du dossier principal de la Région wallonne) ;

Que, certes, l’aéroport de Zaventem est l’aéroport national et est situé à la périphérie de la ville de Bruxelles ;

Que, néanmoins, sa situation est relativement semblable à celle de l’aéroport de Bierset dans la mesure où ce dernier est situé à proximité d’une ville importante, à savoir la ville de Liège, qui est le pôle économique de toute une région, et, où, les deux aéroports ont une caractéristique identique, à savoir qu’ils accueillent chacun les activités d’un des quatre grands intégrateurs de fret express ;

Que, pour une analyse comparative concernant d’autres aéroports, il peut être renvoyé aux tableaux susmentionnés de la société SAB (voir page 167 et suivantes de ses conclusions de synthèse) ;

Attendu qu’au surplus, quant à l’appréciation de la rupture et quant au caractère excessif du trouble, il faut s’interroger sur la situation précise qui doit être prise en compte ;

Que, sur ce point, il y a lieu de tenir compte des mesures prises par la Région wallonne pour remédier aux nuisances sonores ;

Qu’en effet, dans la mesure où aucune faute n’a finalement été retenue à charge de la Région wallonne, on ne peut apprécier les éléments utiles susvisés en omettant ces mesures ;

Qu’on pourrait encore rappeler ici les chiffres importants susmentionnés de riverains qui ont, pendant des années, négligé de rentrer dans les procédures prévues par la Région wallonne et qui ne pourraient, ainsi, invoquer, dans le cadre de la théorie des troubles de voisinage, un trouble dont ils n’ont pas cherché à éviter ou à diminuer les nuisances alors que des mesures leur étaient proposées dans ce sens ;

Que c’est d’ailleurs dans une telle logique que certains riverains contestent à nouveau, à ce stade, ces mesures et, notamment, l’efficacité des mesures d’insonorisation (voir page 620 des conclusions de Me MISSON) ;

Qu’à ce stade, il y a lieu de rappeler que, très rapidement après le début des vols, les riverains qui supportaient les nuisances les plus graves pouvaient demander le rachat de leur immeuble et déménager ;

Que les hypothèses de nuisance dans lesquelles le rachat est possible ont été étendues, notamment, dans le nouveau décret voté le 28 avril 2004 ;

Que, sur ce point précis en rapport avec les troubles de voisinage, la Région wallonne a écrit dans ses conclusions complémentaires, sans que les autres parties ne contestent ensuite formellement ces affirmations, que : " Le décret du 28 avril 2004 améliore la situation des riverains puisqu’il vise à mettre les riverains situés en zone B’ sur le même pied que ceux situés en zone A’ en leur permettant de vendre leur immeuble à la Région wallonne. Les riverains situés en zone B’ bénéficient ainsi du régime juridique prévu en cas de nuisances insupportables alors qu’aux termes du rapport Plom notamment, bon nombre d’entre eux ne subissent que des nuisances qualifiées de graves – et donc non excessives aux alentours immédiats d’un aéroport. Ces riverains vont donc ainsi recevoir une " juste et adéquate compensation " du trouble effectivement subi, qui excède, pour tous les riverains, un trouble normal de voisinage " ( page 149 des conclusions complémentaires de la Région wallonne) ;

Que, quant aux autres riverains qui subissent des nuisances nettement moindres, il n’est pas suffisamment prouvé que les travaux d’insonorisation dont ils peuvent bénéficier ne sont pas de nature à supprimer le trouble subi, à reconnaître, quod non, que ce trouble serait excessif ;

Attendu qu’il y a lieu, en conséquence, de retenir, qu’outre la difficulté spécifique de définir, à proximité d’un aéroport, un équilibre de voisinage ou de charges publiques, les riverains qui pourraient invoquer une nuisance non admissible dans le cadre de la théorie en cause peuvent bénéficier de mesures prévues par la Région wallonne et qui sont susceptibles, soit d’atténuer le trouble de telle manière qu’il ne soit plus excessif, soit, par le rachat ou le payement d’indemnités de déménagement, de supprimer le trouble en quittant les zones de nuisance ;

Attendu qu’au surplus, la brève liaison faite par Me MISSON, aux pages 637 et 638 de ses conclusions de synthèse, entre la théorie des troubles de voisinage et certains droits fondamentaux dont l’article 23 de la Constitution, les articles 156 et 174 CE et l’article 8 CEDH ne permet pas de retenir une autre solution ;

 c) CONCLUSIONS QUANT AUX DIFFERENTES DEMANDES POSTULEES PAR LES RIVERAINS

Attendu qu’il résulte des éléments de la cause et de l’analyse qui précède et qui est fondée sur les multiples documents et rapports déposés par les parties, que la présente Cour n’estime pas utile d’entendre des témoins ou de recourir encore aux lumières de nouveaux experts ;

Qu’en effet, la plupart des personnes qui pourraient avoir un témoignage intéressant en la cause sont des personnes qui sont ou qui ont été impliquées directement dans la problématique, tels les membres de SERINFO, de la SOWAER ou de la cellule EDSI ;

Que l’expert judiciaire PLOM a été récusé dans le cadre de l’expertise prononcée par les premiers juges ;

Que, vu son rapport, les propos que pourrait tenir l’expert judiciaire DELBROUCK ne changeraient pas l’appréciation de la cause ;

Que, surabondamment, quant aux trois experts actuellement désignés par les premiers juges, il ressort des débats aux audiences que les qualités de deux de ces trois experts seraient actuellement contestées par certains riverains et qu’une procédure en récusation serait en voie d’être finalisée sur ce point (voir les précisions apportées en pages 16 et 17 des conclusions complémentaires de Me MISSON, la requête en récusation déposée concernant l’expert judiciaire médecin et l’expert judiciaire acousticien) ;

Que, par ailleurs, il ne serait pas pertinent ou utile de prolonger des controverses techniques et médicales qui sont déjà bien exposées et détaillées dans les dossiers des parties ;

Attendu qu’aucune des bases juridiques invoquées par les riverains n’étant finalement retenues, il ne peut être fait droit à leurs différentes demandes que ces demandes concernent des dommages et intérêts, des interdictions ou aménagements des vols d’avions utilisant l’aéroport de Bierset, ou, des injonctions à la Région wallonne pour le futur ;

Que, dans cette même mesure, la Cour ne peut entendre des témoins pour savoir " dans quel délai " les mesures utiles et indispensables pour la gestion des nuisances sonores " pourraient se concrétiser de manière effective sur le terrain " ;

Qu’on peut seulement relever, sur ce point, que l’adoption du décret du 29 avril 2004 est, certes, un pas franchi, mais qu’il devra y en avoir encore d’autres, bien plus considérables sur le plan de l’effectivité, qui devront rapidement être pleinement exécutés, ce qui nécessitera, compte tenu de la nature des mesures en cause, une collaboration entre, d’une part, les riverains concernés, et, d’autre part, la Région wallonne et les organes désignés par elle pour la mise en œuvre de ces mesures ;

* * * * * * * * * *

D. CONSIDERATIONS FINALES

Attendu qu’à la fin de l’analyse, il n’est pas inutile de rappeler, comme cela a déjà été mentionné au début de l’arrêt, les limites du pouvoir du juge judiciaire ;

Qu’il n’est pas un super censeur des décisions prises par les pouvoirs politiques ;

Qu’il ne peut se substituer à l’administration pour prendre à sa place des décisions que certains estimeraient plus adéquates ou meilleures pour leurs intérêts ;

Attendu qu’au surplus, il appartient à chacun, en sa qualité de citoyen, d’exercer les droits politiques qui lui sont reconnus pour faire entendre ses opinions et ses préoccupations légitimes ;

Attendu que, dans cette mesure, le présent arrêt ne constitue nullement une appréciation de la qualité politique des décisions successives qui ont été prises par la Région wallonne ;

Que, par ailleurs, le présent arrêt ne statuant que sur la situation qui existe au moment où il est prononcé, il reste encore à la Région wallonne à prévoir la mise en œuvre concrète des nouvelles mesures prévues par le décret voté le 28 avril 2004 ;

Que, dans le cadre de cette mise en œuvre, qui requiert le concours positif des riverains, les actes concrets à venir seront encore susceptibles d’être contrôlés par le pouvoir judiciaire, notamment, s’il devait s’avérer que des fautes pourraient être reprochées dans le cadre des prix fixés pour les rachats ou dans le cadre de la prise en charge des coûts, de la réalisation des travaux et des objectifs à atteindre pour les insonorisations ;

* * * * * * * * * *

PAR CES MOTIFS,

Vu l’article 24 de la loi du 15 juin 1935 ;

La Cour, statuant contradictoirement, en application des articles 747 et 748 à l’égard des époux Gino et Carine RUSSO, et, dans les limites de sa saisine ;

Disjoint la cause en ce qui concerne les époux Gino RUSSO et Carine COLLET précités et en ce qui concerne les parties requérantes en intervention volontaires par les actes susvisés du 29 avril 2004, et renvoie la cause au rôle particulier de la chambre quant à ces parties ;

Donne acte aux parties concernées des actes suivants :

- acte de désistement d’instance de Vincent SCOUVEMONT (pièce 131 du dossier d’appel) ;

- acte de désistement d’instance des riverains Valéry ALEXANDRE et Eliane GOEF, Olivier VANMICHEL DIT VALET et Carole MISKOLCZY, Nathalie MATHIEU, Marie-Jacqueline DEPAS, Benoît MATIVAL et Marie LENOIR, Jean-Luc CHASLIN, Muriel MERCIER, Lydie et Loïc CHASLIN, Edmond CRUTZ et Christiane MICHEL, Félix RAEMACKERS et Jacqueline LENOIR, Jean-Marie BOLOGNE, Jeannine KERSTEN, Cécile, Sébastien et Bernard BOLOGNE, Joseph MISSOTEN et Françoise DELATTRE, Philippe BARON, Fabienne COUTEREELS, Perine et Maxime BARON(pièce 103 du dossier d’appel) ;

- acte de désistement d’instance, outre de plusieurs personnes déjà reprises dans la pièce 103, des riverains Jean DIRCKX et Augustine DHOINE, Gaston GHEURY et Denise DESSART, Domineco RIZZO, Rosalia SCOZZARO et David RIZZO, Jean-Paul RENETTE, Christiane NOEL et Olivier RENETTE, Catherine CLAES et Coralie MAROY (pièce 171 du dossier d’appel) ;

- acte de reprise d’instance de Jean-Luc COLLETTE en qualité d’administrateur provisoire de la succession de Henri COLLETTE, décédé le 7 mars 2000 (pièce 111 du dossier d’appel) ;

- acte de reprise d’instance de Paul THIRY en sa qualité d’héritier de Bernadette THIRY, décédée le 18 mars 2001 (pièce 173-1 du dossier d’appel) ;

- acte de reprise d’instance de Jean-Luc, Sébastien, Geoffroy, Henri, Christian et Patrick COLLETTE en leur qualité d’héritiers d’Yvette FRANCUS, décédée le 3 août 2001 (pièce 173-2 du dossier d’appel) ;

- acte de reprise d’instance de Jean-Luc, Sébastien, Geoffroy, Henri, Christian et Patrick COLLETTE en leur qualité d’héritiers de Henri COLLETTE, décédé le 7 mars 2000 (pièce 173-3 du dossier d’appel) ;

- acte de reprise d’instance de Jules THOMAS en sa qualité d’héritier de Marthe ROME, décédée le 26 mai 2003 (pièce 173-4 du dossier d’appel) ;

- acte de reprise d’instance de Gérard JAMOULLE en sa qualité d’héritier de Mariette LEMLIN, décédée le 4 juillet 2000 (pièce 173-5 du dossier d’appel) ;

- acte de reprise d’instance de Josette VROONEN en sa qualité d’héritière de Léon BECKERS, décédé le 12 août 2002 (pièce 173-6 du dossier d’appel) ;

- acte de reprise d’instance d’Anne RAUSCH en sa qualité d’héritière de Raymond MORSA, décédé le 1er novembre 2001 (pièce 173-7 du dossier d’appel) ;

- acte de reprise d’instance de Bernadette WOLFF en sa qualité d’héritière d’André RAEMAKERS, décédé le 18 mars 2001 (pièce 173-8 du dossier d’appel) ;

- acte en intervention volontaire de Sébastien et Nicolas DECELLE, nés respectivement le 28 janvier 1979 et le 31 mai 1982, et, domiciliés tous les deux chaussée Brunehault, 688, à 4042 Liers , fils de Guy DECELLE et Bernadette MAUS (pièce 134 du dossier d’appel) ;

- acte de désistement d’instance de Mr et Mme DUMONT-MATOUL ayant pour conseil Me CRAHAY et LUCAS (voir page 176 des conclusions de synthèse des deux précités, pièce 138 du dossier d’appel) ;

Reçoit les appels principaux de la Région wallonne, de la Société SAB et de la société TNT ;

Reçoit les appels incidents des riverains tant en ce qui concerne les trois appelantes qu’en ce qui concerne la société CAL ;

Confirme le jugement entrepris en ce qui concerne la jonction des causes ;

Au surplus,

Dit recevables les demandes des riverains, actuellement formées contre la Région wallonne, la société SAB, la société TNT et la société CAL ;

Donne acte aux conseils des riverains de leur renonciation aux moyens développés sur la base des articles 81 et 82 du Traité de Rome, à savoir les moyens tenant aux problèmes de monopole et d’entente sous la précision que cette renonciation est exclusivement faite dans le cadre de la présente instance ;

Donne acte aux conseils des riverains de leur renonciation, exclusivement dans le cadre de la présente instance devant la Cour d’appel de Liège, à invoquer les articles 87 et 88 du Traité de Rome par rapport aux aides publiques qui auraient été accordées par la Région wallonne aux sociétés présentes à la cause ;

Dit la demande de production du rapport Tractebel de 1991 devenue sans objet ;

Dit les autres demandes des riverains non fondées, notamment :

- en tant qu’elles demandent que la Cour pose des questions préjudicielles à la CJCE ;

- en tant qu’elles visent à faire prononcer des illégalités ou des nullités en lien causal avec le fondement central de la demande principale basée sur un comportement fautif ou une ingérence non proportionnée ;

- en tant qu’elles reposent sur l’article 1382 du Code civil, l’article 8 de la CEDH et l’article 1er du premier protocole additionnel ;

- en tant qu’elles reposent sur la théorie des troubles de voisinage ;

- en tant qu’elles demandent que la Cour pose des questions préjudicielles à la Cour d’arbitrage ;

Dit les demandes nouvelles formées à titre subsidiaire par la société SAB et par la société TNT sans objet ;

Dit l’arrêt commun et opposable à la société Belgocontrol et à l’Etat belge et délaisse à ces deux parties leurs dépens d’appel ;

Condamne les riverains aux dépens des deux instances des trois parties appelantes, dépens liquidés pour ces parties, selon les états déposés, à 949,05 € pour la société SAB, à 751,11 € pour la société TNT, et non liquidés pour la Région wallonne, faute d’état ;

Délaisse à la société CAL ses dépens d’appel dans la mesure où elle postule exclusivement la condamnation des " parties appelantes " sans précision et que, compte tenu de l’arrêt rendu, les trois parties appelantes ne peuvent être condamnées à ces dépens ;

Réserve à statuer et renvoie la cause au rôle particulier de la chambre en ce qui concerne les disjonctions prononcées dans le début du présent dispositif ;

  Ainsi fait et prononcé, en langue française, au palais de justice à l'audience publique de la DIXIEME chambre de la Cour d'appel de LIÈGE, le VINGT-NEUF JUIN DEUX MILLE QUATRE.

Présents :

Madame Hélène REINTJENS, Président

Madame Françoise ROYAUX, Conseiller

Madame Christiane MALMENDIER, Conseiller

Monsieur Willy REYNDERS, Greffier